Un prolongement du récit de voyage en bande dessinée

En 2015, Sylvain Tesson racontait son périple en side de Moscou à Paris, en suivant l’itinéraire suivi par les soldats napoléoniens lors de la retraite de Russie. Six ans plus tard, Virgile Dureuil redonne vie à cette aventure par le biais d’une bande dessinée publiée par Casterman.

Cette adaptation en bande dessinée n’est pas une première pour l’écrivain et le dessinateur. En 2019, Virgile Dureuil avait adapté « Dans les forêts de Sibérie », lui permettant de lancer sa carrière. Dans la lignée de l’opus précédent, l’adaptation graphique du récit de voyage se révèle riche, prenante et belle à contempler.

De Moscou à Paris en side-car

L’itinéraire suivi est simple. Depuis Moscou, direction le Sud-Ouest. Avec deux compères, l’écrivain-géographe russophile Cédric Gras et le photographe Thomas Goisque, Sylvain Tesson retrace l’itinéraire de Napoléon et de ses troupes jusqu’à Kaunas en Lituanie. Borodino, Smolensk, et bien entendu le passage de la Berezina sont des étapes du premier tiers du voyage.

L’idée de ce voyage germe lors d’une déambulation maritime sur un voilier en terre de Baffin. Cédric Gras et Sylvain Tesson avaient prévu de se rendre au salon du Livre de Moscou. Quoi de mieux qu’un retour en side-car, de la marque Oural, pour marquer le bicentenaire de la retraite des Grognards ? Six mois plus tard, le départ est donné depuis un gare située derrière la gare de Iaroslav. Direction la Biélorussie.

Le trio prépare son side-car kaki à Moscou. Un drapeau fixé sur l’avant du panier indique fièrement : « Garde impériale – L’Empereur des Français du Ier régiment de chevau-légers lanciers ». Le photographe Thomas Goisque a déjà utilisé un Oural dans le Delta du Mékong et les steppes du Kirghizstan. Pourtant, c’est Sylvain Tesson qui conduit, tandis que Cédric Gras reste bien sagement dans le panier adjacent.

Les kilomètres défilent en direction de Minsk. Le lecteur s’étonne d’ailleurs de la facilité d’entrée du side-car français en Biélorussie depuis la Russie.

« Il est à ce jour interdit aux voyageurs étrangers de franchir la frontière terrestre entre la République de Biélorussie et la Fédération de Russie, que ce soit par la route ou par le train. Des contrôles sont effectués par les autorités russes et les contrevenants (même s’ils sont en possession d’un visa russe) sont refoulés et passibles d’une amende. Cette mesure s’applique également aux Français résidant en Biélorussie. »

https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/bielorussie/#entree

Un arrêt sur les bords de la Berezina

Le désastre de la Berezina a lieu à proximité de la ville biélorusse de Borissov. Dès l’ouverture, les voyageurs visitent le musée de la commune. Une historienne explique que le Grande armée est rapidement prise en étau par les troupes russes de Wittgenstein au Nord, Koutouzov à l’Est et Tchitchagov à l’Ouest. Franchir le fleuve est donc nécessaire. Les pontonniers se démènent dans l’eau glacée pour permettre au reste des soldats, mais aussi des femmes et enfants, de traverser  sur un frêle pont de bois situé près du hameau de Stoudianka. La vallée de la Berezina inspire alors Cédric Gras et l’amène à proposer sa propre définition d’un haut lieu.

« Un haut lieu, c’est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l’histoire, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d’irradier l’écho des souffrances tues ou des gloires passées. »

Citation de Cédric Gras, dans « Berezina » par Virgile Dureuil, 2021, page 90.

Par la suite, les 5 aventuriers (deux russes ont rejoint le premier side-car en cours de route) font le choix de suivre le trajet de Napoléon, plus méridional et évitant Kaliningrad : Varsovie, Leipzig, Mayence puis Paris. Une courte escapade à Berlin permettra à Sylvain Tesson de retrouver Lisa, une amie de longue date, le temps d’une soirée.

Ce récit graphique suit deux fils rouges : l’avancée des side-cars et celle de l’armée napoléonienne. Le froid est prenant et les chutes de neige rendent la visibilité difficile. Se faufiler entre les camions épuise les hommes. Mais l’arrivée en side-car dans la cour d’honneur des Invalides réchauffent les cœurs et les esprits de ces motards français et russes.

Source : Extrait tiré du livre « Berezina » publié chez Casterman, 2021, page 5

Une réalisation à forte connotation historique qui retranscrit fidèlement cette épopée des temps modernes, dont le maitre mot est « le panache » (Sylvain Tesson). Dans les rayons d’un CDI, cette bande dessinée permettra aux collégiens et lycéens de découvrir le retour de la campagne de Napoléon en Russie et de suivre 5 motards sur les routes d’Europe de l’Est en plein hiver.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes