Incroyable, les nuls s’emparent de Versailles au printemps 2011!
Heureusement les guides sont les meilleurs : Mathieu Da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles et Raphaël Masson, conservateur du Patrimoine, et adjoint au directeur de CRCV. Et l’ouvrage produit est excellent par sa clarté, sa rédaction et la richesse des informations fournies.
Versailles change vraiment d’image ces dernières années, changeant également sa politique de communication. Les deux auteurs intègrent dans leur présentation les dernières nouveautés et les résultats des travaux de recherche du moment.
Le saviez vous ?
La présentation de l’ouvrage est conforme à celle de la collection, des paragraphes courts, avec des titres explicatifs qui fractionnent la lecture plusieurs fois par page. Des textes aux marges non justifiées comme choix de mise en page, des logos qui ponctuent l’espace : « illustration, le saviez vous ? citation, anecdote, portrait, date-clé… ». Les auteurs, dont on aurait aimé une photographie encadrée dans les lieux à la place de la sempiternelle galerie des glaces sur la couverture, se sont pliés de bonne grâce au choix éditorial. Parmi les documents iconographiques, seuls les deux plans sont précieux.
La première partie donne l’ampleur du lieu de mémoire de la France qu’est Versailles : un lieu politique encore de nos jours (révision constitutionnelle), le triomphe de l’architecture française que l’on n’hésite de plus en plus à qualifier de classique pour souligner son originalité baroque au début de sa création, l’importance muséographique du château au regard de ses presque 20 000 objets de collection sans compter les pièces d’archives et le patrimoine hydraulique, théâtral et végétal, trop longtemps négligé par les conservateurs précédents. Les auteurs entendent donner une vision globale et large de ce qu’est Versailles encore aujourd’hui, avec notamment le projet numérique du Grand Versailles et l’art contemporain.
Les deuxième et troisième parties racontent les aménagements successifs du château, des lieux et appartements avec, en parallèle les travaux nécessaires, les modifications demandés par les différents rois et reines dans le Grand Projet ou dans le grand et petit parc. Les changements ont été permanents, d’ampleur et de qualité variables selon les finances des différentes périodes. Si le corps central du château est la partie la plus pérenne, les jardins, quant à eux ont été bouleversés avec les travaux d’hydraulique qui se surimposent au rondeau de Louis XIII, l’extension du parc vers Trianon, le petit Trianon de Marie-Antoinette qui détruit complètement et sans état d’âme, le jardin expérimental pionnier en Europe en matière de botanique et de sélection des espèces végétales et animales, constitué sur la demande expresse de Louis XV, qui s’avère là un grand scientifique à l’écoute de son temps. Les auteurs font également le point sur les différentes restaurations menées depuis plus d’un siècle au château et qui se multiplient depuis une vingtaine d’années grâce au mécénat.
Versailles, vie de bohême, logement social puis coquille vide ?
La quatrième partie décrit la vie à Versailles, résidence privée qui devient lieu de pouvoir dans tous les sens du terme. C’est d’abord le pouvoir qui s’exprime dans les jardins pendant une vingtaine d’années dans trois séries de grandes fêtes où tous les arts se conjuguent. C’est ensuite l’installation de la cour et du gouvernement à Versailles avec l’administration du château que connaît parfaitement Mathieu Da Vinha. Puis, sous les rois qui succèdent à Louis XIV, c’est le retour de la vie privée des souverains au milieu d’une cour brillante qui suit les réformes, les découvertes géographiques ou la curiosité scientifique, les révolutions extérieures jusqu’à l’envol de la montgolfière le jour de l’Indépendance américaine signée au ministère des Affaires étrangères à Versailles (3 septembre 1783).
Le sort de Versailles n’est pas lié uniquement à la monarchie. De même que le château a survécu à Louis XIV, il survit aux journées d’octobre 1789, avec la mise sous séquestre des biens royaux et les ventes révolutionnaires. A Versailles, s’installent les nouvelles institutions de la monarchie constitutionnelle puis impériales. Puis le château devient, sous la volonté d’un Orléans, un musée en juin 1837 tandis que la IIIe république installe un conservateur qui sauve le domaine et les nombreuses dépendances en ville : Menus plaisirs, grand Contrôle, Jeu de Paume…. Depuis 1995, au château, c’est aussi le temps des réformes, de l’autonomie de gestion administrative et financière, comme Etablissement Public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la culture et du ministère en charge du budget. En 2005, le Sénat en restituant, 25 000 m2 de salles qui lui était attribué, offre, contre des travaux coûteux, la possibilité de mieux accueillir les visiteurs tandis que les 53 hectares du domaine des chasses présidentielles de Marly redonnent, en 2009, son unité au domaine. S’ouvrent donc de nouveaux chantiers !
Comment et que restaurer à Versailles?
Le livre se fait l’écho d’un certain nombre de travaux de recherche sur les conservateurs du château du XIXe au XXe siècle qui ont attiré l’attention sur cette pièce maîtresse de l’histoire de France, intéressé les hommes politiques, les intellectuels et les mécènes notamment les Amis américains de Versailles à des moments où le domaine s’endormait. Tous ont contribué au renouveau de Versailles, chacun selon son optique et sa politique patrimoniale. Le livre rend hommage à 1000 personnes qui, au quotidien font vivre le château du XXIe siècle, l’entretiennent, le rénovent, qui informent, numérisent, collationnent, tous les spécialistes et les métiers d’art qui le rendent chaque jour plus beau à visiter.
Les auteurs ont à juste titre lutté contre une vision, longtemps, étroite Versailles, dans le temps et dans l’espace. Ils montrent les travaux et aménagements qui font partie de l’histoire du château comme de la politique française. Ils expliquent simplement le choix de restaurations qui ont été faites, choix à mener entre restauration et conservation, avec le problème d’historicité, restaurations qui sont loin d’être des partis-pris. Ils ne cachent pas les antagonismes entre architectes et conservateurs où les universitaires ne jouent pas encore les arbitres.
Cet ouvrage offre donc une excellente synthèse pour ceux qui voudraient engager les élèves à étudier Versailles, comme œuvre patrimoniale, à réaliser un projet de classe artistique. De lecture facile, il regorge de connaissances qui peuvent être naturellement complétées grâce aux ressources bibliographiques et à la sitologie indiquées en fin d’ouvrage. Le CRCV offre en effet des ressources numériques de grande qualité, adaptées aux programmes scolaires et qui peuvent être utilisées pour des projections en classe avec TNI.
Mais c’est surtout la sixième partie est encore plus utile pour les enseignants avec dix personnages-clés, dix lieux et dix œuvres d’art présentés et expliqués, accompagnés par une chronologie.
S’il n’y a qu’un ouvrage à acheter pour modifier votre image de Versailles, pour vous donner le goût d’aller voir les transformations du domaine national, c’est celui–là !
Pascale Mormiche