Gisèle Halimi, décédée en 2020 à l’âge de 93 ans, est une femme forte qui a dit non au patriarcat, à la colonisation, à l’inégalité. Femme juive et tunisienne, militante, femme politique, c’est en tant qu’avocate que Gisèle Halimi a mené ses plus grandes batailles.

En l’espace de 128 pages, Jean-Yves Le Naour, historien spécialiste du XXe siècle, mais également scénariste de films documentaires et de bandes dessinéesLe réseau Comète – La ligne d’évasion des pilotes alliés ,Jean-Yves Le Naour, Holgado, Marko, Grand Angle, 2023 – Les compagnons de la Libération – L’île de Sein, Jean-Yves Le Naour, Brice Goepfert, Editions Bamboo – Grand angle, 2022… rend un bel hommage à Gisèle Halimi dans un roman graphique d’une grande qualité. Pour illustrer cette vie, Jean-Yves Le Naour a collaboré avec le dessinateur Marko, de son vrai nom Marc Armspach, avec qui il avait déjà réalisé les albums A bâbord, toute ! Histoire de la gauche en BD et A Tribord, toute ! Histoire de la droite en BD, publiées en 2021 et 2022 par Dunod Graphic. Avec un dessin épuré et minimaliste, il retrace toute la vie de cette femme remarquable et son ambition de changer le monde en en éradiquant les injustices.

Une vie de combat contre les injustices et les inégalités

Malgré une enfance relativement heureuse, Gisèle vit dans une famille juive, colonisée et pauvre en Tunisie. Elle découvre vite l’injustice, l’intolérance et l’humiliation. La révolte apparaît très tôt en elle. Elle refuse de se laisser censurer. A 18 ans, le bac en poche, elle part à Paris et se lance dans des études pour devenir avocate. Commence alors une brillante carrière. En 1961, elle dénonce l’emploi de la torture en Algérie lors du procès de Djamila Boupacha, devenant ainsi persona non grata dans le pays et voyant sa vie menacée. Avec une persévérance sans faille et malgré de nombreux obstacles, comme la misogynie, la haine, les menaces récurrentes et de nombreux outrages, elle réussit à plusieurs reprises à faire changer les lois françaises et, par conséquent, à faire évoluer les mentalités. Lors de ses nombreux combats, alors qu’elle jongle entre ces derniers et sa vie de famille, elle apprend à utiliser et à piéger le système, utilisant les médias et l’opinion publique pour faire évoluer la société.

Très engagée dans la cause féministe, notamment au sein du Mouvement de Libération des femmes dont on assiste à la genèse, elle consacre sa vie à combattre pour l’égalité entre les hommes et les femmes en France. Par exemple, en 1972, elle pose la question de la liberté à disposer de son corps, se positionnant en faveur de la légalisation de l’avortement. Elle figure, notamment, dans la liste des 343 françaises qui ont signé le manifeste « je me suis fait avorter », publié le 5 avril 1971, écopant d’un blâme en tant qu’avocate. En 1978, elle fait le procès très médiatisé du viol à Aix-en-Provence, utilisant le tribunal comme une tribune afin de faire reconnaître le viol comme un crime. En 2000, suite à un long combat, et après être entrée, bien malgré elle, en politique, elle contribue à faire triompher la loi sur la parité au terme d’un long combat. Tout au long de ses combats, elle croise la route d’autres personnages célèbres, comme Sartre et Simone de Beauvoir, Mitterrand, Chirac… Finalement, son histoire est celle d’une évolution difficile de la société française.

Un roman graphique beau dans sa simplicité et poignant par son sujet

Cette adaptation illustrée de la vie de Gisèle Hamili est poignante. Les illustrations, très simples, sont un véritable atout pour diffuser un message d’espoir et une invitation à poursuivre ses combats :

« Et maintenant ? Maintenant que je dessine un monde sans moi, je ne vous réclame pas d’hommages, je ne vous demande ni des mots ni des fleurs, je vous demande de vous battre. Car il n’y a rien d’acquis ici-bas, il y a toujours des combats à mener. Oui, il faudra toujours se battre. A vous, femmes et hommes de l’avenir de dessiner un futur qui soit plus juste. A vous d’intégrer le vacarme du monde en vous refusant à son iniquité. Ne vous résignez jamais. »

L’histoire de Gisèle Halimi cette celle d’une enfant rebelle longtemps humiliée, qui, dès très jeune, s’est dressée contre les injustices et contre les inégalités. Par ses combats, elle a contribué à façonner la société dans laquelle nous vivons. Une excellente lecture que je recommande sans réserve, pour découvrir ou redécouvrir la vie de cette femme d’exception.