Arnaud Pautet m’a aimablement fait parvenir son dernier ouvrage, Les défis du capitalisme. Comprendre l’économie du XXIe siècle paru chez Dunod. J’avais déjà eu l’occasion de dire tout le bien possible de ses livres précédents. Il s’agissait de deux manuels généraux d’une grande densité et d’une parfaite efficacité sur l’histoire du monde contemporain. Mon préjugé d’avant-lecture était donc plus que favorable, même si la sobriété de la couverture et le thème choisi laissaient présager un ouvrage… assez aride. Non que l’économie ne puisse être captivante mais l’analyse du capitalisme est un chemin miné. L’idéologie peut l’emporter sur le factuel et l’avalanche des chiffres dissimuler la faiblesse de l’argumentation. L’auteur, avec sa clarté, son honnêteté intellectuelle et sa très grande rigueur documentaire, réussit à nous emporter.
Un livre dense et efficace
Dès la table des matières, on retrouve le style propre aux bons professeurs de CPGE, des entrées sous forme de questions, ramassées dans sept parties prometteuses. Il y a de quoi ravir aussi bien les amateurs d’histoire économique que de sciences économiques.
Je vous les livre :
- Qu’est-ce que la capitalisme ?
- La croissance économique a-t-elle pour objectif l’abondance ou la prospérité ?
- L’entrepreneur, le manager, l’actionnaire: ce triangle amoureux peut-il fonctionner ?
- La mondialisation aggrave-t-elle les inégalités en marginalisant inexorablement les pauvres ?
- Assiste-t-on à la fin du salariat ?
- À quoi servent les banques et les marchés financiers ?
- Conclusion. Le capitalisme convalescent de la Covid-19: le monde d’après entre espoirs et chimères.
Une seconde moitié d’ouvrage particulièrement stimulante
Je vais surtout commenter les parties qui ont le plus retenu mon attention, à savoir la 4, la 5 et la fin de la partie 6.
Sur la pauvreté, l’auteur utilise tous les grands ouvrages récents, notamment le best-seller de Thomas Piketty sur le capital, mais aussi tous les rapports de la Banque mondiale et du FMI. Surtout, il affine réellement la notion de pauvreté en ne se contentant pas de considérations purement économétriques et livre des conclusions nuancées, différenciées sur le plan géographique. Il distingue aussi ce qui relève des contingences commerciales de la politique publique des États. J’ai particulièrement apprécié la conclusion qui interroge l’impact des inégalités sur le bonheur des sociétés avec les études de Claudia Senik.
Le chapitre 5 sur l’hypothétique fin du salariat aborde pêle-mêle la digitalisation, l’hyper-flexibilité du travail et l’essor finalement limité des indépendants. Très intéressant, ce chapitre est hélas un peu court pour faire le tour du sujet mais il est vrai que c’est le Covid et son télétravail qui ont rendu le sujet particulièrement actuel et que cela correspond vraisemblablement au moment un peu stressant du bouclage du livre.
Le virage du capitalisme vert
Bien entendu, ces préférences ne signifient nullement que les autres parties sont négligeables. Elles contiennent toutes des passages intéressants. L’auteur étant toujours très méticuleux dans sa démonstration, les premières sous-parties fournissent la base théorique et les éléments de cadrage de la question, tandis que les dernières insistent sur la prospective. On aura donc intérêt à ne surtout pas manquer les ultimes pages de chaque axe. Si je devais émettre un léger reproche, ce serait d’avoir éclaté la réflexion sur l’impact des questions environnementales sur la partie 1, 6 et 7. Mais je pinaille. Dans l’ensemble, l’auteur répond à toutes les attentes, à la fois dans le tableau de départ mais aussi dans les différentes pistes explorées et la prospective. La partie 6 revient utilement sur la nécessaire révolution financière pour réaliser le Green Deal.
Dans l’ensemble, vous l’aurez compris, l’ouvrage est d’une grande qualité. Il combine la clarté du propos à la densité de l’information. La bibliographie est très récente, efficace et sans parti pris. Je le recommande vivement.