En 2021, le scénariste Tiburce Oger sort un album collectif Go West Young Man qui est un vrai succès (50.000 exemplaires vendus). Cet album racontait la Conquête de l’Ouest vue plutôt du côté des colons américains. Un an plus tard, il réunit 17 dessinateurs de renom mais cette fois-ci pour narrer l’histoire des Etats-Unis du point de vue des Amérindiens.

Tiburce Oger est né avril 1967. Très jeune il affirme qu’il fera de la bande dessinée son métier. Il publie ses premières œuvres dès l’âge de 16 ans dans le fanzine Pizza. Il obtient ensuite un baccalauréat d’arts plastiques avant d’intégrer l’école des Beaux-Arts d’Angoulême. En 1990, il participe au collectif Les Enfants du Nil, avant de lancer Gorn, sa première série en bande dessinée, deux ans plus tard. Depuis, il a signé une cinquantaine d’albums, que ce soit en tant que scénariste, dessinateur, ou auteur complet. Son goût prononcé pour les univers de fantasy le poussera notamment à travailler avec Vincent Perez – La Forêt – , avant d’adapter Les Chevaliers d’émeraude, saga de romans à succès signée Anne Robillard. Ces dernières années, Tiburce Oger a aussi souhaité se consacrer au western, son autre genre de prédilection. Il a ainsi réalisé en solo Buffalo Runner (2015), puis Ghost Kid (2020).

L’histoire

Hormis les planches de début et de fin qui se passent en 1922 dans une fête foraine exhibant un vieux chef indien, l’essentiel des histoires se passent entre 1540 et 1889. Les histoires sont reliées entre elles par la figure de l’aigle, animal sacré pour les Amérindiens symbolisant le courage et la vérité (ironiquement devenu depuis le symbole des Etats-Unis…) mais aussi souvent par des personnages communs (ou leurs descendants).

Tiburce Oger et ses 17 dessinateurs retracent l’histoire des Amérindiens à partir de l’arrivée des Européens sur le continent américain. D’abord en contact avec les conquistadores, ils se retrouvent vite coincés au XVIIe et XVIIIe siècle entre les colons anglais et français, subissant leurs violences.

Avec la naissance des Etats-Unis, viennent les premiers traités signés entre le gouvernement américain et les tribus indiennes. Mais, ces plus de 370 traités signés entre 1778 et 1871 sont souvent pas respectés par les Américains qui profitent généralement des divisions entre les nombreuses tribus indiennes pour récupérer les terres indiennes. Conformément à ce que déclare la Cour Suprême des Etats-Unis en 1823 (« Le droit de conquête s’acquiert et se maintient par la force », la conquête se fait aussi dans le sang faisant disparaître une partie des populations indiennes d’Amérique du Nord aussi bien physiquement (840 000 Indiens en Amérique du Nord à la fin du XVème contre 243 000 parqués dans les réserves du gouvernement américain au début du XXème siècle) que culturellement (comme le montre la dernière histoire autour des écoles d’acculturation des Indiens).

Mon avis

Tout d’abord, comme toute bande dessinée collective, on peut être plus ou moins touché par tel ou tel style de dessin mais l’ensemble forme malgré tout un très bel objet graphique illustré par 17 dessinateurs talentueux qui apportent chacun leur patte au récit.

Concernant les 17 histoires, leur longueur est parfois frustrante : certains récits auraient mérité d’être davantage développés pour une meilleure empathie envers les personnages et surtout pour une meilleure compréhension. En effet, si on n’est pas un peu familiarisé avec les peuples Amérindiens d’Amérique du Nord, on est vite perdu passant des Sioux aux Iroquois, des Apaches aux Shoshones… J’avoue qu’une carte et quelques notices explicatives auraient été les bienvenues pour une meilleure appréhension des différentes caractéristiques des peuples Natifs.

Hormis la forme de l’album qui donne parfois l’impression d’un survol de l’histoire des Indiens sans approfondissement possible, le scénario de Tiburce Oger reste passionnant. Il l’est d’autant plus que le scénariste se garde bien de toute forme de manichéisme retraçant au plus près toute la complexité de la situation mettant en contact des peuples et des civilisations qui ne se comprennent pas. En effet, les histoires mettent bien en avant la cruauté de certaines tribus indiennes au même titre que celle des colons. Elles insistent aussi sur la division des tribus indiennes (certaines collaborant volontairement avec les colons ou le gouvernement américain) et sur le rôle de certaines dans la pratique de l’esclavage aux Etats-Unis. Les personnages des colons sont aussi parfois plus nuancés : certains prenant le parti des Natifs contre leur peuple d’origine, touchés par leur culture et leur courage.