La BD retrace la vie de Gino Bartali, immense cycliste, au palmarès exceptionnel, reconnu pour cela dans le monde entier. Ce que peu de gens connaissent, c’est la 2e vie de Bartali, celle qu’il n’a jamais évoquée, dé héros du quotidien. La BD s’attache à retracer ce doubles aspect pour nous offrir une très belle introspection de cet homme hors du commun.

Et s’il faut démarrer par quelque chose dans cette analyse, ce sera le magnifique travail d’illustration de Lorena Canotierre. Cette oeuvre est un véritable petit bijou. Le dessin est dominé par le crayonné de Lorena Canotierre et son utilisation de couleurs chaudes. Il est entrecoupé de passages en couleurs froides du plus bel effet. Esthétiquement déjà, cette œuvre est une réussite.

Ensuite, sur le fond, l’auteur nous propose une vraie profondeur et une réelle densité quant à la vie de Gino Bartali. Nous voilà d’abord envoyés dans son enfance, dans les années 20 italiennes qui voient l’arrivée au pouvoir de Mussolini et des conséquences même dans le petit village de la famille de Gino. De cette enfance, il ressort également un amour du vélo et des premiers forçats de la route, ces « surhommes » qui parvenaient à franchir les étapes dantesques des premiers tours de France et d’Italie. Parmi eux, de nombreux Italiens que Gino rêvaient d’imiter, à l’instar d’un Alfredo Binda, 5 fois vainqueur du tour d’Italie.

Puis, nous nous plongeons dans son apprentissage de la course cycliste, son passage en professionnel. Et les grandes victoires des années 30: tour d’Italie, tour de France, tour de Lombardie, les grandes classiques comme Milan-San Remo… Mais aussi les échecs et les drames. D’abord, l’abandon sur le tour de France en 1937. Surtout, la perte de son frère lors d’une course cycliste. Enfin, la chape de plomb du fascisme. Issu d’une famille socialiste, Gino avait été sensibilisé aux dangers potentiels de l’arrivée au pouvoir du Duce. En refusant de lui rendre honneur à chaque victoire, il s’exposait aux représailles. Ayant parmi ses meilleurs amis d’enfance un Italien de confession juive, Giacomo, il comprit mieux que quiconque les mesures d’exclusion que les juifs subirent sous l’Italie fasciste.

Secrètement, il profita de la guerre pour rencontrer Pie XII et s’engager, au sein de l’Eglise, dans un organisme confidentiel d’aide aux juifs étrangers en Italie. Il mit son talent de cycliste au service de DELASEM, comme messager, mais aussi comme aide à la cache et au sauvetage de familles juives. Il fut confronté évidemment à l’horreur des crimes nazis et fascistes, à la peur pour sa famille et ses amis, à la traque de la police.

La BD se termine sur la fin de la guerre, la difficile reconstruction de l’Italie et la reprise de la course pour Gino Bartali. En 1948, sa victoire sur le tour de France est hautement symbolique pour lui. Mais peu de personnes ne connaissent ce qui s’est passé pendant la guerre. Et Bartali insiste sur le fait qu’un « vieux » gagne le tour de France, 10 ans après sa première victoire. Jamais, il ne parlera de ce qu’il a fait. Beaucoup le découvre seulement dans les années 2000 quand Israël lui remet plusieurs récompenses au titre de son activité dans les réseaux clandestins italiens des années 40. Parmi ces distinctions, celle de « Juste parmi les Nations ».

 

Les auteurs nous proposent donc une BD touchante, émouvante. Nous y découvrons un Gino Bartali, guidé par ses envies, sa conscience, ses convictions et ses amitiés. Une volonté de fer qu’il a su mettre à la fois au service d’un sport, qu’il aimait viscéralement, et au service d’une cause qu’il estimait comme étant celle de l’humanité toute entière.