Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Paris Est Créteil, Julien Netter avance dans cet ouvrage l’idée que la culture à l’école peut amener un bénéfice à l’élève mais qu’elle est insuffisante s’il n’y a pas, en complément, une certaine culture de l’école.
Le propos intéressera les didacticiens de la géographie car la discipline y est convoquée en exemple par deux fois. Une séance sur la localisation des principales villes de France en CE2 est retenue pour montrer de nombreux implicites, le recours à des outils et du matériel peu maîtrisés (passage d’un type de carte à une autre, correction difficile des localisations par le biais de l’image satellite), une volonté de ne pas infléchir le cours de la séance pour les élèves à la peine. En parallèle est étudiée une séance d’origamis sur un temps périscolaire. A priori éloignée du champ de la géographie, cette activité n’a pourtant pas été sans similitude : une grammaire spéciale, un codage, une iconographie…et une certaine structuration de l’espace. C’est fort de cette comparaison que l’auteur amène à parler de « microstructures » (percevoir et interpréter des signes graphiques, faire des mises en relation, développer des capacités d’abstraction…) qui, assemblées, amèneraient à façonner l’activité, son assise disciplinaire, la « conscience disciplinaire » en somme. Mais si les finalités de l’origami sont moins légitimes aux yeux du « système » (enseignants, parents, institution), elles ne le sont pas pour l’élève.
Citant Jean-Claude Forquin au travers de ses travaux sur la sociologie du curriculum (2008), Julien Netter revient sur la classification des curriculum formel/prescrit (les programmes dans leur globalité), réel (ce qui est effectivement appris ou enseigné) et caché/implicite (ce qui est transmis sans que cela soit dit explicitement). Ces catégories étant inadaptées au monde périscolaire et à cette activité d’origami, l’auteur en arrive à parler de « curriculum invisible », de l’ordre de l’implicitement compris par les élèves (et même très exactement compris pour certains d’entre eux). Mais celui-ci est peu verbalisé, mesurable chez les élèves performants et pas vraiment chez les autres, il peut être considéré comme « la façon dont l’élève doit comprendre et s’approprier » le curriculum formel, une « fiction utile permettant de construire un tableau global de l’école ».
La géographie revient dans un second exemple qui pointe le hiatus entre carte et schéma, le schéma étant une abstraction qui ne parle qu’à l’enseignant et à certains élèves seulement. La séance analysée ici dans un CM1 portait sur les climats et révèle la confusion classique entre « temps (météo) » et « temps (physique) » mais aussi une autre entre « climat » et « climatisation ». L’élève pris dans cette seconde confusion ne sait pas s’en défaire n’étant pas à l’affut d’indices permettant une correction comme, par exemple, le recours à un tableau sur les données de températures préalable à la construction de la carte qui aurait permis de réaliser que le terme « climatisation » n’était pas le bon.
L’ouvrage gagne en généralité sur les deux derniers chapitres qui traitent du « bilinguisme scolaire » à travers l’exemple des sorties au musée. L’expression recouvre l’idée que l’on puisse passer d’une logique thématique (comme c’est le cas dans les sorties au musée) à une logique disciplinaire (ou l’inverse) pour en tirer bénéfice. Le problème est que ces aller-retours ne sont pas guidés, ce qui n’aide pas les élèves dont la culture de l’école est plus fragile. Ils doivent faire les passerelles par eux-mêmes. Finalement, comme le dit Julien Netter, « la culture à l’école est vouée à se plier à la culture de l’école ». C’est aussi du côté de la mise en forme institutionnelle qu’il faut trouver des explications : l’ouverture culturelle au travers de la formule « visites clés en main » cloisonne les encadrants et les logiques thématiques et disciplinaires et n’est finalement pas profitable à tous.