Vaucelles, année 1917. Dans ce petit morceau de Cambrésis, écrin d’une superbe abbaye cistercienne, la guerre s’est installée depuis trois ans et l’armée allemande occupe cette portion de territoire.
Pierre-Jean, jeune homme dont le frère est mort à Notre-Dame-de-Lorette, n’a pas été mobilisé et sert de factotum aux propriétaires du palais abbatial.
Il vit le conflit à travers les successions de récits qui s’offre à lui.
D’abord ceux de Jacques, l’ancien instituteur infirme du lieu, qui déploie régulièrement une carte pour tenter de suivre les mouvements de troupes le long de la ligne Hindenburg.
Ensuite ceux de son ami, le lieutenant Wolfang Jünger, personnage directement inspiré d’Ernst Jünger, qui raconte à sa demande l’horreur des combats.
Enfin les siens propres, d’abord ceux d’un drame familial dont il perçoit l’existence autour de la figure de son père mais également la perspective d’une vie future avec Léonie, la fille d’un éclusier acariâtre.
A la mi-novembre 1917, le fracas des armes vient perturber cet équilibre relatif et plonge directement Pierre-Jean dans la réalité de la Grande Guerre, en lui faisant éprouver successivement les expériences douloureuses de la mort et de la trahison.
On se laisse porter avec beaucoup de plaisir par le livre de Pascal Dessaint, fiction historique où se mêlent « petite » et « grande » histoire, écrite dans un style alerte et bien documentée.
Une fenêtre romanesque de qualité ouverte sur l’un des grands monuments du nord de la France.
Grégoire Masson