Ce livre est une réédition de l’ouvrage paru chez Calmant-Lévy en 2007 et déjà chez Tallandier, dans la même collection en 2014. Il n’est pas mentionné de mises à jour particulières dans les deux éditions les plus récentes.

L’ouvrage est divisé en deux temps. Le premier temps (le principal) est consacré à l’explication détaillée et poussée des actions des 4 groupes d’intervention que composent les Einsatzgruppen. Ces explications sont très denses, s’appuient sur des sources innombrables. Elles permettent de rentrer dans la vie de ces commandos, sur leur système social. Elles essaient d’apporter une réponse à une question des plus complexes quant on évoque l’Allemagne nazie: la question de la responsabilité.

Derrière cette question, la notion d’autonomie. A quel point ces hommes et leur hiérarchie ont-ils appliqué des ordres qui venaient d’en haut? Quelle part de responsabilités individuelles? Quelles conséquences humaines, à la fois pour les victimes, évidemment, mais aussi pour les bourreaux? A travers l’évocation de cas de soldats qui ont quitté les Einsatzgruppen en cours de mission, se dessinent des nuances sur l’image de ceux qui les composaient.

Il a longtemps été collé aux Einsatzgruppen uniquement l’image de barbares nazis, assoiffés de sang juif et semant la terreur. Ces dernières années, des études sur la Wehrmacht, sur les gardiens de camp, sur les membres des EInsatzgruppen essaient d’apporter un peu de nuance. Parmi ceux-ci, on peut citer « Comme un Allemand en France » d’Aurélie Juneau. L’objectif n’est en rien de réhabiliter, de pardonner ou de nier les souffrances des victimes et les crimes horribles commis par les nazis, mais encore une fois d’apporter quelques variations sur l’analyse humaine et psychologique des soldats nazis dans leur ensemble.

Le livre de Ralf Ogorreck s’inscrit aussi dans une réflexion portée en France par, notamment, Christian Ingrao et Johann Chapoutot. Ces deux auteurs ont montré, dans différents ouvrages comme leur Hitler, que la hiérarchie nazie était un système concurrentiel, qui laissait la place aux opportunistes et aux ambitieux. Ainsi, Ralf Oggoreck nous montre que nombreux sont les opportunistes qui composent la hiérarchie des Einsatzgruppen. La perspective de carrière a ainsi incité aux excès les plus innommables, en parallèle bien évidement d’une croyance profonde et viscérale à l’idéologie nazie.

Evidement, encore une fois, sans nier l’importance des ordres venus de Berlin, particulièrement de Himmler et surtout de Heydrich. Mais ce livre permet de s’interroger sur l’efficacité et la brutalité de ces commandos. Les « résultats » ont surement dépassé les attentes des plus hautes autorités du Reich. Le zèle des cadres sur le terrain a su aussi être récompensé. Ce système de récompenses doit lui aussi être présent à l’esprit lorsque l’on analyse cette période et les actions des hommes de terrain.

Entre 1 et 1,5 millions de Juifs et de Tziganes ont été assassinés par les Einsatzgruppen, ouvrant la voie à la réflexion plus globale portant sur l’extermination définitive de ces 2 catégories « parasites » (pour reprendre un terme nazi) pour le Lebensraum à travers la Solution finale. Leurs actions se sont déroulées avant la conférence de Wannsee mais s’inscrivent, sans nuances possibles cette fois, dans ce projet d’élimination et d’assassinat de masse.

Le 2e temps de l’ouvrage (environ 1/4 du livre) est lui consacré aux sources et aux notes de l’auteur. Elles sont extrêmement détaillées, apportant une autre profondeur encore à ce véritable travail d’historien.

Au final, ce livre est une lecture indispensable à ceux qui sont passionnés par cette période. La lecture n’est pas très aisée car très technique. Il faut avoir des connaissances de base sur le fonctionnement interne et le système idéologique nazis. Il permet néanmoins une véritable réflexion au lecteur et ne laisse pas indifférent.

Présentation de l’auteur sur le site de l’éditeur

« Historien allemand, Ralf Ogorreck a participé à de nombreuses recherches sur les crimes nazis. Spécialiste international des crimes nazis, Ralf Ogorreck analyse dans cet ouvrage le recrutement, la formation et le modus operandi des Einsatzgruppen. »

Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur

« Qui furent les volontaires des Einsatzgruppen, ces groupes d’intervention issus de la SS qui mirent en oeuvre la « Shoah par balles », amorçant ainsi la machine génocidaire nazie ? À la suite de l’invasion de l’URSS en juin 1941 par la Wehrmacht, 3 000 hommes affectés au front de l’Est sont chargés d’exterminer les opposants au Reich et les Juifs, hommes, femmes et enfants sans distinction. Ces commandos de la mort exécutèrent près d’un million et demi de Juifs d’Europe de l’Est. Commises avant la création des camps d’extermination, ces tueries par fusillades constituent le laboratoire de la « solution finale ». »