Didactitienne de la géographie reconnue pour ses différents travaux sur les paysages, Christine Partoune s’attache, dans cet ouvrage, à montrer les multiples enjeux et bénéfices d’un apprentissage de l’espace « hors les murs ».
Les propositions contenues dans le livre se justifient pour l’auteure par la mauvaise alchimie entre un carcan scolaire certain (on travaille dans une salle de classe et les disciplines sont traditionnellement cloisonnées) et des évolutions sociétales amenant à la sédentarité (on joue moins dehors que dedans car le tout numérique n’invite plus à le faire et en même temps, l’espace, urbanisé, est devenu dangereux, avec ses chauffards et ses pédophiles). La conséquence se manifeste, chez l’enseignant, par un paradoxe : on aimerait sortir car on ne doute pas des bienfaits de la mobilité sur les plans cognitif, psychomoteur et relationnel mais on a peur de le faire (regard inquisiteur des parents, météo défavorable, crainte de ne pas gérer le groupe classe).
Les milieux sont pourtant riches et variés (par élargissement spatial, on trouve : l’environnement immédiat, le milieu local et les milieux extraordinaires) avec, pour chacun, avantages et inconvénients, mais surtout de nombreuses pistes d’exploitation. On trouve, pages 108 et 109, une copieuse liste de « portes d’entrée pour mener des investigations de terrain » : situation-problème, action, observation d’un phénomène naturel, mission d’expertise, déambulation libre, immersion, expression des représentations…avec l’idée forte, pages 56-57, que les allers-retours sur le même terrain sont tout aussi riches : pour voir les changements de paysage, pour vérifier une hypothèse ou reprendre une observation incomplète, pour observer l’évolution d’un phénomène à différents stades…
L’ancrage de ces démarches trouve place dans des contenus relatifs à l’environnement, à « l’éducation relative à/par/pour l’environnement » pour reprendre les pincettes sémantiques évoquées dans l’ouvrage et qui se justifient par le fait que beaucoup a déjà été fait dans le cadre de l’éducation non formelle et qu’il serait bon d’inverser la tendance : attaquer les programmes et la formation des enseignants, aller vers le « prescrit » et non le « préconisé ».
Le livre s’arrête également sur les profils des étudiants, futurs professeurs : ils sont ici décrits comme des urbains, rurbains, hyperconnectés à l’intérêt fluctuant, aux carences scientifiques avérées et à la fatigabilité grande en sortie…l’une des causes est-elle à rechercher tout simplement dans un passé d’élève étant peu/pas sorti ? Divers dispositifs pédagogiques sont présentés pour justement répondre à ces manques dont certains sont très détaillés comme l’apprentissage par le « service communautaire » ou encore « l’écostage ».
Ce qui ressort de commun à l’examen de ces dispositifs tient à quelques grands principes qui interrogent la didactique : les curriculum actuels apparaissent trop fractionnés et ne permettent pas de construire les choses sur un temps suffisamment long, il vaut mieux investir dans un minimum de concepts pour les maîtriser que de vouloir en faire trop, la rencontre des enseignants-formateurs de culture « sciences de l’éducation » et de culture dite « d’éveil » pour reprendre le terme belge est également souhaitable.
Au final, il s’agit là d’un ouvrage déjà très agréablement présenté dans sa maquette colorée et aérée mais surtout riche d’un état de l’art international et de méthodes variées (observations participantes, enquêtes diverses, recueil de témoignages d’étudiants…).
On pourra trouver que l’ancrage sur la dimension nature-géosciences le fait passer à côté de certains pans de la géographie (tout ce qui touche à la structure de la ville intramuros, aux mobilités, aux aménagements urbains…) mais c’est ici le choix de l’auteure. On pourra regretter aussi la (trop ?) grande exigence de l’auteure sur les conceptions et le raisonnement scientifiques des étudiants futurs enseignants à qui on ne peut pas trop en vouloir au vu d’une certaine baisse du niveau général de connaissances…d’autant que l’ouvrage n’apporte pas les correctifs à ces conceptions erronées.
Enfin, signalons trois coquilles si l’ouvrage est amené à être réimprimé : p 156, la baie de « Wissant » et non « Wuissant » dans le Pas de Calais ; p 201, le tableau comporte deux fois le terme « œuvre » dans l’expression « mise en œuvre » ; p 174, François Audigier est le didacticien de Genève et non l’historien de Metz.