Les « Bérus » et le punk français sont à l’honneur aujourd’hui avec une expo à la BNF, et un documentaire sur France 5.
Personnellement, je suis venu tard à la musique, quelle qu’elle soit d’ailleurs, et suis passé à côté de tout ce qui s’est fait dans les années 1980. Si l’auteur, Arnaud Le Gouëfflec, commence son récit par « en 1986, j’avais 12 ans », , moi j’en avais 15 et je n’ai découvert l’existence de cette mouvance punk-rock que bien plus tard. Actuellement, mon fils de 15 ans est en pleine découverte de ces groupes, et il connait déjà bien plus que moi la plupart de leurs titres. Alors, je ne pouvais pas laisser passer la publication de ce roman graphique entreprenant de retracer l’histoire du punk-rock français dans les années 1980.
Quoiqu’un peu figé, le dessin de Nicolas Moog fonctionne très bien, et Arnaud Le Gouefflec s’est considérablement documenté, lisant tout ce qui a pu être écrit sur cette période, et complétant ces lectures par des interviews des principaux acteurs. Ces deux auteurs travaillent ensemble de longue date, et nous livrent ici un livre de passionnés, ravivant le choc de ravissement qu’a été pour eux la découverte de ces groupes dans leur enfance/adolescence.
En retraçant toute l’histoire de cet underground, il redonne également vie à tout un écosystème de la fin des années 1970 : les squats, les « situs », les autonomes, les radios pirates puis libres, etc… A partir de témoignages de première main, il retrace l’histoire de chacun de ces groupes et des labels indépendants qu’ils ont mis sur pied pour s’auto-produire ou produire les copains. Tout ce qui m’a échappé, alors même que je grandissais à Paris où tout ceci avait lieu. L’ouvrage offre d’ailleurs une belle session de rattrapage puisqu’un QR code permet d’accéder à une playlist Spotify des meilleurs titres des groupes évoqués au fil des pages.
Il s’agit bien d’un roman graphique, plus qu’une bande dessinée. Dans un beau noir et blanc, les auteurs rendent hommage à chacun des acteurs de cet underground parisien et à leur engagement politique très à gauche (qu’ils partagent à n’en point douter). Ils n’oublient jamais de contextualiser (élection de François Mitterrand, mort de Malik Oussekine…) car pour des jeunes aussi politisés, il ne s’agit pas que de musique ou de provoquer le bourgeois. Bref, un beau roman graphique sur les années 1980 en France, qui donne à voir et comprendre à quel point cette scène punk-rock underground était un projet artistique et politique total et sans compromis ! Dans une certaine mesure le roman graphique peut nous permettre de faire le lien avec le temps présent où le « do it yourself » punk se retrouve sur Internet avec tout autant d’engagement politique que celui de ces punks aujourd’hui vieillissants.