Avant tout un beau livre.
Par un double jeu de petit texte et de surtitre plus rapide on pénètre ainsi selon ses envies dans l’idée de la page. Chaque image accompagnée de son texte peut être l’occasion d’un point de départ de discussion avec un enfant ou un adolescent. On peut évoquer par exemple l’image de Rungis page 42 puis lire le texte qui l’accompagne pour se rendre compte du trajet de nos produits, en l’occurrence ici la tomate. On trouve des éléments traditionnels comme la photographie des différentes tables du monde. Même les éléments les plus banals semblent comme sublimés par la photographie, jusqu’au rayon de jambon en supermarché !
Voir, Comprendre et agir : un triptyque efficace.
Voir tout d’abord, car c’est d’abord par nos sens que passent les émotions et la compréhension des phénomènes. Une idée : partir du sol pour rappeler des choses essentielles : « l’essentiel de notre nourriture provient du sol fertile qui n’est épais que de 15 cm et qui a mis des milliers d’années à se constituer » ! On a aussi beaucoup parlé de la disparition des abeilles car sans elles, 8 végétaux sur 10 n’existeraient plus ! Enfin, quand on parle de biodiversité il faut se souvenir qu’il a existé jusqu’ à 83000 variétés de riz.
Comprendre ensuite. Après avoir observé, avoir sans doute été parfois surpris et donc s’être interrogé, c’est tout logiquement que la lecture se poursuit. Là aussi on retrouve un système classique de texte ponctué de petits encadrés. Il faut souligner combien tout y est dit de façon compacte et intelligente. Sont abordés ainsi le défi permanent de l’agriculture de produire toujours plus, ou encore les interrogations sur la capacité du bio à nourrir le monde demain.
Enfin, il faut agir et par un habile jeu d’échelles, les auteurs tendent à montrer que chacun à son niveau peut agir ; ainsi on ne fait pas peser uniquement sur le citoyen la responsabilité de la situation actuelle mais on ne l’exonère pas non plus au profit d’entités plus importantes. Pour tout à chacun, Florence Thinard avance donc quelques pistes. Au niveau de l’adolescent, il peut s’agir très simplement de goûter ou d’essayer à nouveau des produits que l’on croit ne pas aimer. Pour une ville ou une région, des principes simples peuvent s’appliquer comme manger d’ici et de saison. Enfin, l’Union européenne n’est pas oubliée en évoquant l’idée d’une réforme à poursuivre de la PAC.
Un tour d’horizon complet.
L’auteur se livre à un balayage large du thème sans rien omettre : on parlera donc du sol et de ses qualités, des légumes, de l’alimentation, de la pêche, du biologique. On aborde aussi les agrocarburants. 232 kilos de maïs peuvent donner 50 litres d’éthanol ou apporter suffisamment de calories pour faire vivre un enfant pendant un an : les enjeux sont posés…
Les habitudes alimentaires et culturelles ne sont pas oubliées avec l’évocation du durian, fruit exotique exquis pour les uns et élément dégoûtant pour d’autres faisant penser à l’odeur de la pourriture et du vomi ! L’ouvrage est exigeant sur le fond, car les auteurs choisissent de nous parler de l’agriculture de haute technologie et ce qu’on y lit n’est pas banal ! La fécule de pomme de terre donne un gel naturel pour lutter contre les feux de forêt.
Un documentaire de qualité.
Dans la partie Agir, on retrouve, sans la nommer l’idée de food miles sur laquelle on trouvera un développement dans lle numéro de la Documentation photographique intitulée « l’agriculture mondialisée » de Jean-Paul Charvet. C’est dire si l’ouvrage de Florence Thinard est tout à fait à jour en terme d’information. Relevons également que le livre est truffé de chiffres sans aller jusqu’au trop plein. De plus, de nombreuses photographies peuvent comme on l’a dit servir de point de départ de réflexion. Celles de la page 22 23 avec d’un côté des animaux pour retourner le sol et de l’autre des machines ultra modernes sont l’occasion de préciser qu’aujourd’hui sur les 1,3 milliards d’agriculteurs dans le monde, 1 milliard ne travaille qu’avec de simples outils à main.
Un peu plus loin, on a d’un côté un déchargement de soja d’un cargo brésilien avec des machines agricoles qui ont l’air de jouets, et de l’autre la bourse de Chicago, là où tout se décide vraiment en terme de prix agricoles.
Signalons encore les pages 9O-91 qui correspondent au parcours d’une vache et l’on suit toute la filière : ce texte peut s’avérer très utile pour nos cours.
Au total ce livre est une vraie réussite, panachant habilement des informations pertinentes, une qualité graphique, et sans culpabilisation excessive, il incite aussi à réfléchir et à agir, le tout de façon réaliste en distinguant des niveaux et des moyens d’action. Un plaisir de lecture à partager entre petits, moyens et grands.
Jean-Pierre Costille