Cet ouvrage est le fruit du travail d’une universitaire et un homme politique associés pour traiter un thème croustillant et qui méritait d’être étudié sur le fond, l’assassinat politique en France. Peut-on assassiner un roi qui ne peut gouverner ou qui n’est pas chrétien ? Peut-on éliminer un dirigeant républicain qui trahit son pays ?

Colette Beaune est une médiéviste réputée, professeur émérite à Paris X-Nanterre. Elle a notamment publié Naissance de la nation France, en 1985. Elle présente le sujet sur la longue durée, grosso modo, de la fin du Moyen-Âge à 1914. Nicolas Perruchot est un responsable politique de droite (ce n’est pas indiqué mais un des « assassinats » traités le révélera), il a été maire de Blois, député ainsi que président du conseil départemental du Loir-et-Cher, jusqu’il y a peu.

Il traite surtout la période contemporaine. Les auteurs annoncent vouloir étudier l’assassinat ou les tentatives d’assassinats de rois, de princes ou de présidents de la République. Ils présentent aussi des actions meurtrières menées contre des héritiers possibles du trône (le duc d’Enghien, le duc de Berry), des puissants (le duc de Guise), des journalistes influents (Marat), des opposants politiques (Jean Jaurès)…

Le sujet est traité en 17 chapitres. Tous ne passionnent pas le lecteur et il en est même un qui surprend voire fait montre de trop de partialité. L’historien curieux y apprendra donc que Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a peut-être été victime d’un « assassinat médiatique ». Ce chapitre étonne d’autant plus que c’est celui qui compte le plus grand nombre de pages. Bien plus que celui consacré à l’attentat de Damiens contre Louis XV, à celui de la rue Saint-Nicaise contre Bonaparte ou à la mort de Marat. Reste que certains chapitres méritent le détour et que l’introduction et la conclusion, qu’on aurait aimé plus longues finalement, apportent de solides informations. Nous en présenterons quelques-uns sans respecter l’ordre chronologique puisque le livre peut être picoré en fonction de ses goûts.

               La présentation de l’attentat du Petit-Clamart (22 août 1962) contre Charles de Gaulle est tout à fait édifiante. Le président de la République, par ce qu’on a envie d’appeler un petit miracle républicain, échappe à la mort malgré les 187 douilles retrouvées sur place et les 14 impacts de balles recensés sur la voiture. Les conséquences politiques de l’attentat sont analysées et l’habileté du Chef de l’État est évoquée. La 5ème République changeait alors et nous y devons l’onction sainte que le peuple accorde tous les 7 (puis 5) ans à celui qui dirige le pays. Si Bastien-Thiry est exécuté, les autres auteurs de l’attentat ont été graciés en 1968.

               Quatre chapitres ont particulièrement retenu notre attention. Peut-être car c’est à ce moment que la question du tyrannicide est affirmée avec force ? Peut-être aussi car ce sont des moments certes connus mais passionnants de l’histoire de France ? Ils sont regroupés dans la partie II intitulée « Le temps des assassins. Violence et guerres de religion. 1547-1610 ».  Un chapitre présente Catherine de Médicis, une italienne, une Médicis, à la légende noire, soupçonnée d’être une empoisonneuse. Un autre revient sur l’assassinat du duc de Guise, « plus grand mort que vivant », (le 23 décembre 1588) par des partisans de Henri III. En effet, sur fond de guerres de religion la famille des Guise, soutenue par les catholiques parisiens, semblait menacer le pouvoir royal.

Et l’on prête à Catherine de Médicis la phrase suivante : « C’est bien coupé […] mais à présent, il faut recoudre ». Il n’en eût pas le temps et la tâche incomba à un autre. Dans le chapitre « Un tyrannicide voulu par Dieu », l’auteure présente l’assassinat du roi par un moine Jacques Clément le 1er août 1589. Henri III meurt sans héritier mâle. « Les deux principes, loi salique et devoir de catholicité se heurtèrent » (p. 112). Henri de Navarre, parjure, accède au pouvoir mais sa légitimité est difficile (chapitre 6). Il échappe à plusieurs tentatives d’assassinat. Le rythme de celles-ci est « étroitement lié aux rapports du prince avec la papauté » (p. 115).

Cependant, Henri « jouit d’une solide baraka » mais est assez insouciant (p. 122). Et, nous connaissons tous la fin qui fut la sienne en 1610. Toutefois, grâce « à cette mort d’Henri IV, la France quitte le cycle infernal des guerres civiles » (p. 127). Et le mythe du bon roi Henri IV et de la poule au pot s’imposa peu à peu.

               L’ouvrage on le voit permet de passer d’un siècle à l’autre. Il traite d’un thème qui mérite l’intérêt et nombre de chapitres sont éclairants. Peut-être manque-t-il un passage expliquant pourquoi tel ou tel assassinat a été choisi ainsi qu’une brève comparaison internationale.