Etablir des ponts entre la recherche et le terrain à propos du cerveau, tel est le projet de Mélissa Bonnet, docteure en neurosciences qui intervient depuis des années dans des formations pour les enseignants.

Mieux connaître le cerveau

L’ouvrage est structuré en quatre parties dont une intitulée « Jouons un peu pour mieux comprendre » qui se veut explicitement ludique. Elle permet d’éprouver certaines caractéristiques du cerveau auparavant mises en évidence. Comme l’auteure le dit elle-même, ce livre  se propose de révéler « un peu des dessous cachés du cerveau ». On adhère pleinement à sa formule : « connaitre pour comprendre, comprendre pour partager ». L’ouvrage comprend des zooms sous forme d’encadré pour mettre en avant une information ou encore des rubriques «  Pour aller plus loin ». Chaque sous-partie se termine par un résumé sous forme de quelques idées à retenir. Le livre comprend un certain nombre de figures en couleurs. 

Voyage au centre du cerveau

La première partie est composée de cinq entrées. Mélissa Bonnet précise d’abord quelques termes qui se ressemblent, expliquant que chacun dépend de l’angle d’étude adopté autour du cerveau. Parmi les premiers points développés, il faut savoir que le cerveau se développe jusqu’à 25 ans ou encore que l’erreur est un passage nécessaire pour tout apprentissage. L’auteure parle ensuite de la dynamique d’évolution du cerveau au travers des espèces, ce qui est l’occasion de régler son compte à quelques neuromythes comme celui qui lie la taille du cerveau à l’intelligence. La troisième sous-partie est l’occasion de préciser un certain nombre de mots de vocabulaire comme les neurones, les cellules gliales ou de souligner l’importance de la myélinisation.

Ensuite, l’auteure explique les différentes parties de l’hémisphère cérébral. Parmi les points fondamentaux à retenir il y a le fait que toutes les régions cérébrales sont connectées les unes aux autres et partagent leurs contenus informatifs. Elle évoque enfin la façon dont le cerveau communique en s’appuyant sur la chimie. C’est l’occasion de rappeler que si le cerveau ne représente que 2 % du poids d’un corps, il consomme 20 % de son énergie. Mélissa Bonnet décrypte aussi au passage le neuromythe qui voudrait qu’on n’utilise que 10 % de notre cerveau. 

Comment le cerveau apprend

Une fois ces bases posées, on peut envisager la question des apprentissages. Son propos est structuré autour de quatre points clés. Tout d’abord, elle insiste sur la plasticité cérébrale ce qui permet de comprendre qu’être doué en maths n’a rien à voir avec un profil familial, ou encore que l’on peut apprendre à tout âge. A ce propos, elle cite une étude sur les chauffeurs de taxi londoniens qui a montré des modifications de l’hippocampe des chauffeurs les plus expérimentés. Sur la mémoire, elle distingue mémoire verbale, mémoire non verbale ou encore mémoire de travail. Parmi les indispensables à connaître il y a la courbe de l’oubli et des apprentissages reproduite dans le livre. Elle souligne également que «  vivre nos apprentissages au travers de nos différentes modalités sensorielles, motrices et de verbalisation est la clé vers une optimisation de leur stabilisation et de leur récupération ».

Mélissa Bonnet insiste ensuite sur l’importance du sommeil qui sert notamment à consolider les apprentissages. Elle rappelle également les perturbations entrainées par la lumière bleue des écrans, ce qui implique d’éviter tout visionnage au moins une heure avant de se coucher. Elle parle enfin de l’attention. Parmi les neuromythes battus en brêche à cette occasion, celui qui voudrait que l’on soit capable d’être attentif à plusieurs choses à la fois. Pourtant, « dans le cas d’une absence d’automatisation, le système attentionnel devra basculer régulièrement… d’une tâche à l’autre. » et cela n’a rien à voir avec une quelconque jeunesse ou génération. On apprécie ce décryptage précis et concis sur ces idées toutes faites. Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, l’auteure détaille en quelques pages les principes de l’IRM fonctionnelle et ses apports. 

Le cerveau, un organe à protéger

Fort à propos, Mélissa Bonnet développe ensuite cette caractéristique essentielle du cerveau qui fait que l’on est autre chose qu’une machine, à savoir la sensibilité. Il faut ainsi mesurer que les émotions participent aux processus mnésiques et décisionnels. Dans un deuxième temps, elle explique que le cerveau fonctionne selon deux modes différents : «  un mode dirigé vers l’extérieur et un mode dirigé vers l’intérieur ». Elle montre que lorsque l’un s’active, l’autre « se désactive ». Elle souligne l’importance des pauses et elle dit aussi qu’il faut savoir s’ennuyer car c’est « utiliser un temps autocentré pour compiler ses acquis et dessiner les contours de ses projets à venir ». La dernière sous-partie propose une réflexion sur le cerveau « à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle ». Un cerveau fonctionne toujours à moindre coût donc plus un cerveau utilise le GPS, moins il est capable de se déplacer sans !

Pourtant, il faut aussi se rendre compte que « ne pas avoir assez de données en interne oblige le cerveau à s’en remettre a des données extérieures et à les croire sur parole ». Elle souligne l’importance de l’écriture manuscrite car le cerveau se nourrit de ses expériences motrices et sensorielles. Mélissa Bonnet n’est nullement technophobe et pointe les apports de l’outil numérique autour de trois axes majeurs : la recherche d’informations, la productivité et la planification. Elle conclut en rappelant cette belle citation de Victor Hugo : «  Savoir étant sublime, apprendre sera doux ».

Jouons un peu pour mieux comprendre 

Cette partie est, selon l’auteure, un moyen de découvrir et faire découvrir certaines de nos capacités cérébrales au travers de jeux. Elle insiste pour dire qu’il s’agit bien de moyens d’approcher des idées et pas de jugements absolus ou d’outils de détection d’éventuels problèmes. Chaque jeu est présenté de la manière suivante : un descriptif, des consignes, un encadré, le matériel qu’il nécessite et enfin une interprétation de ce qu’il peut amener à mettre en évidence. Ce dispositif est très clair et permet effectivement de pouvoir faire prendre conscience de certaines particularités du fonctionnement du cerveau.

On peut aborder ainsi la question de la mémoire de travail, de la mémoire procédurale ou encore de l’attention à travers quelques vidéos connues mais qui font toujours leur effet pour celles et ceux qui les voient pour la première fois. On trouve également des jeux qui permettent de prendre conscience de l’importance de l’attention ou de l’inhibition, tous points abordés précédemment dans l’ouvrage. 

L’ouvrage de Mélissa Bonnet permet donc une approche très complète du cerveau. Il réussit effectivement à faire le lien entre ce que dit la recherche et ce qui peut être intéressant de savoir pour sa classe. L’enseignant dispose d’une synthèse efficace que l’on peut même considérer comme indispensable, quelle que soit sa matière. La dernière partie ludique peut permettre de se lancer, de façon accompagnée, pour faire découvrir aux élèves les formidables potentialités du cerveau. 

Jean-Pierre Costille