Cet ouvrage est le catalogue de l’exposition « Les visiteurs de Versailles » présentée au château de Versailles d’octobre 2017 à février 2018.

A travers peintures et portraits, costumes et guides de voyages, tapisseries et sculptures, ce catalogue illustre la découverte de Versailles par ses visiteurs depuis l’installation de la cour au château en 1682 jusqu’aux journées d’octobre 1789. Conçu comme un espace public, Versailles devient le centre du pouvoir monarchique et il donne à voir un roi qui s’offre en spectacle entouré d’un faste qui lui fait une réputation mondiale.

Pistes pédagogiques


« Visiteurs de Versailles, voyageurs, ambassadeurs 1682-1789 »
En partenariat avec le Metropolitan Museum of art de New York,
22 octobre au 25 février 2018

Pour la première fois, sont évoqués les visiteurs de Versailles, capitale choisie par le roi soleil à partir de 1682. Point d’orgue d’un pouvoir ostentatoire, le château est voulu par Louis XIV comme l’écrin où vivent le roi et de sa cour, comme le théâtre du pouvoir et le siège de son gouvernement. Rien n’est trop beau pour émouvoir, étonner et éblouir tous ceux qui viendront paraître, contempler et nul-doute admirer le roi du plus grand royaume d’Europe.
Après une présentation de Versailles et de ses visiteurs par les deux commissaires Daniëlle Kisluk-Grosheide et Bertrand Rondot, l’ouvrage est divisé en six parties comme nous offrait la déambulation de l’exposition.

SE RENDRE A VERSAILLES

Les guides de Versailles à l’usage des visiteurs
Près de 30 titres sont imprimés de 1672 à 1791 à la disposition des visiteurs. La forme du « guide touristique » émerge au XVIIIe siècle. La plupart intègre Versailles dans un ensemble (Paris, la France) ; peu prennent un parti plus didactique sous forme de dictionnaire. L’ensemble est une mine de gravures et de plans des différents états du château et de ses jardins. La diffusion de ces guides est difficile à estimer : il est communément admis qu’un succès au XVIIIe siècle est publié à mille cinq cents ou deux mille exemplaires.

Accéder au château

Les voyageurs qui se rendent à Versailles, située à quatre lieux de Paris, doivent compter deux heures minimum de trajet. Le chemin se parcourt en carrosse plus ou moins luxueux. Il en coûtera 40 sols pour une place, 20 sols dans une carriole. Certains préfèrent le bateau moins onéreux partant de Saint-Cloud ou de Sèvres. Une fois parvenus, les plus fortunés s’offriront une chaise à porteur, service soumis à privilèges. Seuls les grands peuvent être hébergés près du roi. Des hôtels particuliers sont construits par certains courtisans mais fleurissent aussi des auberges et des cabarets pour loger les serviteurs, les ouvriers mais aussi les voyageurs. L’accroissement de la cité royale augmente la capacité de la ville qui devient la première auberge d’Europe. Ceux qui ont reçu les honneurs du Louvre (présentés officiellement au roi) parviennent en carrosse et ils empruntent un trajet en fonction de leur rang.
En arrivant à Versailles, le visiteur est immédiatement frappé par un paysage chamarré dominé par le bleu, le rouge et le blanc. En effet, qui se rend au château, est accueilli par l’imposante maison du roi composée des gardes du dehors, les gardes françaises vêtus de bleu bordé de rouge qui circulent sur la place d’armes tandis que les gardes suisses, en habit rouge distingué de bleu, surveillent l’avant-cour ou cour des ministres. Les gardes de la porte et de la prévôté de l’Hôtel assument la police. La protection du souverain est assurée par les gardes du corps dont le capitaine ne quitte pas des yeux le roi de son lever à son coucher, assistés des cent-Suisses et des gardes de la manche (si proches qu’ils peuvent toucher la manche) armés d’une pertuisane et d’un hoqueton de soie blanche brodée d’or et d’argent.

Usages vestimentaires et jeux de regards à Versailles

Paraître à la cour signifie être acteur et spectateur du faste royal. Le luxe imposé à Versailles témoigne de la grandeur de la monarchie. S’il veut être admis, tout visiteur (sauf les prostituées et les moines depuis Jacques Clément) doit se parer pour se fondre dans la foule. Le visiteur est multiple, du souverain étranger au fournisseur appartenant au bon peuple. Il est donc conseillé aux hommes de porter un chapeau et une épée, tandis que les dames sont « magnifiquement parées ». Quant-aux courtisanes, le grand habit est le vêtement curial par excellence, avec son grand corps baleiné, une jupe posée sur un panier et sa traine ou queue. Une robe volante dite « robe de chambre » (exceptionnelle acquisition du musée Galliera en 2016) peut aussi être portée. Lors de l’audience de l’ambassadeur de Perse en 1715, deux observateurs, le marquis de Dangeau et le baron de Breteuil insistent sur l’importance de l’habillement des courtisans dont le luxe, imposé par le roi témoigne de la richesse de la cour, « « vêtus par des habits faits exprès pour cette cérémonie ». Une fois le roi arrivé dans la galerie, « il y avoit quatre gradins à quatre rangs, depuis un bout jusqu’à l’autre… remplis de quatre cents dames magnifiquement parées. » La gloire et la magnificence du pouvoir s’exercent donc à travers un costume ostentatoire et lumineux, destiné à capter les regards, qui légitime la grandeur de la monarchie absolue et sa continuité.

APERCEVOIR LE ROI

Les rencontres entre le roi et ses sujets

Charles Perrault, dans le chat botté, conte publié en 1697, se fait l’écho de l’idée communément admise alors, d’un roi facilement accessible à ses sujets. La monarchie française en a fait un principe de gouvernement. Le roi doit aussi être disponible pour la justice directe. Versailles est le théâtre où sont mis en œuvre ces principes, dans le jardin ou lors des multiples occasions suscitées par l’étiquette. Suivant leur rang, les courtisans assistent au repas public du grand couvert trois fois par semaine ou à la procession qui conduit le roi à la messe tous les matins ou à la cérémonie des placets (demande d’aide écrite au roi pour un arbitrage, un secours financier) qui a lieu le lundi dans la salle des gardes de l’appartement du roi. Quiconque correctement habillé peut ainsi voir le roi dans son quotidien.

Processions et fêtes religieuses

Les cérémonies religieuses occupent à la cour une place importante. Les grandes fêtes liturgiques, « les bons jours du roi », quand le roi communie, lors des festivités de l’ordre du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, multiplient l’affluence. Le roi, réputé guérir les écrouelles, maladie d’origine tuberculeuse, impose ses mains sur les humbles. Ce rite existe depuis le XIIe siècle et se déroule dans l’avant-cour du château où le roi soleil aurait touché 200 000 âmes. Cette fête particulièrement populaire a pris fin sous Louis XV.

L’art de se conduire à la cour.

A Versailles la cour est gouvernée par un ensemble de règles qui forme l’étiquette. Cette dernière définit le rôle de chacun dans une « société de cour » où la position de l’individu par rapport à l’autre témoigne de son rang, de son statut et donc de son pouvoir. Partie intégrante des prérequis indispensables, ces règles permettent d’éviter un faux pas qui conduirait à une sanction ou pire à un renvoi. Dans quelle mesure les visiteurs sont-ils au fait de l’art de se conduire à Versailles ?
Certains sont assistés par un tiers. D’autres sont introduits par la famille. Mais certains font les frais de leur ignorance comme Arthur Young, agronome irlandais qui s’est senti ridiculisé car il n’a pas su reconnaître le dauphin grâce à son cordon bleu remis à la naissance. En l’absence d’obstination qui remettrait en cause l’ordre établi, les visiteurs peuvent déambuler dans le château. L’ignorance est tolérée voire raillée mais sans grande conséquence.

La diplomatie à l’épreuve du protocole

L’audience est un temps de cour bien spécifique qui s’intègre dans l’agenda royal à divers moments de la journée. Régie par une étiquette, un protocole et un cérémonial particulier, l’audience est un entretien avec le roi et son interlocuteur, en privé ou à la vue de tous. Sous Louis XIV, les relations internationales se sont intensifiées et les grandes nations se dotent d’ambassades et de diplomates en résidences dans les cours européennes. Les réceptions de visiteurs étrangers officiels sont strictement codifiées avec une mise en scène soignée, un temps de négociations politiques puis une audience qui en cache beaucoup d’autres, celle de la reine, du dauphin, de la dauphine, des enfants de France, des petits enfants de France… Lorsque sa mission de cour s’achève, le diplomate doit s’acquitter du même protocole dit de congé.

LES VISITES POLITIQUES

Les ambassadeurs européens à Versailles

Les visites politiques ont une solennité particulière. Les représentants des monarques étrangers souvent d’ascendance aristocratiques, ont des lettres de créance qui leur confèrent un rang égal aux princes de sang. La réception des ambassadeurs par le roi soleil constitue un élément essentiel de sa politique étrangère, une affirmation visuelle de son pouvoir.
Avant la cérémonie, l’ambassadeur est reçu pour une première audience. Il effectue une entrée publique à Paris. Il est ensuite mené à Versailles, deux jours plus tard dans les carrosses royaux d’une débauche de magnificence, de chevaux, de serviteurs en livrée du roi. Le cortège arrive en procession qui s’étire dans la cour d’honneur selon le rang. La personnalité se place à droite dans la voiture d’apparat. Accueillie par l’introducteur des ambassadeurs dans le salon de descente, elle gravit ensuite l’escalier de la reine et se présente au roi dans sa chambre. L’entretien qui suit se déroule selon un protocole minutieux. Les diplomates empruntent l’extraordinaire escalier des ambassadeurs orné de peintures de Charles Le Brun représentant les nations venant des quatre coins du monde, surmonté d’un buste de Louis XIV sculpté par Varin. Les Cent-Suisses habillés « à l’Antique » forment une haie d’honneur. Le cortège aboutit au grand appartement. L’audience achevée, une visite des jardins s’impose où les eaux sont mises en marche. Une seule ambassade européenne sera reçue dans la Grande galerie en 1685, dans le cadre d’une humiliation ritualisée de la République de Gènes. Le doge en personne a dû quitter sa ville ce qui est contraire aux lois génoises, et présenter ses excuses au roi pour avoir fourni des galères à l’Espagne. Paré de velours rouge, il est conduit en haut du grand escalier puis à travers le grand appartement, le salon de la guerre pour entrer dans la Grande galerie. Traversant la dense foule des courtisans, le doge se dirige vers le trône de Louis XIV, accède à la lumière que projette la bienveillance du roi. Puis monté sur la première marche de l’estrade, il prononce un discours grandiloquent sur la grandeur de la France.

Les présents du roi : le faste au service de la diplomatie

Donnés au nom du roi, les présents sont une marque publique d’estime, beaucoup de produits de luxe témoins du savoir-faire français, objets de gouvernement et de propagande, frappés de l’effigie royale ou estampillés aux armes de France, tous contiennent le roi qui offre son image, d’où la signification du mot présent. Ces cadeaux sont négociés et représentent une récompense de services rendus ou d’une mission ou d’un contrat. Ils attestent le lien direct entre la politique intérieure et extérieure du royaume.

Ambassades extraordinaires et visiteurs des contrées lointaines

Ces ambassades extraordinaires ont fait l’objet d’un cérémonial particulier. En 1686, l’ambassade de Siam a marqué les esprits par l’exotisme raffiné de sa délégation. Pour la première fois, la cérémonie se déroule dans la galerie des glaces où étincelle le mobilier d’argent. Louis XIV arbore un habit extravagant d’une riche étoffe d’or brodée de diamants d’une valeur de 2 millions de livres. Le Busador, trône processionnel miniature en forme de pagode pour porter la lettre d’or de créance ou les chapeaux « qui marquent leur Dignité » étonnent. Le but de la France est de tisser des liens commerciaux mais surtout de convertir les Asiatiques au catholicisme. De tels événements sont immortalisés par les almanachs édités par Nicolas Langlois. Les présents apportés par l’ambassade sont somptueux : 1500 pièces de porcelaine de Chine, des coffres en laque provenant de Chine, un canon décoré à la feuille d’argent ou de la vaisselle d’argent qui a échappé à la prochaine fonte ordonnée par Louis XIV ou cette verseuse en jade néphrite volée en 1918 et retrouvée récemment dans une collection particulière.
En 1721, la première ambassade ottomane est menée par le grand trésorier Mehemet Effendi dans une volonté de s’ouvrir à l’Occident. Ce dernier est reçu aux Tuileries par un Louis XV âgé de onze ans. Le régent se résout à la recevoir malgré la banqueroute après l’échec du système Law. Versailles est pour lui une source d’émerveillement, « la grande galerie peut passer pour la plus belle et la plus charmante du monde » et les jardins sont « le paradis des infidèles » Mais cet ambassadeur n’apprécie guère d’être suivi par des curieux et d’être observé en mangeant. L’objectif de l’ambassade est de complimenter Louis XV pour son avènement à la couronne, de renouveler les accords commerciaux et d’informer le roi de la réfection du dôme du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Le monde ottoman s’intéresse aussi aux progrès économiques, techniques et scientifiques de la France comme la manufacture des miroirs de Saint-Gobain ou celle des Gobelins.
La visite la plus inattendue des rencontres diplomatiques ayant eu lieu à Versailles, est celle du prince Nguyen Phuc Canh de Cochinchine. Âgé de six ans et chassé de ses états en 1787, il vient chercher le soutien de Louis XVI accompagné de son mentor mais le traité signé ne sera jamais honoré. Son merveilleux turban dépassant tout ce qu’on n’avait jamais vu à la cour, inspire Léonard, le coiffeur de Marie-Antoinette.
L’année suivante, l’ambassade de Mysore (royaume du sud de l’Inde) apporte au roi vingt et une pièces d’or « ce qui est l’hommage du plus profond respect » selon le Mercure de France. Mme Vigée Le Brun obtient des séances de pose pour « leurs têtes superbes ». Elle peint Mohamed Osman Khan vêtu d’un jama de mousseline ceinturé sous une veste à manches courtes brodée muni de son large cimeterre. Son tableau est exposé au salon de 1789.
Les Américains à Versailles
Enchantement et répulsion, jamais d’indifférence, sont les sentiments contraires qu’expriment les Américains en visite. Les révolutionnaires sont impressionnés mais ils critiquent le luxe de Versailles au détriment du bien-être de la majorité des Français. La cour quant à elle est frappée par la simplicité de la mise de Benjamin Franklin, « l’ambassadeur électrique », coïncidant avec ses valeurs. Il refuse de porter l’habit à la Française et la perruque.
John Adams, coauteur de la Déclaration d’indépendance chargé de plaider la cause américaine dans les cours d’Europe se retrouve en compagnie de Franklin, lequel se serait bien passé de sa présence car il n’a pas les bonnes manières et il irrite ses hôtes. Adams est nommé « cet éléphant dans un magasin de porcelaine » et il se montre assez agressif à la cour. Versailles lui fait forte impression ; « Tout cela est d’une magnificence extraordinaire » mais il part vexé. Quand il revient en 1782, la guerre est gagnée contre l’Angleterre et les différents d’hier sont oubliés.
Certains américains s’inquiètent des cadeaux luxueux qu’ils reçoivent comme cette tabatière sertie de diamants et ornée d’un portrait de Louis XVI en son centre offerte au colonel Laurens en 1781. A l’approche de 1789, le gouverneur Morris qui remplace Jefferson qualifie le château « d’immense monument de vanité ». Il apprend ce qu’est une société monarchique et il se demande si l’aristocratie soupçonne que cet étalage de luxe est la cause du mécontentement du Tiers-Etats. Il juge impossible d’instituer un gouvernement républicain, à l’américaine, dans ce pays « que ni l’éducation ni l’habitude n’ont encore rendu apte à jouir de la liberté ».

LES VISITES CULTURELLES ET ARTISTIQUES

Depuis l’ouverture de Versailles au public, philosophes et naturalistes, jardiniers, agronomes, médecins, artistes et espions s’installent à la cour pour s’inspirer des arts déployés. Envoyés par leur prince ou à titre privé, ces visiteurs multiplient les gravures, les notes et les livres qui sont ensuite largement diffusés et collectionnés.
Étape obligée des musiciens itinérants qui parcourent l’Europe, Versailles accueille le jeune Wolfgang Mozart en novembre 1763 alors que sa famille qui se rend jusqu’à Londres. Sa musique enchante Marie Leszczynska.

Le Grand Tour : les noblesses européennes à Versailles

Voyager permet de parfaire l’éducation et enrichit l’esprit. Ce tourisme curial rectifie le jugement et façonne les manières extérieures pour former un gentilhomme accompli. Ainsi pour respecter l’exigeante étiquette française, le Grand Tour propose une initiation progressive, cour après cour. Les jeunes nobles qui entreprennent l’aventure européenne accompagnés par leur tuteur suivent enseignements et visites de monuments. Ces voyageurs repartent avec des souvenirs, des gravures, des tabatières, des éventails et même des bronzes dont certains artisans se font la spécialité, des objets vendus sur des étals proches des grands escaliers du château. La veduta ou vue topographique connaît un vif succès. Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet, Pierre-Antoine Demachy ou Jean-Baptiste Lallemand excellent dans la représentation de Paris mais aussi de Versailles et vendent leurs toiles à ces touristes comme des souvenirs.

LES VISITES PRINCIÈRES

Les princes en visite incognito

L’étiquette de la cour était si contraignante que certains princes étrangers ont décidé de s’y rendre incognito dotés d’un nom supposé. Il s’agit d’adopter une identité temporaire pour des raisons précises. Les personnalités s’en tiennent ainsi aux réceptions particulières où on ne leur dispute pas leur rang et les frais du voyage sont moins onéreux. Ils peuvent s’autoriser certaines activités, des apparitions publiques libres et ils adoptent un titre fictif.
Gustave III de Suède accepte l’invitation de Louis XVI en 1784 lors de son 2ème tour d’Europe sous le nom du comte de Haga. L’appartement de la duchesse de Bourbon est luxueusement aménagé au rez-de-chaussée de l’aile de midi meublé pour l’occasion. Afin d’honorer cet hôte prestigieux, Marie-Antoinette y fait ajouter deux tables mécaniques de Riesener. Elle consent à lui offrir 594 pièces d’un service de Sèvres à fond « riche en couleur et riche en or » qu’elle avait commandé pour elle. D’innombrables présents doivent éblouir le roi comme cette paire de vases à « fond vert bas-relief garnis de bronze doré » pour 2 400 livres chacun, que Gustave placera dans sa chambre de parade au palais de Stockholm.
Malgré cet accueil, le roi de Suède refusa l’appartement et préfère loger à l’ambassade de Suède, rue du bac. C’est à Versailles qu’il avait appris la mort de son père et son ascension au trône sous le nom de Gustave III lors de son Ier voyage en 1771. Gustave multiple les promenades touristiques mais il se sent observé et ses déplacements font l’objet de nombreux articles dans la presse. Le roi attache donc une grande importance à son incognito qui lui permet des visites diplomatiques dans le but de s’assurer le soutien de la France dans sa politique suédoise en Scandinavie. Il est accompagné de son capitaine des gardes du corps, Axel de Fersen.

Le Trianon de marbre

En lui faisant don de Trianon au lendemain de son avènement, Louis XVI offre à la reine un lieu de sociabilité dont elle est la seule ordonnatrice et qu’elle peut façonner à son goût. Cette possibilité de se retirer de la cour, unique pour une souveraine, lui a permis de recevoir des invités de marque comme avait été reçu Stanislas de Lorraine qui séjourne plusieurs années dans les appartements de Mme de Maintenon, pour être près de sa fille Marie. C’est à Trianon que Marie-Antoinette fait préparer des fêtes somptueuses pour sa famille lors des visites de son frère Joseph notamment en 1781. Après le souper et à l’issue d’un opéra d’André Grétry, puis d’un ballet dans le nouveau petit théâtre, un concert de nuit est donné par les musiciens des gardes françaises tout illuminé de fagots brûlés.

VISITER VERSAILLES A LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME

La vision de Versailles à la veille de la Révolution

Arthur Young, agronome et écrivain britannique, semble déçu de Versailles lors de sa visite en mai 1787. L’opinion de ce journaliste qui sillonne la France à la veille de la Révolution, montre à quel point la perception de Versailles avait été conditionnée par les récits et les reproductions en circulation créant une attente démesurée. Certes le jugement d’un britannique après l’échec de la guerre d’’indépendance de l’Amérique peut être faussé, mais ses observations n’ont rien d’exceptionnelles. Certains voyageurs sont déçus du château magnifié par les gravures. Outre l’esprit de comparaison et de rivalité qui oscille entre engouement et agacement, la perception d’un Versailles symbole d’une grandeur figée et dépassée de Louis XIV est partagée par certains qui n’ont pas été invités dans les espaces privés des souverains qui pourtant attestent de leur bon goût et de leur ouverture à la modernité. Ce modernisme de Versailles reste sa face cachée, ce qui contribuera à la perte de ses illustres habitants.

Les visiteurs non désirés

Avec la diffusion des idées des lumières, la remise en cause de la monarchie de droit divin et de l’autorité de la monarchie absolue, le besoin de l’étiquette et de cérémonies d’un autre âge surprennent. Versailles est même tourné en ridicule par le diplomate américain Gouverneur Morris.
La convocation des États Généraux en mai 1789 est l’occasion de fêtes grandioses qui sont les dernières de la monarchie avec le faste versaillais
La fin sombre et nostalgique du château en lien avec les événements révolutionnaires à partir d’octobre 1789, conduit les conservateurs de l’exposition à parler de « visiteurs non désirés ». Après le départ de la cour puis des souverains, Versailles devient « un corps sans âme » comme l’évoque l’écrivain russe Nicolaï Karamzin en avril 1790.

Ce fut un plaisir de lire ce catalogue d’exposition qui présente des textes foisonnants d’anecdotes et des illustrations de grande qualité. Il est simplement dommage qu’aucune photo de l’exposition n’y soit ajoutée pour rendre compte de la très belle muséographie de l’exposition versaillaise.