Le monde opaque du nucléaire effraye particulièrement au travers de la question des déchets. Partant du constat que trois quarts des européens ne croient pas ce qu’on leur raconte sur le sujet et citant Rostand « l’obligation de subir nous donne le droit de savoir », Eric Guéret, réalisateur et Laure Nouahlat, journaliste spécialisée dans l’écologie à Libération offrent une patiente et minutieuse enquête de terrain en guise de réponse.

Les investigations débutent au siège de Greenpeace à Amsterdam où quantité d’archives vidéos montrent des rejets de fûts radioactifs en pleine mer. Plus de 100.000 tonnes y auraient été déversées (dont 80 % par le seul Royaume-Uni) jusqu’en 1993, année voyant l’interdiction de telles pratiques.

Puis décollage pour les Etats-Unis, sur la petite ville d’Hanford, dans le Washington : premier site nucléaire historique, fondé sous Roosevelt, comptant 9 réacteurs, 5 usines de plutonium et aujourd’hui abandonné. Les archives montrent également là nombre de familles profitant librement de la rivière environnante sans aucune information. Des cuves, enfouies, qui ne devaient être que provisoires, ont été construites mais ont fui en abondance infectant la faune et la flore. L’archétype du genre.

Le reportage nous conduit ensuite en Russie. Si le grand public a retenu Tchernobyl en 1986, on apprend que le premier accident nucléaire majeur de l’Histoire a eu lieu en 1957 à Mayak, non loin de Tcheliabinsk mais qu’il n’a été révélé que 20 ans plus tard, le régime russe ayant maintenu le secret. 200 morts immédiats, 270.000 irradiés. A Muslimovo, le premier village voisin, la population cobaye, décimée, subsiste avec résignation.

Troisième site en France, dans la gigantesque usine de retraitement de La Hague rejetant allégrement à la mer par tuyau (le texte de 1993 n’ayant interdit que le rejet par bateaux…) mais également dans l’air et donnant une situation « d’accident potentiel permanent » légal. Gênés, les employés se doivent de parler de « traces » dans l’environnement et non de « contamination ».

Faut-il dès lors traiter les déchets ? La radioactivité ne disparaît pas, elle est confinée et concentrée sous forme de déchets ultimes. L’uranium et le plutonium peuvent ainsi servir de nouveaux combustibles. Mais sur l’exemple de l’aller-retour France-Russie, l’uranium reste majoritairement en Russie, sous forme appauvrie (à hauteur de 90 % !). Les piscines de stockage (450 dans les pays nucléarisés) constituent une alternative restant exposée aux crash aériens et actes terroristes tandis que l’enfouissement en profondeur, conditionné par la confiance, est évoqué en conclusion.

Entre images désolées de la Russie, chiffres chocs, schémas explicatifs pouvant être utiles à l’enseignant (ce qu’est un déchet, une irradiation, une contamination…), interviews et appui solide de la CRIIRAD , ce documentaire, dense et bien rythmé, remplit pleinement son objectif : éclairer sur ce point faible du nucléaire où silence mensongé cohabite avec inculture (voir le malaise du face à face des présidentielles Ségolène Royal – Nicolas Sarkozy).

CRIIRAD : Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité
http://www.criirad.org/

Voir en complément l’ouvrage de Laure Nouahlat: « Déchets : Le cauchemar du nucléaire », 209 pages, Seuil, Arte Editions, 2009.