Avec Jérusalem, Jean-Pierre Pécau inaugure une nouvelle trilogie ambitieuse consacrée à la naissance et à l’évolution de l’une des cités les plus fascinantes de l’humanité.
Connu pour son goût de l’histoire avec Les 100 derniers jours d’Hitler et les séries La Couronne de France (tome 1, tome 2 et tome 3) et Les Maîtres de Guerre), souvent teinté d’ésotérisme et d’uchronie (L’Histoire secrète, Jour J, Indochine, etc.), Jean-Pierre Pécau s’attelle ici à une fresque monumentale : raconter les origines de Jérusalem, ville sacrée pour les trois grandes religions monothéistes. Pour l’accompagner dans cette entreprise, Alexandre Jubran met son trait classique et raffiné au service d’un récit historique dense, à mi-chemin entre documentaire et épopée biblique. Ce premier volume, publié chez Delcourt, s’attache à la période fondatrice, celle du règne du roi David et de son fils Salomon, puis de la division du royaume d’Israël.
Une fresque biblique entre histoire et légende
Le récit ne s’ouvre pas sur la création de la cité, mais sur son apogée politique : l’accession de David au trône de Jérusalem. Jean-Pierre Pécau retrace le parcours d’un roi ambitieux, stratège et parfois impitoyable, n’hésitant pas à sacrifier son général Urie pour épouser Bethsabée. C’est là le point de départ de la légende, mais aussi du déclin d’un homme.
La première partie de l’album déroule ainsi les grands épisodes du règne de David, puis de son successeur Salomon. Ce dernier consolide le royaume, fonde le célèbre Temple et tente de préserver l’unité d’un peuple déjà fracturé par les luttes internes mais assomme le peuple d’impôts afin de financer ses projets. Le scénariste mêle avec habileté faits historiques, récits bibliques et touches de mysticisme, construisant une trame qui, bien que rapide, parvient à restituer la grandeur et la complexité de cette période.
Un récit dense et parfois trop condensé
La volonté de Jean-Pierre Pécau de restituer un millénaire d’histoire en un seul volume se ressent dans le rythme (trop) rapide de la narration. Après la mort de Salomon et la division en deux royaumes, celui d’Israël avec le général Jéroboam et celui Juda avec Roboam, on croise très furtivement Achab, Joas, la reine Jézabel ainsi que les prophètes Zacharie et Isaïe. Si cette approche offre une vision d’ensemble claire et didactique, elle laisse peu de place à l’émotion ou à la compréhension fine des enjeux politiques et religieux.
Cette tension entre la dimension documentaire et la narration d’aventure constitue sans doute la principale limite de l’album. Le lecteur oscille entre l’envie d’apprendre et celle de s’attacher à des personnages qui, trop souvent, disparaissent avant d’avoir été vraiment incarnés. Néanmoins, cette densité témoigne du sérieux du travail historique entrepris, et confère à l’ensemble une portée presque encyclopédique.
Un dessin au service de l’histoire
Le trait d’Alexandre Jubran, déjà dessinateur de Jason et la Toison d’or ou Dédale et Icare, s’accorde parfaitement à cette fresque antique. Son dessin, à la fois précis et élégant, restitue la majesté des palais, la ferveur des batailles et la ferveur spirituelle des lieux saints. Les personnages sont aisément reconnaissables, les décors sont très élégants, et certaines vues panoramiques de Jérusalem comptent parmi les plus belles réussites visuelles de l’album.
La couverture signée Ugo Pinson, dans la lignée de ses collaborations précédentes avec Delcourt (La Couronne de France), parachève cette impression d’œuvre soignée, rigoureuse et ambitieuse.
Ce premier tome de Jérusalem pose les bases d’une trilogie prometteuse. Jean-Pierre Pécau et Alexandre Jubran livrent une œuvre érudite, accessible et visuellement soignée, qui réussit à condenser l’histoire plurimillénaire d’une cité mythique en 120 planches. Si le rythme rapide et le foisonnement de personnages nuisent parfois à la profondeur du récit, l’ensemble reste une réussite, offrant une belle porte d’entrée vers l’histoire biblique et antique de Jérusalem.



