Ce livre, très bien écrit et passionnant d’un bout à l’autre, se lit avec un réel plaisir. Il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances solides pour profiter de cette analyse, même si en avoir permet de mesurer davantage l’ampleur du travail de Pierre Journoud.
Abréviations :
CEFEO : corps expéditionnaire français en Extrême-Orient
APV : armée populaire vietnamienne
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Avant propos
En quelques pages liminaires l’auteur revient sur les raisons qui l’ont mené à travailler ces questions et insiste particulièrement sur les sources, les récits des combattants, mais aussi et surtout la place des femmes dans le conflit indochinois auquel le livre est dédié. Bien entendu un sort particulier est fait à la bataille de Dien Bien Phu et ses diverses lectures, françaises mais aussi vietnamiennes. En effet, les paroles des simples soldats commencent à être révélées, enfin, donnant à cette bataille un éclairage tout à fait nouveau.
Introduction : Pourquoi Dien Bien Phu ?
En quelques pages d’une rare densité Pierre Journoud se propose de faire le tour des faits et décisions ayant conduit à cette bataille décisive. Tours à tours sont évoqués les faits du contexte mouvant de la Guerre Froide. Ainsi, à partir de 1949 et la victoire de Mao, la France se bat contre le Viet-Minh mais aussi et surtout contre la Chine Populaire sans laquelle le premier n’aurait pu connaître les mêmes succès. D’ailleurs l’intervention chinoise, sous forme de conseillers, de bases de replis, d’armes, pousse rapidement les autorités militaires françaises à envisager une aide américaine, à tout le moins financière. Cette dernière, qui sera aussi matérielle, sera décisive pour un CEFEO peu soutenu par la Métropole et le pouvoir politique. C’est aussi dans cette perspective qu’il faut comprendre le 25 juin juin 1950. L’invasion par la Corée du Nord de son voisin, rend dès lors les deux guerres interdépendantes, que ce soit pour la Chine ou les États-Unis.
Guerre économique peu mise en valeur, les combats de la RC4 et le désastre français d’octobre 1950 remet aussi en selle une vieille idée franco-française : la recherche de l’homme providentiel. En l’état il s’agit du Général De Lattre de Tassigny. Ce dernier redresse la situation militaire et la guerre entre dans une phase plus dure. Les chemins menant à Dien Bien Phu sont alors parsemés de tensions entre alliés, français et américains d’un côté, mais aussi vietnamiens et chinois de l’autre. Ces tensions, ces dissensions sont majeures et la guerre d’Indochine devient dès lors la matrice de la naissance du Vietnam moderne, empruntant dans cette perspective les pas de Christopher Gosha.
Petit à petit s’esquisse donc la place de Dien Bien Phu comme un événement-matrice (Emmanuel le Roy Ladurie) ou encore un événement-monstre (Pierre Nora). Pierre Journoud analyse alors les structures dans les pas de Fernand Braudel et questionne les divers apports historiographiques récents. Analyse économique de la guerre, poids de la colonisation, du milieu, mise en perspective du concept de brutalisation, autant de pistes qui ne doivent pas occulter un problème majeur, l’accès aux sources. La question des pertes reste sensible, plus aisée à aborder du côté français, largement minorées par le pouvoir communiste qui, par exemple, ne prend pas en compte les centaines de milliers de travailleurs forcés. Enfin, Pierre Journoud reprend à son compte l’approche de Gérard Chaliand, le spécialiste reconnu des guerres irrégulières et des guérillas, quant à la nécessaire mais pourtant peu étudiée approche culturelle qui, bien maniée, permet de se détacher d’un ethnocentrisme problématique. C’est donc un plaidoyer pour une histoire bataille renouvelée encouragée en son temps par Hervé Drévillon, un plaidoyer pour une analyse profonde des mémoires.
L’art de la guerre au Vietnam
Si la culture de guerre et la culture stratégique sont à étudier, Pierre Journoud rappelle combien il faut se garder de tout culturalisme qui tendrait à donner tout pouvoir à l’approche culturelle. Ceci posé, l’historien rappelle des clés de lecture décisives. Ainsi le fait que le Vietnam se soit construit face à des puissances, chinoise, française, ce qui a profondément marqué les mentalités vietnamiennes en plaçant la défense comme un réflexe de survie au-delà des divisions politiques. Pour se convaincre de ce passé toujours prégnant, il suffit de s’intéresser aux reprises d’un passé mythifié, aux forts accents nationalistes, par les autorités communistes. Si la culture stratégique chinoise est bien connue, la nippone un peu moins, celles de l’Asie du Sud-Est est quasiment inconnue, la vietnamienne étant diluée dans cet ensemble. En puisant dans la base chinoise, il ne fait point de doute que la culture stratégique vietnamienne se soit singularisée, comme Paul Mus a pu l’étudier, mais aussi Georges Boudarel ou Philippe Papin. Il n’y a pas encore à ce jour d’étude globale, y compris au Vietnam, de l’histoire militaire du pays mais il ne fait de doute que Giap a représenté en quelque sorte la synthèse ultime des penseurs anciens et des apports communistes.
Pierre Journoud propose à la suite une analyse fine des enjeux géographiques et historiques du conflit. La question de la légitimité de la guerre, centrale pour les autorités communistes désireuses de reconnaissance, le poids des invasions chinoises qui a ancré une culture stratégique du faible au fort, de l’irrégularité, art rappelé par l’anthropologue Lê Huu Khoa. Ce dernier a démontré l’importance d’une transmission des acquis passés, à travers le culte de héros nationaux, sans école, sans les traités chinois mais tout en se les appropriant néanmoins. Ainsi la figure essentielle de Tran Hung Dao, ayant vécu au XIIIe siècle et le poids central de l’embuscade dans les approches vietnamiennes. Dans la droite ligne on retrouve aussi Nguyen Trai autour de deux concepts, la « guerre du peuple » et la « stratégie intégrale », dès le XVe siècle. Cette centralité du peuple, de la guerre juste, la recherche de trois dimensions dans la guerre (politique, militaire, diplomatique), l’importance accordée à la propagande vis-à-vis de l’ennemi (dich van) autant de clés que l’on retrouve par la suite chez Ho Chi Minh et Giap. Au premier l’on doit le fait de s’appuyer sans cesse sur l’héritage de Tran Hung Dao dans la propagande. Quant au second, Pierre Journoud montre comment, sans avoir été un militaire de formation, le futur vainqueur de Dien Bien Phu se forme par ses lectures (Lénine, chinoises, campagnes napoléoniennes mais aussi T.E.Lawrence) et sait apprendre de ses échecs comme de ses victoires.
La bataille
Ce chapitre sur la bataille est peut-être celui qui est le plus attendu ; s’il est central dans la chronologie de la démonstration, il n’en reste pas moins aussi moins dense que les autres. Car ce livre n’est pas vraiment une analyse de la bataille d’un point de vue strictement militaire. Basé sur les récits français mais aussi, et surtout car c’est une force rare, sur les récits vietnamiens, le chapitre déroule les différentes séquences opérationnelles. Les parachutages français sur cette petite localité le 20 novembre 1953, la mise en place du camp retranché après des premiers accrochages victorieux pour les Français. Les doutes des Bodoi, les soldats de l’APV, leurs espoirs aussi lorsque les canons de 105 mm, américains, sont livrés par les Chinois avec des canons anti-aériens de 37 mm. Si l’artillerie vietminh était connue des Français, ces derniers ne croient pas possible la mise en place d’un encerclement couvert par l’artillerie enterrée en haut des montagnes. C’est pourtant, à force d’efforts immenses et de sacrifices nombreux ce qui se passe et, très vite, lorsque l’offensive vietminh commence le 13 mars 1954, l’incapacité des plans de contrefeu français scellent le sort des assiégés. L’aviation française ne peut sauver le camp, défendu par une ceinture de DCA redoutable, les renforts ne peuvent plus venir, la piste est détruite, les collines tombent les unes après les autres après des combats dantesques et, finalement le camp du colonel de Castrie tombe le 7 mai.
Un élément clé est mis en avant à côté du récit d’un mariage, apportant de l’humanité en enfer. Il s’agit de la place prise par la propagande avec l’aide du cinéaste soviétique, Roman Karmen, le même qui avait filmé le triomphe à Moscou lors d’un défilé des milliers de prisonniers allemands suite à l’opération Bagration de l’été 1944. Cette mise en scène, le 18 juin 1954, traumatise encore plus s’il le fallait les survivants français qui sont condamnés par la suite à une marche et des camps qui ne sont pas sans rappeler, à une autre échelle, ceux de Bataan infligés par les Japonais aux Philippins et Américains en 1942.
Un stratagème sino-vietnamien
Nous arrivons au cœur de l’analyse de l’historien. Le débat porte sur le poids de la Chine dans cette victoire. Après la guerre de 1979 entre les deux pays, les mémoires se sont figées et les deux partis communistes ont revendiqué chacun la victoire de façon quasi exclusive, rappelant au passage que le communisme s’efface souvent derrière des considérations nationalistes malgré « l’Internationale ». Depuis le rapprochement des années 1990, les travaux des historiens ont progressé mais nombreuses sont encore les archives qui restent à analyser pour avoir une vision juste du processus de décision ayant mené à la bataille côté APV. Voilà pourquoi Pierre Journoud associe les deux dans la question de ce stratagème. Côté français les choses sont plus simples et maintenant bien connues. Le plan du général Navarre, qui a remplacé en 1953 le général Salan qui connaissait parfaitement le terrain, est celui d’un regard neuf voulu par le pouvoir politique. Si Navarre reprend certains acquis de Salan, il n’en demeure pas moins qu’il est mis en place par un officier supérieur qui ne dispose pas d’une vision totalement fine de l’adversaire comme le rappelleront certains militaires après la défaite. Le premier plan de Navarre comprend deux phases, s’étalant sur deux ans et doit permettre de céder progressivement la place à la toute nouvelle ANV, armée nationale du Vietnam. Le plan, jugé trop coûteux, visait à stabiliser le centre du Vietnam (opération Atlante) puis à prendre l’offensive en 1955 afin d’obtenir des gains dans la perspective des négociations de paix. Le comité de défense nationale, sous la pression du ministre des finances, Edgard Faure, refuse ; trop cher, guerre trop lointaine et incomprise de la population, donc point de temps ni d’argent. Navarre doit faire moins cher, sans moyens, mais sans abandonner l’idée de peser militairement et donc victorieusement sur les négociations, alors même que l’aide chinoise est clairement connue. La crainte essentielle de l’État-major du CEFEO tourne autour d ‘une offensive sur le delta du fleuve rouge. Cette crainte est confirmée par les renseignements ce qui pousse Navarre à lancer l’opération Mouette et à renforcer le CEFEO dans le delta. Du côté de Giap la question de l’offensive sur le delta pose toujours question mais une chose est certaine : le général vietnamien a été marqué par la victoire défensive de Na San et l’évacuation du camps en bon ordre par les Français de Navarre en août 1953. Petit à petit le centre de gravité de l’offensive communiste évolue donc vers le Nord-Ouest, vers le Laos avec le Cambodge en ligne de mire. Dien Bien Phu devient alors pour Navarre le meilleur choix possible pour fixer l’avancée vietminh, disposer d’un terrain d’aviation tout en conservant l’initiative et en refusant le choc frontal. C’est exactement que Giap a reconnu comme la moins mauvaise des solutions plus tard, en 1993, lors de la visite de François Mitterrand au Vietnam.
Toujours est-il que se dessine donc un choix qui se construit petit à petit, une inadéquation des moyens du côté français entre les objectifs, « casser du viet » pour obtenir des gains politiques, et une aide chinoise massive qui a permis à l’APV de se renforcer de façon décisive. Le choix du site est aussi assez vite connu pour les problèmes qu’il pose ; il faudra un ravitaillement aérien, un pont régulier, pour des troupes éloignées des bases principales. Or, très vite, le général Dechaux, le colonel Nicot et le lieutenant-colonel Brunet, respectivement en charge du Groupement aérien tactique nord, commandant de l’aviation de transport en Indochine et commandant de la base de Cat Bi, alertent sur les difficultés météorologiques de la zone qui ne garantiront pas un pont aérien et une couverture tactique globale. Mais comme on ne croit à aucun instant que l’APV puisse relever le défis logistique de se battre, elle aussi, loin de ses bases, ces questions sont laissées de côté. Ainsi est lancée l’opération Castor, la plus grande opération aéroportée de toute la guerre. L’opération début le 20 novembre 1953, la base aéroterrestre est opérationnelle le 25. Giap jubile car il a réussi à diviser les forces adverses et lorsque le 4 décembre Navarre, contrairement au plan initial, décide de conserver Dien Bien Phu à tous prix, il accepte le choc frontal dont il ne voulait pas à l’origine. Dans l’esprit du général Navarre la défense de cette base est un théâtre secondaire de l’opération Atlante visant à terme à une offensive générale dans le centre-Vietnam, donc très ambitieuse, et devant débuter par un débarquement naval le 20 janvier (opération Aréthuse). Fixer l’APV à Dien Bien Phu semble donc une bonne option.
La suite de la démonstration est limpide. Petit à petit le camp retranché destiné à être la base de départ d’offensive meurtrières pour l’APV devient en réalité un « hérisson » avec de moins en moins d’épines, encerclé dès la fin du mois de décembre par les meilleures unités de l’APV. Depuis la mi-décembre, grâce aux écoutes, Navarre sait que Dien Bien Phu est devenu l’objectif de Giap comme bataille décisive. L’arrivée de la division d’élite 308, des canons de 105 mm, l’encerclement total rendent dès lors le ciel décisif pour espérer faire tenir le camp. Les Français mettent alors en place un système défensif complexe de multiples hérissons devant chacun se couvrir. La confiance est de mise, on va « casser du Viet ». Or sans moyens nécessaires, la réalité du terrain est que le corps expéditionnaire français a perdu l’initiative et que Dien Bien Phu devient l’occasion pour Giap et les conseillers chinois de porter un coup décisif, militairement et surtout politiquement, dans le cadre d’une offensive générale à l’échelle de l’Indochine. Navarre prend petit à petit conscience de la catastrophe à venir, les sources rappelées par Pierre Journoud sont nombreuses, mais il est trop tard.
Une étude fine de la contribution chinoise permet de rappeler, s’il le fallait, le lien très fort existant avec la Guerre de Corée. Lorsque le 27 juillet 1953 l’armistice est signée en Corée, le 2è bureau et de nombreux officiers mesurent que l’aide chinoise pourra se concentrer sur l’Indochine. Cette aide est matérielle mais aussi au niveau de l’encadrement ce qui permet à l’AVP de progresser très vite et de gagner en autonomie de commandement. Cette aide est connue en détail puisque les craintes remontent quant à la densité accrue de canons de 37 mm anti-aériens, remettant en cause la possibilité de ravitaillement par air et de soutien tactique efficace. La querelle de chiffres est ailleurs. Pour les Français l’aide chinoise est massive, ce qui explique la défaite pour le général Navarre. Pour les Vietnamiens elle est certes importante mais le colloque d’Hanoï de 2004 a montré que près de la moitié des obus tirés sur Dien Bien Phu par l’APV étaient … français, tirés des diverses prises de guerre (Cao Bang et parachutage sur camp retranché). Et de toute façon cette aide chinoise trouve un écho majeur : l’aide américaine au CEFEO, elle aussi massive. Mais, élément inattendu, le parachutage jusqu’en 1954, par les Américains, de munitions et d’armes au profit des maquis chinois nationalistes au Yunnan, Kuangsi ou Kuangtung a aussi profité à l’APV qui pu acheter des armes neuves en Chine et les acheminer directement à Dien Bien Phu.
Le rôle des Chinois est un élément clé à ce stade de l’étude. Les questions tournent autour des aides fournies pour tirer les leçons de l’échec cinglant de Na San (1953), ce qui consista en un entrainement poussé, en Chine, des artilleurs Vietminh, dans la rédaction de carnets tactiques pour prendre des positions fortifiées. Mais, plus encore, se pose la question de la décision de l’offensive dans le Nord-Ouest qui se conclut par Dien Bien Phu. De façon classique, le général Giap aurait été partisan d’une offensive sur le Delta. Ho Chi Minh se serait laissé convaincre par les Chinois, par Mao en personne, de la pertinence d’une offensive dans le Nord-Ouest pour battre les Français là où ils étaient les plus faibles, puis de lancer des opérations vers le Laos (aide au mouvement patriotique du Laos, le Pathet Lao) et le Cambodge afin de disloquer l’Indochine française. Le rôle du général Wei Guoqing, chef des conseillers chinois, est ainsi souligné. Finalement Pierre Journoud conclut, en s’appuyant sur le Colloque de 2004, que si les Vietnamiens ont été les derniers décideurs, ce fut avec l’aide précieuse de conseillers chinois, et en arrière-plan la nécessité de pouvoir s’appuyer sur une victoire majeure dans les négociations entamées à Genève.
Le débat se poursuit avec la prise de décision de repousser l’assaut de la fin janvier au mois de mars, décision qui sera finalement la clé de la réussite. Les considérations sont d’ordres techniques et tactiques. L’artillerie qui n’est pas encore totalement opérationnelle, le risque de subir un échec en songeant à ce qui s’est passé à Na San, la difficulté de coordonner des actions, pour la première fois à une telle échelle. Finalement l’ordre est donné de repousser l’assaut ; l’effet est mauvais pour le moral des Bodoi mais il convainc les Français de leur supériorité supposée. Là encore la clé est de savoir si c’est Giap ou les conseillers chinois qui ont eu gain de cause. L’historien Phan Huy Lê semble avoir emporté l’adhésion à ce jour en croisant les sources vietnamiennes et chinoises : le général vietnamien a fini par convaincre le général Wei Guoqing.
La victoire a néanmoins été particulièrement difficile et couteuse, ce que de nouvelles sources vietnamiennes démontrent malgré l’hagiographie officielle du pouvoir communiste. La mobilisation de centaine de milliers de civils a permis d’assurer une logistique qui a totalement pris les Français au dépourvu. Cette mobilisation, totale, a été rendue possible par la perspective offerte par Ho Chi Minh d’une réforme agraire mais aussi par les mesures coercitives classiques du régime communiste si besoin, la distinction entre civils et militaires s’effaçant devant les impératifs de la lutte révolutionnaire. Contrairement aux superbes images de propagande, plus que les vélos « Peugeot » de la « brigade de fer », loin d’un combat asymétrique totalement mythifié, ce furent les 628 camions Molotova qui furent un élément clé dans le ravitaillement. Le déclenchement de l’opération Atlante le 12 mars à Quy Nhon assura la dispersion des efforts français et entraîna, le lendemain, l’assaut sur le camp retranché. La froide efficacité de l’artillerie vietminh et la brutalité des premières vagues d’assaut emportèrent rapidement trois points d’appuis (Béatrice, Gabrielle, Anne-Marie) et un ébranlement moral dans le camp retranché, d’autant que les tirs de contre batterie français furent inefficients. Ceci posé, il ne faut pas sous-estimer les défaillances morales du côté de l’APV. Les combats furent terribles, les pertes dantesques avec des taux de 30 % à 20% pour les dernières vagues d’assaut, les contre-attaques françaises particulièrement meurtrières pour l’APV. La défaite ne fut donc point inéluctable et à l’ouverture de la conférence de Genève, le 26 avril, la situation était périlleuse pour les forces de Giap. Tout au long du mois d’avril les assauts meurtriers, mal préparés, mal commandés face à une défense française acharnée ont causé des ravages chez les Vietminh au point de provoquer une crise du commandement et des réunions de crise. La remobilisation fut nécessaire mais ceci confirme l’extrême difficulté de la bataille. C’est bien la capacité à disperser les efforts de Navarre en attaquant par exemple Muong Sai, au nord du Laos, la capacité à tirer profit des leçons apprises en Chine et e Corée quant à l’utilisation de l’artillerie, de la poliorcétique chinoise (tranchées et réseau enterré, ruses de camouflage etc) qui ont fini par emporter la décision. À ces facteurs tactiques s’ajoutent les multiples défaillances du commandement français, l’incapacité chronique à penser l’adversaire comme un égal, les échecs des solutions de désencerclement ou de bombardement du type « Vautour ». Mais, plus encore, c’est bien un échec global au niveau politique sur les buts de guerre qui est en cause avec une totale inadéquation entre les objectifs visés et les moyens engagés par la IVe République, ce qui fera dire quelques années plus tard à Giap « si vous avez été battus, vous l’avez été par vous-même ».
Une crise franco-américaine
Le chapitre suivant permet de mettre en perspective la guerre froide, la politique interne des USA, les tensions entre alliés, la place stratégique nouvelle d’une Chine communiste et, plus encore, la matrice qu’est Dien Bien Phu pour la guerre du Vietnam qui verra les USA s’engager une décennie plus tard.
Dès le départ, les doutes vis-à-vis des Français sont nombreux du côté américain mais le vice-président Richard Nixon reste convaincu qu’il faut aider le CEFEO. Une réelle confiance est accordée à Navarre, vu comme un chef offensif (rappelons au passage que l’État-major US pensait que deux divisions de Gis suffiraient à emporter la décision du fait du moral et de la combativité légendaire des Américains …). La guerre d’Indochine s’inscrit à partir de 1950 totalement dans le contexte de la guerre froide et d’une lutte comme l’expansion du communisme. Au niveau interne le maccarthysme est toujours prégnant et nombreuses sont les critiques chez les Républicains vis-à-vis de Truman et des Démocrates ayant finalement négocié en Corée en juillet 1953. Il s’agit donc pour l’administration de Eisenhower de ne plus reculer face au communisme et donc de pousser les Français à se battre avec plus de vigueur. Il n’est pas question d’une quelconque négociation avec Ho Chi Minh. Ce point est décisif : les États-Unis poussent à la guerre au moment où la France, du fait d’une situation politique interne complexe et instable, mais aussi le Royaume-Uni veulent négocier. À ce stade se nouent des incompréhensions qui seront lourdes de sens dans les événements de Dien Bien Phu.
Cette approche pousse l’historien à poser la question sous un jour nouveau : et si Dien Bien Phu était une défaite américaine ? Force est de constater que les premiers revers français dans la cuvette surprennent les Américains. Déjà, et ce sera le cas une décennie plus tard, l’APV est largement sous-estimée, beaucoup plus que du fait des Français, c’est dire. Les débats à Washington sont nombreux pour mesurer de l’utilité et de la pertinence du plan Vautour, soit une vaste campagne de bombardement par B29 des bases logistiques Vietminh autour de Dien Bien Phu. Les risques sont nombreux : escalade avec la Chine mais, plus encore, limites éprouvées du Air Power suite à la campagne d’Italie entre 1944 et 1945. Ces questions et cette opposition s’incarne particulièrement dans le général Matthew Rigdway, fervent défenseur d’un abandon du plan Vautour. Si l’hypothèse nucléaire est évoquée, elle n’est pas plus retenue. Le patron de la CIA, Allen Dules, pressent que l’attaque de Dien Bien Phu a des visées politiques majeures alors que les négociations à Genève s’engagent. Ceci ne n’empêche point les décideurs américains de renoncer finalement à une intervention des troupes US. Eisenhower était profondément pour une approche multilatérale or les alliés étaient divisés. Pouvait-on sauver Dien Bien Phu ? L’exemple de Khe Sanh, autre camp retranché assiégé par le Vietcong cette fois-ci, en 1968, semble montrer que les troupes françaises auraient pu être sauvées grâce à une intervention aérienne massive. De nouvelles études historiques américaines semblent montrer que l’avis de Eisenhower fut moins lisible, plus ambigu, comme le montrent les fortes tensions avec le Royaume Uni et en particulier le duo Churchill et Eden, respectivement premier ministre et ministre des affaires étrangères, totalement opposés à une intervention directe qui aurait ouvert la porte à une internationalisation du conflit sans que l’on puisse en mesurer les conséquences potentiellement catastrophiques.Dien Bien Phu
Les oppositions franco-américaines sur la lecture des événements et des solutions illustrent également la validation de l’évaporation de la puissance française. Ceci s’inscrit dans la droite ligne de la défaite de 1940. Si le soldat français a retrouvé son honneur, par un processus d’héroïsation des combattants acharnés de Dien Bien Phu, il n’en reste pas moins que la France n’est plus considérée comme une grande puissance. Ceci a deux impacts clairement mesurables : la volonté de Pierre Mendès France d’œuvrer pour une bombe atomique française aux lumières de notre dépendance vis-à-vis des USA. Mais aussi, du côté de Washington, la nécessité, dans le cadre du Containment, de remplacer les Français au Vietnam et en Asie. Ceci explique la mise en place de l’OTASE à la fin 1954 mais aussi la continuité des futurs présidents américains dans cette lutte face au Vietminh. Les sénateurs démocrates John Kennedy et Lindon Jonhson, le vice-président Richard Nixon, le républicain Gerald Ford, autant de futurs président qui ont tous vécu Dien Bien Phu et ses suites de l’intérieur.
La chute du camp retranché ne met pas un terme immédiat aux combats. L’opération Auvergne, réussie, le recul stratégique vers le delta sur Hanoï et Haiphong, le désastre de l’embuscade du GM100 (24-28 juin 1954) rythment l’effondrement progressif du CEFEO. Mais l’APV n’est pas dans une aussi belle position que désire le montrer la propagande communiste. Les troupes sont épuisées, il faut du temps pour reprendre des forces et éviter des coups de griffes potentiellement meurtriers du CEFEO. La menace d’intervention américaine n’est pas non plus écartée en ce début d’été 1954. Autant de facteurs qui poussent Ho Chi Minh et Pierre Mendès France sur la voie de la négociation.
Le 14 juillet de la décolonisation
La défaite militaire s’impose très vite comme un tournant décisif pour la France et l’Indochine, mais aussi pour la guerre froide et le processus de décolonisation en général. Dans un premier temps les accords de Genève marquent le début d’un soulagement généralisé chez les combattants. Les prisonniers vont pouvoir être libérés des deux côtés et les survivants de Dien Bien Phu, détenus dans des conditions horribles peuvent espérer, enfin, une libération qui leur offrirait des chances de survie. La gestion des accords est particulièrement longue et si le rôle de Pierre Mendès France est déterminant, il n’est reste pas moins critiqué par certains aspects, comme un trop large alignement sur Washington par exemple. L’une des questions clés renvoie à la décision de couper le Vietnam en 2, au 17e parallèle, dans l’attente d’élections libres, sous tutelle internationale, pour l’année 1956. Le Lao Dong, les communistes de Ho Chi Minh, sont pour cette solution, assurés d’avoir la majorité ou du moins résolus à faire ce qu’il faut pour l’avoir. L’État vietnamien du Sud, mis en place par les Français en 1949 pour contrebalancer le pouvoir communiste du nord, ce qui a inscrit pour près de trois décennies la guerre civile au cœur du Vietnam, ne l’entend pas de cette oreille. D’ailleurs les États-Unis et certaines autorités françaises poussent à ce qu’une veille connaissance de Dulles s’empare de la scène politique du sud en lieu et place de Bao Dai, en la personne de Diem.
Les accords de Genève sont ainsi mis à l’épreuve à peine signés. En septembre 1954 l’OTASE est mis en place par les USA et leurs alliés dans la région, dont la France. Le Containment dispose ainsi d’une base légale pour une intervention future des USA dans la région. Si les Français tentent avec quelques succès de limiter l’influence américaine au Vietnam pour conserver leurs propres intérêts, force est de constater que le remplacement se fait progressivement. La crise de Suez en 1956, l’échec de la CED, le contexte global de la guerre froide accompagnent tour à tour un raidissement des États-Unis dans la région. Un exemple est donné autour de l’instrumentalisation du sort des catholiques. Petit à petit sous l’impulsion de Pierre Mendès France les Français s’alignent sur les USA et contre l’avis de Washington, le CEFEO quitte assez vite l’Indochine. Ainsi en est-il du solde d’une décolonisation brutale qui va servir de laboratoire pour la suite, avec une volonté de conserver pour la Métropole une assise économique et culturelle clé. Finalement le refus de Diem, arrivé au pouvoir, de participer aux élections de 1956 acte la rupture entre les deux Vietnam, inscrit les États-Unis comme protecteurs du Sud et assure un terrain fertile à la reprise des tensions armées, cette fois-ci sans les Français. Pour ces derniers, les événements d’Algérie poussent d’autant au retrait anticipé de l’Asie que Dien Bien Phu a marqué les courants nationalistes, qui en Tunisie ou en Algérie, quant à la possibilité de répéter des Dien Bien Phu en Afrique du Nord.
Il existe peu de travaux quant aux anciens d’Indochine en Afrique du Nord. Il est cependant possible de percevoir des liens puissants. Liens pour les combattants algériens qui ont vécu de l’intérieur la défaite de l’Armée française et la mise en place d’un mouvement de libération puissant. Cependant les différences sont aussi réelles, le FLN n’est pas communiste et on ne peut calquer si aisément les deux situations géopolitiques. Quant aux leçons de Dien Bien Phu, elles sont d’ordre d’abord militaire. C’est l’effet des « Centurions », ces officiers d’Indochine, profondément marqués par la défaite et les errements politico-stratégiques des politiques face à un adversaire déterminé usant de toutes les possibilités pour vaincre. Résolus à tirer des leçons, ces officiers s’engagent pour certains sans limites dans le conflit algérien. Les paras de Bigeard conceptualisent l’utilisation offensive de l’hélicoptère, ce qui sera copié par les Américains au Vietnam. Une large réflexion sur la contre-insurrection se met en place, avec par exemple les travaux des colonel Trinquier ou Lacheroy, les acquis des GCMA, ces maquis organisés sur les arrières Vietminh et dont le général Giap a reconnu la redoutable efficacité. Cependant la rupture est profonde entre officiers et pouvoir. Les remontées de terrain ne sont pas forcément prises en compte ce que déplorent des rapports comme celui du colonel Madré en 1955.
Au cœur des tensions au sein de l’Armée et entre Armée et pouvoir politique, on trouvera un large développement sur la question de la torture et de l’action psychologique. Pensée comme un objet purement technique, les actions échouent car un protocole ne peut nier la spécificité du terrain. L’Indochine et l’Algérie sont des entités avec leurs propres spécificités et il ne suffit pas de dupliquer des préceptes pour obtenir des résultats. Il en est ainsi de la question de la déshumanisation de l’adversaire, revendiquée par certains officiers. Le cas de la torture en Algérie occulte trop souvent sa matrice indochinoise. Il est justement rappelé les apports de Paul Mus pour critiquer une radicalisation d’une partie des officiers français en Algérie, pour une efficacité toute relative.
Du mythe à l’histoire
La quête d’une mémoire pacificatrice est le fil conducteur de ce chapitre, passionnant. Cette bataille s’est largement imposée comme le paradigme de la défaite humiliante, tout en étant aussi utilisée comme un modèle héroïque absolu. De Khe Sanh à l’Irak, de l’Afghanistan au Liban, depuis le 7 mai 1954 cette défaite française n’a cessée d’être instrumentalisée un peu partout dans le monde. Il fait dire que cette bataille a été la première à être réellement médiatisée à l’époque en France, ce qui en a fait un moment immédiatement perçu comme singulier. C’est le premier gros choc dans un conflit marqué par les embuscades et la guerre de postes anonymes, ce qui a attiré les médias. Ceci d’autant plus que la bataille est concomitante du début des négociations de paix à Genève, le 8 mai 1954. La construction positive de la défaite visait à minorer cette dernière pour les Français, défaite inéluctable dès le mois de mars et la perte de la piste aérienne mettant alors le destin du camp retranché entre les mains d’une intervention de Washington. Il est particulièrement intéressant de s’attarder sur le vocabulaire des journaux : on s’intéresse à quelques chefs charismatiques tels Bigeard, Langlais ou Geneviève de Galard, jeune convoyeuse de l’Air, présentée en héroïne féminine absolue au cœur d’une lutte d’hommes. L’analogie qui s’impose donc très rapidement dans la presse est celle de Verdun ; « Verdun de la brousse », « Verdun de la jungle », « Verdun tropical », autant d’expressions qui ancrent dans les mémoires cette bataille au plus près de l’exemple mythique de la résistance française au Kaiser, en 1916. Cette approche héroïque est aussi étrangère et à travers le « monde libre », de Rio à Tokyo en passant par Londres ou Bonn, les combattants français deviennent les remparts ultimes face au communisme agressif. Pourtant, dans le même temps, des voix s’expriment aussi clairement contre la guerre. Ainsi en est-il, mais il n’est pas le seul, de Sartre qui reconnait l’héroïsme des combattants pour mieux souligner les errements d’une guerre injuste. Longtemps demandée par le général Navarre, une commission d’enquête est ouverte en 1955 ; selon la volonté de Pierre Mendès France elle est strictement militaire et ses conclusions seront finalement assez équilibrées quant aux responsabilités de la défaite, pour les militaires et les politiques.
L’alliance franco-américaine, qui a été mise à mal par la gestion complexe de la crise, retrouve des couleurs en la personne de Geneviève Galard. Figure héroïque des infirmières sur le champ de bataille, elle sera invitée officiellement à une tournée aux États-Unis comme hôte d’honneur, dès juin 1954. Ceci permet de sensibiliser la population américaine à la nécessaire lutte contre le communisme dans la région, en complément de l’éloge de Dulles aux soldats français, dans un moment où se prépare déjà la possibilité d’une future intervention militaire de Washington dans la région. Pour les autorités françaises c’est aussi une belle affaire de communication dans un contexte particulièrement difficile.
Pour les autorités vietminh, Dien Bien Phu est une victoire fondatrice. Très vite, dans une course à la Mémoire, s’effacent les soldats vietnamiens qui ont combattu avec les Français, effacement souvent dans tous les sens du terme. Les autorités communiste écrasent l’autonomie des minorités du Nord, ici les Hmongs, là les Thaïs, soient tous ceux qui avaient nourris les GCMA. Le champ de bataille est réinvesti par des Bodoi pour mettre en place de rizières modèles, dans des conditions épouvantables du fait des multiples munitions non explosées. La bataille devient assez vite aussi une expression, une référence ultime lors de la lutte face aux États-Unis dès 1964 puis tout au long de la guerre comme lors de la campagne de bombardement aérien « Linebacker II » en 1972 où la perte de B52 par l’US Air Force est qualifiée de « Dien Bien Phu aérien ». À partir des années 1990 le site voit les touristes arriver à la faveur de l’ouverture du monde communiste, touristes qui peuvent profiter des installations mémorielles, des sites de musée mis en place par le pouvoir à la gloire des combattants de l’APV et du régime. Cette guerre des mémoires se poursuit dans les manuels scolaires. La bataille est en très bonne place, étudiée à trois reprises dans le cursus scolaire vietnamien, cursus qui fait la part belle à l’histoire militaire sous forme hagiographique. La rapide guerre face à la Chine, en 1979, pousse les rédacteurs à retirer des leçons toutes références à l’aide chinoise. Plus étonnant, Dien Bien Phu devient aussi une expression pour dynamiser l’économie en 2004 dans la bouche de Giap.
Du côté français il est possible de parler selon Pierre Journoud de défaite mémorielle en plus de la défaite militaire et politique. La bataille est un repoussoir, un rappel de la défaite de 1940 comme de la dépendance de la France vis-à-vis des États-Unis. La mémoire est donc entretenue dans un premier temps essentiellement entre Anciens, entre Paras, entre Légionnaires, dans les Régiments. On pourra citer comme exemple le fait que le monument mis en place à côté de l’ancien PC du colonel de Castrie sur le site ait été financé, sur ses deniers, par Rolf Rodel, un ancien sergent-chef de la Légion étrangère. Finalement c’est le cinquantenaire qui a débloqué certaines choses. La visite très médiatisée du général Bigeard en 1994 succédait à celle un an plus tôt, du président François Mitterrand et à la mise en place d’un monument dédié aux guerres en Indochine à Fréjus sous l’impulsion de Jacques Chirac. La bataille mémorielle touche aussi le sort des prisonniers. Querelle de chiffres, comparaison osée avec le système concentrationnaire nazi, deux choses sont certaines. La première est que le Vietminh a été particulièrement dur avec les prisonniers, sans aucun respect parfois de la vie humaine. La seconde est qu’il en fut de même pendant la guerre par certains éléments des forces françaises vis-à-vis des prisonniers de l’APV. Depuis 2005, le 8 juin est la journée consacrée au souvenir des Français morts en Indochine.
Le cinquantième anniversaire de la chute du camp retranché a été un moment très important pour renouveler l’historiographie du conflit et de cette bataille en particulier. Les témoignages ont afflué, de tous les côtés, permettant d’étudier de nouveaux aspects, de préciser les faits, de nuancer. Les colloques depuis 2004, franco-vietnamiens, permettent de pousser plus avant les réflexions. La bataille se banalise, faisant l’objet de tourisme et même de jeux vidéos. Mais il subsiste des écueils, à commencer par celui représenté par le pouvoir communiste, encore largement versé dans l’hagiographie, dans l’héroïsation des combattants, désireux d’occulter, avec de plus en plus de difficultés, les pertes, les tensions, les critiques, les souffrances et les crimes commis par le pouvoir vis-à-vis des civils. Le contexte géopolitique est aussi une clé de lecture décisive ; ainsi les tensions actuelles avec la Chine de Xi Xiping autour des Parecels ne vont pas dans le sens d’un apaisement des mémoires.
Conclusion
La voix de la réconciliation a été portée par le vainqueur de Dien Bien Phu en la personne du général Giap. Volontariste au moment de la visite du président Mitterrand, affirmant à de nombreuses reprises sa francophilie, l’ancien général a marqué par sa volonté de faire de la France un partenaire particulier pur le Vietnam. Le cinéaste Pierre Schoendoerffer a pu tourner au début des années 1990 son « Dien Bien Phu » au Vietnam avec des acteurs vietnamiens servant dans les deux camps, conformément à la réalité. Les choses avancent donc et ce livre de Pierre Journoud est une pierre de plus. Une pierre décisive, magistrale, érudite et toujours accessible, guidée par des notes nombreuses, des citations lumineuses de sources des deux camps. C’est un livre à lire, à méditer, au moment où les guerres d’Indochine refont, enfin, surface dans les programmes scolaires de Terminale.