L’infographie est un genre porteur puisqu’après l’empire napoléonien, la Rome antique ou encore la Révolution française, les éditions Passés composés proposent un nouveau volume consacré cette fois au nazisme. Cette approche doit notamment capter l’attention, faciliter la lecture et la compréhension des données.
L’ouvrage est composé de quatre parties d’inégale longueur. Nicolas Guillerat spécialiste en data design a déjà réalisé les infographies de plusieurs ouvrages. Marie Mounier Bitan est spécialiste de l’histoire de la Shoah et a notamment écrit « Les champs de la Shoah : l’extermination des Juifs en Union soviétique occupée 1941-1944 ».
Naissance du nazisme
L’ouvrage commence par un bilan de la Seconde Guerre mondiale. Il montre l’importance des révoltes et répressions qui existent alors en Allemagne. La violence politique s’installe dans une Allemagne défaite et amputée de nombreux territoires. L’agitation et la brutalité politique dans l’espace public deviennent une composante de la vie quotidienne sous Weimar. Une double page s’arrête sur les réseaux bavarois d’Hitler et détaille l’épisode de la tentative de putsch de 1923. On peut noter le travail réalisé sur la rédaction de « Mein Kampf » qui ne devait initialement pas porté ce titre. Les auteurs proposent une analyse de la conception hitlérienne du monde à partir du contenu de l’ouvrage. L’arrivée au pouvoir d’Hitler fait grimper les demandes de traduction et on aboutit à un million de ventes en 1933. Les auteurs proposent aussi une carte mentale du nazisme avec énormément d’informations. Le NSDAP se fraie un chemin d’accès au pouvoir dans les lézardes provoquées par la faiblesse des uns et la démission des autres.
Le nazisme au pouvoir
Le nazisme utilise les outils de la démocratie contre elle-même. L’incendie du Reichstag est une aubaine politique exploitée par Hitler. L’entourage d’Hitler s’apparente à la cour d’un monarque où chacun s’affronte pour s’attirer les bonnes grâces du chancelier. L’autosuffisance industrielle est confrontée aux limites techniques et économiques d’un pays dépourvu de ressources naturelles stratégiques comme le pétrole. Une double page détaille le système mis en place par IG Farben. L’entreprise développe aussi à partir de 1940 des produits synthétiques pour répondre aux besoins d’indépendance de l’Allemagne nazie en termes de matières premières. On peut mentionner aussi particulièrement une infographie sur les lois autoritaires qui montrent l’emprise sur les citoyens au moyen de l’instrument législatif. « Le parcours d’un Allemand dans une société cloisonnée » permet de mesurer le poids du nazisme à travers les multiples organes qui encadrent les personnes. Les grands projets sont mis au service de la propagande. Quant au cinéma, la masse des films réalisés par le III ème Reich propose avant tout du divertissement. On trouve également une infographie qui détaille les personnes ciblées par le régime. Enfin, on ne peut qu’être frappé par la liste des mesures antisémites de l’Allemagne nazie.
Le nazisme en guerre
Une carte retrace tout d’abord la période de l’Anschluss et des annexions d’avant-guerre. Le Pacte germano-soviétique est présenté en détails. A propos des relations avec l’Italie, les auteurs notent que, loin du modèle politique novateur qu’il imaginait, Hitler découvre un Mussolini flanqué d’une aristocratie italienne toujours attachée au roi. L’axe Rome-Berlin-Tokyo est davantage une vitrine diplomatique qu’une véritable alliance militaire. La population allemande comprend au cours de l’année 1942 qu’elle dépend des ressources des territoires occupés. Pendant la guerre, les alliances de l’Allemagne nazie montrent une tension permanente entre les visées idéologiques et les impératifs stratégiques. Une double page renseigne sur la chaine de commandement autour d’Hitler. Persuadé de sa supériorité stratégique, il accentue sa main mise après la défaite de Stalingrad. Les généraux qui protestent sont écartés ou éliminés. D’autres entrées graphiques sont consacrées au génocide des Roms, des Juifs et au sort des prisonniers soviétiques. Une entrée détaille l’organisation d’une fusillade dans le cadre des Einszatgruppen avec les moments de la journée et un plan. On peut enfin mentionner l’approche qui est faite sur Sobibor, un des trois centres de mise à mort de l’Aktion Reinhardt où 250 000 juifs ont été assassinés.
La fin du III ème Reich
Cette dernière partie détaille l’agonie du régime et évoque aussi la question de la dénazification à la fin de la guerre. Huit millions de personnes déplacées se trouvent alors en Allemagne, qu’il s’agisse de travailleurs forcés de l’Est ou encore de survivants juifs ou d’ouvriers étrangers. On trouve ensuite une chronologie des procès contre des responsables nazis avec une temporalité qui s’étale jusqu’en 2023. Les procès de Nuremberg représentent une première mondiale et les vingt-trois accusés plaident tous non coupables. On mesure aussi grâce aux infographies proposées que concernant la dénazification, il y eut deux Allemagne et deux justices différentes. En changeant d’échelle, on visualise ensuite où se sont enfuis certains responsables nazis. Juan Péron, président argentin à partir de 1946, accueillit plusieurs centaines de nazis notoires. L’Allemagne a pourtant construit après la guerre une mémoire collective fondée sur la reconnaissance des crimes nazis. L’histoire du nazisme ne se réduit donc pas à celle d’Hitler et elle questionne l’ensemble d’une population sur son degré d’adhésion, de contrôle et de consentement.
On doit reconnaitre que le volume d’informations apporté dans cet ouvrage est conséquent. Revers de la médaille, certaines infographies proposées sont parfois tellement fournies que la lecture demande beaucoup de temps. On peut déplorer aussi le fait que le format de l’ouvrage se soit réduit en taille par rapport aux autres ouvrages du même éditeur. Il s’agit cependant d’un ouvrage important de synthèse avec certaines double pages qui pourront s’avérer particulièrement utiles surtout pour faire comprendre aux élèves plusieurs points clés du nazisme comme l’obsession antisémite ou encore le quotidien des Allemands durant la période.


