La maison d’édition indépendante, la Boîte à bulles, édite en ce mois de février 2019, une nouvelle bande dessinée de Bruno Loth (aidé par Corentin Loth pour les couleurs) intitulée Guernica, dans la collection « Hors Champ ». Les Clionautes ont déjà présenté quelques ouvrages de cette maison (Oualou en Algérie ou Tempête sur Bangui) et Guernica prouve à nouveau les bons choix de la Boîte à bulles.

La BD commence par relater la vie de la petite ville basque de Guernica avant le bombardement. Des personnages fictifs sont présentés : un père et son fils se rendant à Guernica pour y vendre leurs bêtes, une jeune mère et son bébé de cinq mois, une mère âgée inquiète pour ses deux fils : l’un s’est engagé auprès des troupes républicaines tandis que l’autre est partisan de Franco… Bref des éléments de la vie quotidienne mis en valeur qui mettent en miroir l’horreur des bombardements. Cette approche de la ville martyre, au plus près des habitants, faisant écho à une histoire « au ras du sol », est mise en parallèle avec une autre histoire, celle de la toile de Picasso. En effet, la BD contextualise la création de l’œuvre magistrale de Picasso. La format rectangulaire de la BD fait écho au format exceptionnel de la toile Guernica (7,5 par 3,5 mètres).

C’est ainsi que l’on suit Picasso, en manque d’inspiration pour répondre à la commande pour l’exposition universelle de Paris de 1937. Entre quelques éléments de la vie privée de Picasso (sa vie de père de famille à Juan les Pins) et sa vie d’artiste amoureux de sa muse, la photographe Dora Maar à Paris, on apprend que c’est à l’occasion d’un visionnage d’un reportage d’actualités sur le bombardement de Guernica, qu’il trouve enfin l’inspiration pour réaliser une œuvre qui devra traduire l’effroi, l’horreur et être « une arme contre Franco et le fascisme ».

La BD s’achève sur la transcription d’un témoignage d’un des rares survivants, de la lettre du président de la RFA en 1997 et des réponses des survivants adressées au président allemand. Ces lettres sont emplies de pacifisme et de confiance en l’avenir, ce qui ne laisse pas le lecteur sur une impression trop « morbide ». En effet, on y apprend que Guernica est désormais une ville de la Paix et qu’un bureau permanent y est chargé de diffuser des techniques de réconciliation.

En refermant l’ouvrage, l’objectif est atteint : la lecture permet au lecteur de prendre non seulement la mesure du degré d’anéantissement provoqué par ce bombardement (premier bombardement alternant bombes « classique » et bombes incendiaires sur des civils sans défense) mais également de comprendre comment un tableau comme Guernica a été réalisé. On y apprend ainsi que Dora a pris des clichés de l’œuvre sur lesquels Picasso s’est appuyé au fur et à mesure de l’avancement de son œuvre pour corriger son travail préparatoire ou pour mieux choisir les couleurs de son tableau. On passe donc aisément de la destruction à la création, le tout, dans un style graphique qui unit ces deux parties, a-priori différentes.

On peut juste regretter que le préambule de la BD soit trop restreint pour permettre aux lecteurs de comprendre les enjeux de la guerre civile espagnole. Certes, le sujet n’est pas de comprendre le déclenchement et l’internationalisation de la guerre d’Espagne, cependant, quelques éléments de précision auraient été les bienvenus particulièrement pour des lecteurs non-historiens. Pour cette partie, on peut d’ailleurs se référer à un autre ouvrage du même auteur : Les Fantômes de Ermo, dont le sujet est la guerre d’Espagne.

Enfin, on peut ajouter que Guernica est à conseiller pour les CDI des lycées car elle aborde plusieurs sujets qui pourront être étudiés de manière pluridisciplinaire en cours d’espagnol, d’histoire et en arts plastiques. Pour vous donner envie de faire acheter cette bd par votre CDI, la maison d’édition, La boîte à bulles, permet de visionner les premières pages de la bande dessinée.