Sabine Rabourdin, ethno écologue et ingénieur en énergie, publie «Vers une nouvelle révolution énergétique ? » dans le cadre de la collection EDDEN (essentiels du développement durable et de ses enjeux). L’ambition de cette nouvelle collection est « d’aller au-delà des ouvrages généraux sur le développement durable » en se focalisant sur une question précise. Le livre commence par une chronologie, un avant-propos puis s’organise en deux grandes parties composées chacune de chapitres : comprendre et agir, les acteurs. Le tout est complété par des annexes, une rapide bibliographie et une sitographie commentées. Chaque chapitre commence par une phrase d’accroche pour poser les enjeux. A l’intérieur du livre, on trouve des schémas, dessins, mais soulignons qu’ils sont en noir et blanc, relativement petits et donc peu exploitables. L’auteur s’interroge donc sur une nouvelle révolution énergétique à venir après celles du feu et de la machine à vapeur.

Revisiter les débats sur le développement durable

Si l’un des objectifs de cette collection est effectivement de dépasser les cadres habituels des débats sur le développement durable, on peut dire que le pari est globalement gagné. En effet, l’auteur revient par exemple sur le fait que les sociétés humaines s’organisent en fonction de l’énergie. Elle rappelle qu’il faut aujourd’hui 25 % d’énergie de moins qu’il y a 30 ans pour produire 1 euro de PIB. Elle évoque aussi les nouveaux indicateurs comme le GPI.
Sabine Rabourdin livre également des ordres de grandeur de production entre différentes solutions énergétiques. Cela permet de réfléchir : pour produire l’électricité consommée par un million de foyers français actuellement, il faut 550 éoliennes de 2MW, ou un tiers de réacteur nucléaire ou 4 usines marémotrices de la taille de celle de La Rance. L’auteur souligne aussi qu’il faudrait en France 26000 éoliennes pour remplacer le parc électronucléaire français actuel, et elle rapproche ce chiffre du fait qu’il y a aujourd’hui 250 000 pylônes qui « décorent » le paysage selon ses propres termes.
L’auteur n’hésite pas quand c’est nécessaire à convoquer des éléments de psychologie : elle convoque à ce titre les travaux de Joule et Beauvois qui ont montré qu’après avoir pris une décision, qu’elle soit justifiée ou non, les gens ont tendance à la maintenir et à la reproduire. Autrement dit, l’habitude prime souvent sur la réflexion : cette dimension n’est pas à négliger si l’on veut faire changer les choses.

Une place importante pour les acteurs

L’ouvrage choisit de consacrer une place importante aux acteurs. Cela permet d’incarner une question comme le développement durable qui vue de façon globale oublie parfois l’humain. L’auteur propose de distinguer les politiques, les scientifiques, les penseurs et les experts. A chaque fois, la personne est présentée en quelques lignes : c’est l’occasion de découvrir des gens peu connus, à moins d’être particulièrement sensibilisé au thème. Pour un Stéphane Chu, médiatisé comme secrétaire d’Etat à l’énergie dans l’équipe d’Obama, on trouve aussi Amory Bloch Lovins, un écologiste américain, créateur par exemple du concept de « négawatt ». Il s’agit par ce vocabulaire de désigner des formes d’énergie non consommées, autrement dit l’énergie non consommée que cela soit dû aux économies d’énergie ou à la sobriété. Il a publié des ouvrages grand public où il a popularisé le thème du « facteur 4 ». Il s’agit de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre. Mais on découvre aussi des organismes, des structures pour aider à comprendre les débats. Cela permet d’avoir des exemples différents comme Bolivia Inti-Sud Soleil, une association française qui cherche à développer l’utilisation d’outils de cuisson écologique avec l’utilisation du soleil.
Mais ces acteurs, ce peut être nous également. Sabine Rabourdin souligne qu’avec un « urbanisme plus adapté, les collectivités pourraient réduire la distance moyenne des déplacements », car celle-ci est passée de 7 à 11 kilomètres en à peine 15 ans ! L’exemple hollandais cité est à cet égard très éclairant : autour d’une station de tramway ne peuvent se localiser que des lycées, hôpitaux ou immeubles hauts et pas les entrepôts ou les maisons individuelles.

Quelle utilité pour le professeur ?

Le livre est utile pour les cours car il passe en revue par exemple les différentes sources d’énergie. C’est souvent bref, mais l’essentiel y est dit comme avec le titre sur le charbon : « enfoui un peu vite ». Elle revient aussi sur le rôle de la Russie en soulignant bien que l’interdépendance est importante : certes, l’Europe dépend de son gaz, mais la Russie a aussi besoin de le vendre !
Les nouvelles formes d’énergie ont droit à une place assez importante dans l’ouvrage. On pourra déplorer parfois un manque de rédaction avec des encarts un peu secs comme s’il s’agissait de gagner de la place. Utile, il l’est aussi par les références chiffrées, nombreuses sans être assommantes, qui parsèment le livre. Notons aussi quelques comparaisons éclairantes : en prenant un fond de carte de la France, l’auteur propose de représenter sur celle-ci la surface de panneaux photovoltaïques installés dans le monde, puis elle envisage ce que pourrait représenter en espace la surface des mêmes panneaux permettant de remplacer les combustibles fossiles consommés dans le monde. A chacun ensuite de se faire son avis, même si on sent que l’auteur, dans ce débat sur l’énergie, penche en faveur du mix énergétique, solution de bon sens sans doute.

Au total, ce qui est agréable c’est que, peut-être de par sa formation, Sabine Rabourdin aborde souvent sous un autre angle un thème déjà bien rebattu. Ca et là, on sera peut être en opposition avec telle ou telle remarque comme la notion de limitation énergétique d’Ivan Illich. Néanmoins, on aura navigué entre du connu et d’autres pistes, et c’est bien nécessaire pour se forger des opinions, voire des convictions.

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