La formation des enseignants n’apparait pas, en France, une priorité majeure pour l’Education Nationale qui a toujours fonctionné selon le principe d’une formation postérieure au recrutement. Pourtant, nombre d’institutions dévolues à cette tâche ont été créées et c’est leur histoire que Antoine Prost (professeur émérite à l’université Paris 1) et une douzaine de collègues, enseignants-chercheurs, formateurs ou inspecteurs, s’attellent à retracer avec cet ouvrage.
Si les choses apparaissaient assez simples dans les deux premières décennies de la période d’étude avec des effectifs d’enseignants suffisants pour couvrir les besoins et une intégration très progressive dans le métier (longues périodes d’observations suivies de prises en charge partielles puis de prises en charge complètes), la formation se voit rapidement décriée sur son style, assez austère et rigide, mais également sur sa finalité même puisque, pour le primaire, de plus en plus de candidats s’en servent comme tremplin pour viser le secondaire (alors que les besoins restent réels).
C’est mai 68 qui posera de manière effective ce problème des enseignants massivement recrutés sans avoir été formés. Parce que la société et les savoirs savants évoluent, par ce qu’avec l’allongement de la durée des études, les instituteurs apparaissent un peu « courts » sur leurs connaissances et parce que le besoin de transmettre des contenus devant être compris par la masse se fait sentir, la formation, notamment continue, apparaît une nécessité qu’il n’est plus possible de nier.
Aux formules et aux tentatives nombreuses et variées proposées dans les années 70-80, répondra une structure unique: l’IUFM, abondamment traité dans l’ouvrage. Lancés sans vision nationale et pourtant dessinés sur le même moule ne tenant pas compte des spécificités locales et régionales, les IUFM se verront traités assez durement par les regards extérieurs les assimilant à des usines à gaz productrices de bonnes recettes prodiguées par les sciences de l’éducation (alors que les didactiques des disciplines semblent pourtant plus développées que ces dernières) et ne se relèveront pas de leur intégration aux universités.
L’ouvrage explique bien la force des corporatismes (entre les représentants du primaire et ceux du secondaire, méfiants envers les approches trop pédagogistes), les incroyables carences de la formation continue (malgré des formules souples et efficaces comme les MAFPEN, le bilan n’est pas bon, le nombre d’heures alloué n’ayant que continuellement chuté), la très (trop ?) grande hétérogénéité des points de vue chez les formateurs (entre agrégés, maîtres formateurs et universitaires…). Comme l’évoque Francine Dugast, « un statut de formateur IUFM aurait été souhaitable » (p 223).
Sur la forme, le lecteur appréciera la présence de statistiques en plusieurs endroits (malgré la difficulté à s’en procurer eu égard au désintérêt du Ministère sur ces éléments quantitatifs) mais également la présence de témoignages vécus issus de rapports officiels (dans les premiers chapitres). Le livre propose, en complément de ce regard général sur la profession, des études spécifiques sur le handicap, l’apprentissage, l’enseignement catholique…
Les regards se portent désormais sur « l’ère » des ESPE dont les étudiants s’accordent sur le caractère épuisant du trio cours/stage/mémoire et l’adéquation toujours imparfaite entre les discours prononcés et les attentes de la vie de classe. Le métier ayant atteint une telle désaffection aujourd’hui, la tendance ne peut-elle que s’inverser ? On peut se poser la question en regardant l’exemple de l’académie de Créteil ayant ouvert les vannes avec 500 postes supplémentaires. Et si l’on baissait le nombre d’élèves par classe, on pourrait encore ouvrir des postes…et donc en créer également du côté des formateurs et ainsi mettre à profit des personnels aux profils et aux compétences complémentaires.
Dans l’attente, rassurons-nous avec nos armes du quotidien, celles que rappelle Antoine Prost dans sa conclusion générale: ce sont notre personnalité, notre charisme, notre humour qui nous permettent de faire cours et de motiver nos élèves, que l’institution nous y ait aidé à les utiliser ou non.