Le Web3
L’industrie des microprocesseurs pèse en 2021 plus lourd que le secteur de l’énergie qui a pourtant été central au XXe siècle. La force des États-Unis a été de mettre en place un système décentralisé. L’Europe a déjà raté plusieurs tournants liés à Internet et il ne faudrait pas qu’elle manque aussi le prochainGéopolitique des données numériques – Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data, Amaël Cattaruzza, Le Cavalier Bleu, 2019. Cet ouvrage est adressé aux entrepreneurs et décideurs publics. Il comprend au début de chaque chapitre un résumé préalable de ce qui va être développé. Il contient aussi quelques dessins, figures pour appuyer une idée quand c’est nécessaire. Un rapide glossaire permet de se repérer rapidement sur des notions pas toujours évidentes.
Le poids des Gafam
L’autrice commence par un exemple concret et convaincant qui montre que les gafam sont certes nos meilleurs amis pour faciliter notre quotidien mais qu’il ne faut pourtant pas s’arrêter seulement à cela. Les gafam sont les « colonnes vertébrales » de nos vies et on pourrait presque les prendre pour des services publics sauf qu’ils ne sont pas au service de ce dernier et c’est cela qui change tout. Google nous connaît mieux que nous-mêmes et les gafam règnent sur l’économie des comportements. Le livre est structuré en quatre entrées principales elles-mêmes organisées en chapitres.
Les batailles perdues de la souveraineté numérique européenne
Le livre dresse d’abord un panorama actuel en évoquant le cas chinois, le cas russe et se pose donc la question d’une cyberbalkanisation. Les Gafam ont des plateformes ou des applications qui verrouillent l’accès au marché et avantagent leurs propres offres et solutions. Caroline Faillet évoque également le chantier du crédit social, la question du capitalisme de l’attention ou le développement de la « réinformation ». La plupart de ces leaders s’appuient sur des plateformes bifaces c’est-à-dire qu’elles offrent d’un côté la gratuité pour attirer de nombreux utilisateurs en échange de données qui seront ensuite monnayées aux entreprises. Si la technologie peut apparaître neutre, le business model lui ne l’est pas. Depuis 2016, l’Europe essaye de réagir comme en témoigne la mise en place de la RGPD. L’autrice s’interroge tout de même pour savoir si la législation peut s’adapter assez vite face à ces changements. Il faut également mesurer que la 5G n’est pas qu’une question de rapidité. En effet, cette technologie augure d’une ère de connectivité généralisée
La nouvelle guerre digitale
Cette partie insiste sur la force des usages. En effet, et on a parfois tendance à l’oublier, les gafam ont su abandonner les projets qui ne trouvaient pas leur public. C’est le temps de l’empowerment c’est-à-dire une certaine prise pouvoir par le consommateur. « Ce pouvoir de plébisciter est nouveau dans la mesure où il rompt avec le modèle d’emprise du XXe siècle ». Si le Web1 a été le moment de connexion des documents, le web 2 a été celui des personnes et le Web3 sera celui des objets entre eux. Le chapitre aborde ensuite des notions peut-être plus compliquées comme la blockchain et le token. Chacun des termes est néanmoins défini et présenté avec des exemples concrets dans le domaine de l’énergie et de la santé.
Scénarios de reconquête dans le Web3
Cette partie vise à réfléchir sur comment « la reconquête pourrait s’opérer et libérer de leur prison dorée les entreprises et les consommateurs ». Il y a vingt ans, Facebook a littéralement aspiré la communauté de MySpace. On estime que dans une communauté il y aurait 1 % de leaders d’opinion, 10 % de ponctuels et 89 % de passifs. L’autrice souligne le fait que Facebook deviendra, si ce n’est pas déjà fait, un média de vieux. Elle poursuit en qualifiant Meta d’escroquerie et relève l’eldorado que représente pour lors les NFT.
Se préparer et adapter sa stratégie digitale
Il s’agit ici de fournir « aux entreprises les armes pour s’emparer de cette opportunité et renforcer leur leadership numérique face aux géants du Web ». Caroline Faillet pointe quelques caractéristiques à connaître comme l’horizontalisation de la société. Elle invite aussi chacun à calculer son empreinte gafam pour avoir un regard lucide. Elle souligne également ce qu’elle nomme les quatre invariants de toute bonne stratégie digitale. Les entreprises doivent créer un lien communautaire avec leurs clients comme le montre l’exemple d’une communauté autour du thermomix. Elle détaille également la stratégie O to O qui fait que le consommateur peut par exemple commander en ligne et collecter en magasin.
Le livre avait commencé par une histoire et il se termine par un conte. « Avec un milliard de participants attendus d’ici 2030, le Web3 a le potentiel non seulement de nous émanciper des monopoles du numérique et du pire des réseaux sociaux, mais surtout de fournir la superpuissance manquante qui transforme les mouvements populaires en micro-économies durables, avec des citoyens à l’action continue. »