« Cet atlas retrace les origines, les enjeux et les conséquences de la Grande Guerre, dans toutes ses dimensions et à toutes les échelles. » La période charnière de l’histoire du monde que constitue la Première Guerre mondiale est analysée par l’intermédiaire de plus de 80 cartes et infographies. Elles sont réalisées par le cartographe-géographe Fabrice LE GOFF et sont commentées par Yves BUFFETAUT, docteur en histoire et déjà auteur de nombreux ouvrages sur la Grande Guerre.

L’auteur insiste dans l’introduction sur le caractère universel de la Grande Guerre et il précise qu »elle ne peut se comprendre sans une version géographique et cartographique ». En effet, la cartographie n’a sans doute jamais été poussée aussi loin que pendant ce conflit. La Première Guerre mondiale s’est presque jouée sur des plans de cadastre. « Comment reproduire autrement tel nid de mitrailleuses, tel abri d’infanterie, tel réseau de barbelés ? ». Au 1/5000, 1 centimètre sur la carte représente 50 mètres sur le terrain. Des centaines ou des milliers d’hommes sont ainsi morts pour gagner quelques centimètres sur une carte.

Le monde en 1914

Dès la fin du XIXème siècle, les États-Unis sont devenus une puissance économique de premier plan. Mais plusieurs vastes empires, essentiellement européens (Royaume-Uni et France en tête), dominent toujours le monde. Toutefois, la Russie et l’Autriche-Hongrie peinent à se réformer. Seule l’Allemagne, unifiée depuis 1871, montre un dynamisme certain. La France, moins peuplée et moins puissante, doit mettre en place des alliances pour espérer rivaliser. Dans une monde redevenu prospère avant la guerre, les pays belligérants disposent des moyens financiers et économiques nécessaires à une guerre de très grande ampleur. Chaque État a mis en place des plans minutieux et bien construits intellectuellement (le Plan Schlieffen par exemple pour les Allemands), se considérant tous comme invincibles et prêts à faire la guerre quand l’archiduc François-Ferdinand est assassiné à Sarajevo le 28 juin 1914.

Une forme de guerre nouvelle

La guerre met en lice des armées d’une taille encore jamais vue, dotées d’un armement d’une puissance jamais approchée jusqu’alors. Le plan Schlieffen se déroule correctement jusqu’à la contre-offensive française de la bataille de la Marne. Le front se stabilise alors dans les Tranchées dès la fin de l’année 1914. Les allemands ont recours à des armes nouvelles comme le lance-flamme et les gaz de combat, notamment à Ypres en 1915. Cette année-là, toutes les offensives alliés échouent en Artois ou en Champagne. Russie, Turquie, Italie, Autriche-Hongrie ou Royaume-Uni entrent également en guerre. Verdun et la bataille de la Somme en 1916 sont alors des symboles de la violence de masse.

Après l’échec de l’offensive du 16 avril 1917 au Chemin des Dames, les mutineries se propagent rapidement dans l’armée française. Des émeutes de la faim éclatent en Allemagne. Les révolutions russes aboutissent à l’abdication du tsar en 1917 et à la signature du traité de pais de Brest-Litovsk avec l’Allemagne. La Première Guerre est bien mondiale parce que les théâtres d’opérations non européens sont nombreux et le devient encore plus avec l’entrée en guerre, aux côtés des Alliées, des États-Unis, dont l’armée sera véritablement opérationnelle au début de l’année 1918. Au printemps 1918, l’Allemagne lance une offensive décisive dirigée par LUDENDORFF, contrée ensuite par les alliés à partir de l’été.

Un monde nouveau et instable

Le 11 novembre 1918, les combats cessent entre l’Allemagne et les pays alliés.  Dans le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, l’Allemagne perd 20% de son territoire et 10% de sa population. Son armée est très fortement réduite. Les puissances centrales s’effondrent. La question des nationalités et de minorités se pose alors dans de nombreux « nouveaux » pays : Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Pologne ou même dans l’Empire Ottoman. Au final, les pertes humaines sont considérables (1,8 millions de morts en Allemagne, 1,4 millions en France), tous les pays du continent européen sortent endettés de la Guerre et les États-Unis affirment leur leadership mondial. Point positif très relatif, l’esprit de Genève et de la Société Des Nations souffle sur le monde entier mais seulement jusqu’à  la crise de 1929.

La Grande Guerre est la « mère de toutes les guerres » car il s’agit de la première totale mobilisant à la fois les populations, l’économie et la politique, dans un contexte d’encadrement renforcé des États. Pire, elle n’a finalement résolu aucun des problèmes la précédant. « La paix de 1919 n’a fait qu’accentuer les périls » en Europe centrale ou au Proche-Orient.

L’ouvrage se conclue par une chronologie, un ensemble de biographies, une bibliographie aux références en partie datées (aucun ouvrage ou article après 2005), une liste de lieux de mémoire et un index général. De facture classique, il permet de suivre efficacement le déroulé chronologique de la Première Guerre mondiale. Les cartes, aux échelles variées, sont lisibles et efficaces. L’effort du lecteur consiste à ne pas « succomber à la malédiction de la carte » du général JOFFRE. Derrière elles se cachent souvent souffrances et dévastations. Sur la forme, on aurait attendu quelques cartes d’époque et sur le fond, un traitement un peu plus thématique de la période, plus proche des renouvellements historiographiques récents. Mais cet Atlas reste à conseiller aux enseignants d’Histoire mais aussi à leurs élèves, notamment au Lycée.