Vincent Capdepuy est géohistorien et enseignant-formateur sur l’île de la Réunion. Il a soutenu en 2010 une thèse sous la direction de Christian Grataloup nommée Entre Méditerranée et Mésopotamie : étude géohistorique d’un entre-deux plurimillénaire. Ses recherches portent essentiellement sur la/les mondialisations dans une démarche d’Histoire globale.
Les chapitres s’ouvrent sur une carte localisant le récit à venir, ce qui permet à chaque fois de centrer le regard. De plus, chacune de ces images du monde est associée à un repère temporel. L’originalité du livre est la possibilité de le lire de façon multiple et non simplement linéaire (du début à la fin ou inversement). En effet, cinq modes de lectures sont proposés par l’auteur :
- L’outrepassement du monde : en suivant ce fil directeur, le lecteur rencontre des sociétés humaines qui ont eu pour volonté de voir ce qui se cachait derrière leur horizon.
- La représentation du monde : cet aspect du livre concerne les différentes représentations cartographiques du monde qu’ont produites les sociétés.
- Le tissage du monde : la mondialisation en tant que processus de mise en contact des sociétés humaines à travers l’Espace et le Temps est l’objet de cet angle de lecture.
- Le rétrécissement du monde : la réduction progressive de la distance entre les sociétés a une histoire et une géographie, racontée ici.
- L’ordonnancement du monde : Le Monde comme organisation est analysé dans ce dernier axe.
Les 50 chapitres sont comme des études de cas, des pièces d’un puzzle géant ayant pour toile de fond les mondialisations. Le pluriel est ici important car ce que met en lumière Vincent Capdepuy dans son ouvrage est que d’autres mondialisations étaient possibles (mondialisation chinoise avec les expéditions de Zheng He, chapitre 17) ou du moins hypothétiquement envisageables (et si l’Afrique avait « découvert » l’Amérique avant l’Europe ? Chapitre 13). L’auteur remet en cause de façon documentée le récit linéaire et évolutionniste de LA mondialisation pour montrer LES mondialisationS. C’est pourquoi, ce livre doit être lu en complément de celui de Christian Grataloup, Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du monde. Si ce dernier nous relate comment le monde est devenu Monde, Vincent Capdepuy étudie les Mondes du passé et nous laisse entrevoir ce qu’ils auraient pu advenir.
Ainsi, aussi bien sur la forme que sur le fond, Vincent Capdepuy casse le modèle de l’histoire-tunnel pour évoquer les possibles (non advenues) de l’Histoire. C’est donc un travail de déconstruction / reconstruction que nous propose l’auteur.
La mondialisation est devenue un objet didactique, à travers les programmes scolaires du collège et du lycée. Pris par le temps du programme à faire et à finir, l’enseignant est parfois contraint de faire un récit linéaire de cette mondialisation. Ce à quoi nous invite le livre de Vincent Capdepuy est, qu’à défaut d’enseigner ces multiples mondialisations, le professeur a la possibilité d’au moins les évoquer, les esquisser. Le second aspect pédagogique de l’ouvrage est la multiplication des centrages du globe : déconstruire/reconstruire le récit, décentrer/recentrer le regard est aussi une tâche de l’enseignant dans sa classe. Le professeur trouvera aussi dans l’ouvrage des entrées concrètes pour aborder la mondialisation, comme la naissance du drapeau de l’ONU (chapitre 43) ou l’analyse du logo de Wikipedia (chapitre 49).
En conclusion, Vincent Capdepuy a mis tous ses talents de chercheur et d’enseignant pour nous offrir ce très bon livre. Qu’il en soit remercié.