Historien de l’art disparu en 2003, Daniel Arasse était spécialiste de la Renaissance, auteur d’Histoires de peintures et de On n’y voit rien. Il revint ici, dans un court ouvrage, clair et illustré, sur l’évolution de la figure du diable, entre memoria et historia.

Le portrait du diable

La memoria fait référence à une « mémoire artificielle », cultivée par les oateurs antiques puis par les prédicateurs du Moyen Age. Les images servent de supports mnémotechniques. Elles sont centrales à la fois pour les illettrés comme pour le public savant. L’image doit donc être frappante.

Le diable est relié à deux thèmes : la tentation et la mort. Il permet en effet de rappeler constamment de résister à la tentation. Le diable est associé au Jugement dernier aux XIVe et XVe siècle. Il a une fonction didactique puisqu’il constitue ainsi une forme d’avertissement.

Le diable et son image

Sous influence de l’humanisme, l’image vise à transmettre des émotions. Elle doit, pour ce faire, être proche de la réalité visuelle du spectateur. On passe ainsi de la memoria à l’historia. La Renaissance se caractérise donc par une attention accrue portée aux gestes et aux mouvements. C’est aussi la période du développement de la peinture d’histoire.

Des arts « de bien vivre et de bien mourir » se développent. Le démon est intériorisé, la pénitence collective est remplacée par une lutte intérieure. Le diable est représenté parmi les hommes tel Judas au milieu des apôtres dans la Cène de Léonard de Vinci. Cette image est plus vraisemblable et cette représentation reste compréhensible par tous.

L’humanisation du démon

Le XVe siècle marque aussi un diable plus proche de l’homme. Daniel Arasse s’appuie sur l’exemple de Michel Ange qui peint le maitre de cérémonies du Vatican, Biago da Cesena, sous les traits de Minos. Ce dernier avait critiqué la nudité des personnages du Jugement dernier. Se développe que le diable est finalement en l’homme, il ressemble désormais à un homme aux traits déformés par le vice.

Aux XVIIe et XVIIIe s, aucun grand artiste ne laisse d’image marquante du diable, il faut attendre la fin du XVIIIe et le début du XIXe pour que l’image du diable connaisse un renouveau avec le romantisme. Rodin s’inspire ensuite de Ghiberti pour sa Porte de l’Enfer.

Extrait

Jennifer Ghislain