Puissance devenue moyenne dans un contexte géopolitique et économique de plus en plus instable et de plus en plus multipolaire, la France mérite-t-elle encore que l’on s’interroge sur sa place et son rôle dans le monde ?
Pour les experts réunis ici dans cet ouvrage collectif dirigé par Fréderic Charillon à la suite d’autres opus sur les Etats-Unis, la Chine ou la Russie dans le monde, la question fait toujours sens aujourd’hui.
Elle fait toujours sens au regard de son histoire d’ancienne grande puissance qui conserve de nos jours une capacité d’influence et un rayonnement, certes limitée, face aux géants économiques et démographiques, mais bien réelle[1].
Et même si ce passé glorieux est révolu, la France, depuis de Gaulle, n’entend pas renoncer à un rôle international et à exercer des responsabilités mondiales. La France reste une puissance interventionniste depuis 1945, notamment en Afrique où on lui reconnait une expertise. Mais les moyens du Quai d’Orsay ont été divisés par deux depuis les années 1980 malgré le troisième réseau mondial de représentation. De plus, les présidences Sarkozy et Hollande ont tenté d’imposer un nouveau paradigme qualifié par leur successeur Emmanuel Macron de « néoconservatisme » importé d’Outre-Atlantique.
Ainsi, dans un monde à la fois instable et confus, la voix de la France doit retrouver de la cohérence tant dans sa ligne de conduite que ses moyens : Soft, smart ou sharp power ?
Pour amorcer la réflexion, l’ouvrage se découpe en trois parties dans lesquelles diverses contributions de spécialistes tentent d’expliquer les facteurs internes qui commandent la politique étrangère française, puis les défis auxquels elle doit faire face et enfin sa stratégie et les instruments dont elle dispose pour la mettre en œuvre.
Le poids de l’histoire entre puissance et divisions
Le premier déterminant de la politique étrangère de la France reste son histoire. Une histoire qui lui a légué un héritage de la puissance et de la force de l’exécutif. En effet, il existe en France, depuis le XVIIème siècle, une tradition interventionniste destinée à développer la puissance du roi, la grandeur de l’Etat et l’agrandissement du territoire[2]. Une histoire qui lui a également légué un espace maritime considérable[3], source importante d’opportunités économiques et stratégiques mais aussi de coûts de surveillance. Enfin, cette histoire lui a octroyé une capacité d’attraction, sans rapport de nos jours avec son poids économique ou démographique, au travers de la langue française, la seule langue avec l’anglais parlée sur tous les continents[4] et de sa capitale, Paris, haut-lieu depuis le Moyen âge de circulation d’idées et de personnes[5].
Mais ce passé de puissance et de rayonnement cohabite aujourd’hui et depuis la fin de la guerre froide avec un pessimisme croissant de l’opinion fondé sur une remise en cause de ces certitudes forgées par le passé, un Etat fort et une mission politique et civilisationnelle.
La mondialisation à l’extérieur et les divisions sociopolitiques à l’intérieur, si elles ne sont pas nouvelles, constituent des contraintes qui impriment les contours de la politique extérieure française.
Une cohésion sociétale en question face à une individualisation croissante des valeurs
L’époque marquée par la « saturation informationnelle[6] » impose de prendre en compte, pour la politique extérieure, l’opinion publique. Mais évaluer cette opinion publique reste très difficile et incertain et il est alors nécessaire de se tourner vers des données de fonds, démographiques et sociologiques.
Depuis les années 1950, la France est marquée par une tendance de fond en apparence contradictoire : une autonomisation des choix fondée sur une individualisation des valeurs et une volonté forte de régulation publique[7].
Des systèmes d’enquête sont alors mis en place afin de tenter d’évaluer les systèmes de valeurs qui animent les Français[8]. En 2009, les valeurs « famille », « travail », « amis », « loisirs » ressortent en premier et sont marquées par une double volonté de liberté dans les choix personnelles mais aussi de reconnaissance par l’Etat de cette liberté. Globalement, si on observe une certaine libéralisation des mœurs des Français depuis les années 1980, la demande d’ordre et d’autorité reste une caractéristique sociologique importante des Français. Elle apparaît même en hausse ces dernières années avec les évolutions conjointes des contextes intérieurs et extérieurs.
Le vieillissement de la société française constitue aussi une donnée sociologique majeure au moment de s’exprimer sur les choix collectifs d’autant que la participation et l’intérêt des jeunes générations aux questions politiques et sociales restent incertains et fluctuants.
Les années 2000, des émeutes urbaines de 2005 aux attentats de 2015 et aux Gilets jaunes de 2018 en passant par les débats médiatico-politiques autour de l’identité, de la sécurité et de l’immigration de 2007, ont dessiné une société française en pleine crise de cohésion. Réalité ou représentation des Français ? Les nombreux débats ouverts vont plutôt dans ce sens en témoigne le projet de rétablir un service national obligatoire supprimé en 1995 et revenant régulièrement depuis les émeutes de 2005. La sensibilité croissante des Français à la collapsologie selon un sondage IFOP de 2019[9] en dit long également sur l’état d’esprit d’une partie de Français craignant une « guerre civile » ou les « vagues d’immigration ».
Quoiqu’il en soit il existe des liens entre ces données sociologiques et ces représentations et la politique étrangère. L’injonction faite à l’Etat de réparer le corps social, malgré la méfiance croissante dans le personnel politique, se retrouve dans ce besoin de puissance démontré à l’extérieur au travers d’OPEX médiatisées comme au Sahel ou sur le sol français par l’opération Sentinelle[10].
Une puissance économique en question face à la mondialisation
L’économie constitue de nos jours un des puissants leviers de la politique extérieure d’un Etat lui permettant de garantir sa souveraineté (financière et technologique) et de défendre ses intérêts dans la mondialisation.
Si la France apparaît toujours dans les six ou sept premières puissances du monde, son déclin, relatif, s’avère inéluctable et elle sortira, inexorablement d’ici 2050 des dix premières puissances.
Après l’ « âge d’or des Trente Glorieuses », la France qui présidait le G6 à Rambouillet en 1975 a connu une crise conjoncturelle mais surtout structurelle importante révélant ses failles économiques : une industrie de moyenne gamme de plus en plus concurrencée par les pays émergents et en décrochage avec celle de l’Allemagne, une dépendance énergétique importante au pétrole. Dans un contexte de construction d’une politique monétaire européenne, les marges de manœuvres économiques se sont réduites afin de préserver la valeur du Franc et les politiques de relances keynésiennes ont dû vite céder la place aux politiques de rigueur à partir des années 1986. Avec la monnaie unique, ce sont les politiques fiscales, propres à chaque Etat européen, qui sont devenues les principaux leviers économiques pour agir sur l’économie.
Si aujourd’hui la France reste une grande puissance européenne qui réalise plus de la moitié de ses échanges avec la communauté, sa part ne cesse de reculer à cause de sa désindustrialisation en cours, de la tertiarisation de son économie ne permettant pas de grands gains de productivité et de la hausse de ses coûts salariaux. Son déficit commercial ne cesse de se creuser dû à une spécialisation dans l’industrie moyenne gamme et un manque d’orientation sur les secteurs en pointe ainsi qu‘une forte concertation des exportations entre quelques grands groupes[11].
Néanmoins, la France a esquissé une autre stratégie en cherchant à s’implanter directement à l’étranger ce qui fait mécaniquement baisser les exportations mais augmenter les revenus. Ainsi, la France possède le 7ème stock d’IDE et est le 1er pays européen en termes de filiales à l’étranger[12].
Trois orientations ont guidé les autorités françaises ces dernières années pour défendre l’économie française dans la mondialisation : redresser la compétitivité coût en baissant le coût du travail, accompagner les entreprises à l’internationalisation par une véritable diplomatie économique initiée par Laurent Fabius et améliorer l’attractivité de la France en entretenant ses atouts (comme ses infrastructures, faible coût de l’électricité) afin d’attirer les investisseurs.
Mais selon l’auteur, la France doit opérer trois choix fondamentaux pour rester dans le train de la mondialisation. Le premier est le plus crucial, à savoir préserver son modèle social protecteur au coût élevé et aux promesses d’égalité imparfaitement tenues[13] d’autant que le vieillissement de la population ne sera pas sans générer de nouvelles tensions…
Les autres défis concernent la transition carbone, la transition numérique et l’intelligence artificielle. Pour relever ces défis, la France devra s’appuyer sur la puissance de l’Union Européenne face aux stratégies agressives des géants américains et chinois concernant la conquête de marchés, les approvisionnements et surtout les technologies.
Les défis à venir de la politique étrangère française
Plusieurs défis se posent à la politique extérieure de la France. En premier lieu en Europe au sujet de la politique de sécurité commune sur laquelle le couple franco-allemand affiche d’importantes divergences[14].
Le deuxième défi est celui de la relation à l’Afrique (francophone), une relation ancienne, étroite et ambigüe. Dans une approche gaullienne d’après guerre visant à restaurer la puissance française dans le monde, la France s’est appuyé sur ses anciennes colonies pour développer son influence culturelle et diplomatique et assurer ses approvisionnements en pétrole et uranium. Cette relation souvent qualifiée de « néocolonialisme » a été entachée de scandales politiquo-économique (« Affaire Elf ») ou militaire (Rwanda).
Même si les présidents Mitterrand, Chirac ou Sarkozy ont exprimé la volonté de changer les relations entre la France et l’Afrique, il n’y a pas eu de véritables rupture. La diplomatie parallèle des hommes d’affaires s’est poursuivie, Chirac a continué d’entretenir des relations étroites avec les dirigeants autoritaires au Maroc, Tunisie, Egypte tout comme son successeur dans le cadre d’un projet d’Union pour la Méditerranée en 2008 qui a soigné des relations avec les dictateurs libyen, syrien, tunisien et marocain. Les « Printemps arabes » de 2011 ont alors pris de court les dirigeants français peu portés dans leur relation avec les Etats africains sur la question des droits humains.
2012 et l’élection de François Hollande semblent marquer une nouvelle ère dans les relations franco-africaine. En effet, la France doit faire face en Afrique à une sévère concurrence de la Chine et voit sa part diminuer dans le commerce du continent. Il est décidé de redorer l’image de la France en mettant l’accent sur le développement, la modernisation et la transparence. Les acteurs traditionnels des anciens réseaux ont été écartés, les dirigeants africains davantage consultés[15]. L’intervention au Mali en 2012 a montré que l’Afrique restait la priorité de la France tant pour des questions de sécurité qu’économiques, mais il y a eu volonté d’européaniser cet engagement français.
2017 et l’élection de Emmanuel Macron confirment cette orientation. S’il n’y a plus de « Françafrique » ou de politique africaine, il persiste une priorité africaine. Il est décidé de davantage investir dans les sociétés africaines en encourageant les entreprises françaises à s’y installer et en créant un fond d’investissement. Fin du Franc CFA et restitution des œuvres d’art importées depuis l’ère coloniale constituaient deux autres engagements symboliques mais forts.
Ces évolutions sont soutenues par l’Union Européenne qui souhaite normaliser les relations avec l’Afrique en passant d’une relation « donateur-bénéficiaire » à un relation « entre égaux[16] ».
Le deuxième défi est celui du positionnement en Asie. En effet, il ne peut y avoir de puissance mondiale sans influence en Asie. La France, depuis Dien Bien Phu n’a eu de cesse de retrouver pieds en Asie pour retrouver une stature mondiale et s’émanciper du jeu américano-soviétique durant la guerre froide. La France s’est longtemps focalisée sur la puissance chinoise depuis de Gaulle et en a oublié celle du Japon et des NPI qui explosent alors dans les années 1980-1990. L’Affaire des frégates de Taïwan refroidit les relations.
La fascination du président Chirac pour les anciennes civilisations asiatiques pousse à nouer des partenariats stratégiques avec le Japon, la Chine puis l’Inde tout en éludant la question des droits humains. Des coopérations économiques et des ventes de matériels militaires sont mises en place en Asie du Sud-Est (Malaisie, Singapour).
Mais le successeur Sarkozy n’est guère sensible au tropisme asiatique et reste plutôt atlantiste et occidental[17]. En tentant de mener une politique audacieuse de défense des droits de l’homme, il se heurte à la Chine en 2008 à propos des JO et de sa rencontre avec le dalaï-lama[18]. Mais les sanctions chinoises poussent la France à faire marche arrière et à ne plus aborder la question du Tibet ou des dissidents. S’ensuit alors une période de fructueuses coopérations avec la Chine (la France devient la 1ère destination des investissements chinois en Europe) qui confinent même à l’affairisme au risque de négliger les questions de sécurité (laboratoire P4 à Wuhan) et de propriété intellectuelle (armement, nucléaire)[19].
Le successeur François Hollande tente de surfer sur ce dynamisme tout en élargissant les relations avec le Sud-Est asiatique : des partenariats stratégiques sont signés avec l’Indonésie, Singapour, le Viêtnam et des rencontres organisées avec le Japon au sujet de la Défense. Laurent Fabius au Quai d’Orsay est alors fasciné par la diplomatie économique chinoise, se rend huit fois en Chine et demande d’éviter toute critique à son égard. Les militaires français sont cependant davantage sensibles aux ambitions territoriales de la Chine qui inquiètent dans le Pacifique Sud ou l’Afrique de l’Est.
La France profite du mandat Trump qui se focalise sur la Chine et délaisse ses autres alliés asiatiques pour construire avec eux une stratégie de sécurité indo-pacifique[20] se concrétisant par des contrats d’armements conséquent avec l’Inde ou l’Australie.
Néanmoins cette stratégie indopacifique se heurte à la question des moyens de cette projection notamment celle d’un deuxième porte-avions[21] et des priorités en termes de sécurité avec l’instabilité du Sahel et du Moyen-Orient.
Le troisième défi auquel doit faire face depuis les années 2000 la politique étrangère française selon les experts convoqués ici est l’intégration, dans la diplomatie, du fait religieux[22]. En effet, l’aspect religieux a de plus en plus structuré l’agenda international depuis la révolution iranienne et les conflits à dominante religieuse se sont multipliés depuis lors. Les évènements du 11 septembre puis l’essor du terrorisme islamique posent la question du retour du religieux dans la diplomatie.
La religion est véritablement prise en compte par la diplomatie française comme facteur explicatif du monde en 2009 avec la création d’un « pôle Religions[23] » par Bernard Kouchner alors Ministre des Affaires étrangères. S’il est supprimé en 2013 par Laurent Fabius, le religieux reste pris en compte dans la prospective diplomatique. Une première enquête est alors diligentée auprès des postes diplomatiques sur le mouvement évangélique dans le monde dont le rôle a pu être important dans les élections des présidents W. Bush ou Trump[24]. L’influence religieuse dans les politiques étrangères ou intérieures de puissants Etats comme les Etats-Unis ou la Russie avec la religion orthodoxe interroge la question de la gouvernance et de la démocratie[25].
La France, pays neutre et laïque, n’échappe pas non plus à une certaine tension entre la logique universelle de défense des droits et des libertés (notamment religieuse) et son passée de puissance chrétienne lorsqu’elle s’attache tout particulièrement à défendre et protéger les minorités chrétiennes du Proche et Moyen-Orient comme en 2007 lorsque le Ministre Kouchner proposa d’accueillir les chrétiens victimes d’attentats en Irak[26].
Enfin, les Printemps arabes de 2011 ont remis sur le devant de la scène le fait religieux comme moteur d’évènements politiques internationaux et ont redonné du pouvoir à des partis se réclamant de l’islam. Ces évènements ont imposé la nécessité pour des pays comme la France ayant des liens et des intérêts dans la région à s’intéresser au fait religieux et en particulier à l’islam politique devenu un des sujets les plus importants des notes diplomatiques des différents ministères[27]…
Mais ce qui a véritablement changé avec ce contexte du terrorisme islamiste international est l’imbrication entre la diplomatie française et la situation intérieure du pays sur les questions religieuses et notamment la place de l’islam : La France devenait à la fois un acteur militaire, un militant d’une certaine vision du monde, celle de la laïcité et une cible et victime du terrorisme islamiste.
La diplomatie française, entre volonté d’universalisme et nécessaire évolution
Si les élites politiques et administratives de la France ont acté le recul de la France dans les hiérarchie des puissances, elles n’ont pas pur autant renoncé à l’ambition d’une diplomatie universaliste[28].
Cette ambition transparaît au travers des choix politiques et institutionnels que fait la France.
En effet, la France conserve l’ambition de se positionner sur tous les problèmes du monde[29], choix légitimé par son statut de puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Des priorités géographiques persistent néanmoins telles l’Europe ou l’Afrique.
Ensuite, la diplomatie française déploie toute la gamme des pratiques : diplomatie du secret, diplomatie publique, diplomatie militaire ou du soft power[30]. Il en résulte une forte interministérialité que le Quai d’Orsay s’efforce de superviser.
Enfin, le réseau diplomatique français affiche une présence mondiale se positionnant à la 3ème place après les Etats-Unis et la Chine en 2019[31] : ambassades, consultas mais aussi instituts de recherches, écoles et lycées, bureaux de l’Agence française de développement[32].
Cependant, malgré ses hautes ambitions, la France peine souvent à y mettre les moyens : ainsi entre 2007 et 2020, l’outil diplomatique a perdu 20% de ses ressources et de ses effectifs soit 3 000 agents[33] dans la logique libérale du nouveau management public de l’administration française, « Action publique 2022 ». Cette réduction s’explique par les règles budgétaires imposées par l’Union Européenne mais également une importance relative de la diplomatie dans les imaginaires des parlementaires et de l’opinion[34].
Découle de cette situation, une forte contradiction entre l’ambition affichée et les moyens de la diplomatie française que dénoncent régulièrement les diplomates.
La priorité diplomatique est celle du multilatéralisme mis à mal sous la présidence Trump. Elle se traduit par une approche instrumentale de l’Union européenne conçue comme un moyen de perpétuer face aux Etats-Unis et à la Chine, la puissance française[35].
La seconde priorité qui s’est considérablement développée depuis quelques années est la diplomatie publique ou d’influence s’adressant à des acteurs économiques et sociaux afin de promouvoir l’attractivité de la France et qui échappe en partie au Quai d’Orsay (Agence française pour le Développement, Ministère des Affaires Culturelles). Elle concerne l’aide au développement, l’attraction des étudiants étrangers, la prise en charge des Français de l’étranger et surtout la francophonie.
Maintenir son rang : la présence militaire française dans le monde
L’ambition de Paris de maintenir son « rang » implique et ce depuis les débuts de la Vème république, un recours privilégié à la force armée.
La puissance militaire française sert d’abord à protéger ses territoires d’outre-mer (« forces de souveraineté ») dans les Caraïbes (Kourou), le Pacifique et l’océan Indien. Elle sert à y défendre des intérêts économiques importants avec la sécurisation des routes maritimes et ZEE. En outre, la France possède aussi des bases dans des pays tiers (dites « forces de présence »), héritage colonial, comme à Djibouti, au Gabon, Sénégal, Côte d’ivoire ou Emirats arabes unis dans le cadre d’accords de défense. Ils sont hautement stratégiques car permettent la projection des forces françaises.
Cette puissance militaire de la France a effectué une cinquantaine d’opérations depuis les années 1960[36] avec un territoire privilégié, l’Afrique subsaharienne où se mêlent défense d’acteurs politiques « amis », intérêts économiques, protection des ressortissants, priorité stratégique come la lutte contre le terrorisme[37]. L’engagement dans les Balkans puis la guerre du Golfe
Les engagements de l’armée française du XXIème siècle sont marqués, notamment en Afghanistan par un durcissement de l’engagement[38] occasionnant de lourdes pertes, confirmés ensuite par les interventions en Libye et au Sahel.
La fin de la guerre froide est également marquée par la multiplication des OPEX dans lesquelles la France est engagée, notamment dans le cadre de missions onusiennes de maintien de la paix comme celle du Liban en cours depuis 1978[39] ! Cette accumulation s’explique par la volonté des décideurs français de démontrer sa puissance dans l’optique du maintien du « rang ».
En parallèle, la France mène une diplomatie de défense en temps de paix en participant à des organisations multilatérales de sécurité et en multipliant ses alliés[40], marquée par son retour dans l’OTAN en 2007. La France a également tenté de relancer, sans grands succès, une politique européenne de sécurité tout en renforçant des relations bilatérales de défense avec l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La France participe à des exercices militaires multinationaux et propose divers soutiens à des partenaires étrangers comme le conseil, l’expertise technique, la formation, l’équipement.
Enfin, la présence militaire française dans le monde se perçoit au travers de la vente d’armes mobilisant industriels, militaires et politiques dans la conclusion de contrats. L’Inde, l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Egypte, les Etats-Unis, le Brésil, Singapour… figurent parmi ses principaux clients.
Cependant ces ventes posent en retour des problèmes diplomatiques et politiques lorsque ces armes sont utilisées dans des conflits condamnés par l’opinion ou la communauté internationale et limite de fait, la liberté d’action de la France[41].
Conclusion : une France dans le monde entre nostalgie et nécessaire adaptation
Ce qui relie les contributions de ces différents auteurs sur la politique étrangère de la France c’est avant tout ce va-et-vient continuel entre la référence omniprésente au passé glorieux de puissance et la conscience obsédante du déclin qui anime l’opinion publique autant que les décideurs.
De cette dichotomie naît une politique étrangère ambitieuse souvent déconnectée des moyens mis à disposition de la diplomatie et des armées et parfois en contradiction avec les principes des droits de l’Homme. Cependant, elle permet souvent, et ce n’est pas sans ironie, de constituer un terrain d’entente entre l’opinion et les décideurs, rarement atteint sur les sujets internes au pays.
Les ouvrages collectifs ont souvent le défaut de manquer de lien entre les contributions et de perdre la logique de la démonstration ce qui n’est pas le cas ici. On regrettera cependant la brièveté des contributions qui ne permet pas de trop entrer dans les détails. On soulignera l’intérêt de la contribution sur les facteurs économiques et surtout celle, originale, sur les facteurs sociologiques qui sous-tendent la politique étrangère de la France. L’enseignant de collège comme de lycée pourra y glaner quelques données actualisées ainsi qu’une remise en perspective de la question en parcourant notamment l’introduction de F. Charillon.
[1] Charillon Frédéric (dir.), La France dans le monde, CNRS Editions, février 2021, p. 10-11.
[2] Ibid., p. 33-34.
[3] La France possède le 2ème espace maritime du monde avec près de 11 millions de km², derrière les Etats-Unis.
[4] Charillon, F., op., Cit., p.35.
[5] A l’image d’une Sorbonne, de Notre-Dame et de l’île de la Cité.
[6] Ibid., p. 45.
[7] Ibid., p. 46
[8] Ibid., p. 46. Le programme ARVAL (Association pour la recherché sur les systèmes de valeurs crée en 1981.
[9] Ibid., p. 54.
[10] Ibid., p. 55.
[11] Ibid., p. 69.
[12] Ibid., p. 70.
[13] Ibid., p. 72.
[14] Ibid., p. 82.
[15] Ibid., p. 118-119.
[16] Ibid., p. 121.
[17] Ibid., p. 133.
[18] Ibid., p. 133.
[19] Ibid., p. 134.
[20] Ibid., p. 137-138.
[21] Ibid., p. 140-141.
[22] Ibid., p. 149-150.
[23] Ibid., p. 151-152.
[24] Ibid., p. 153.
[25] Ibid., p. 153.
[26] Ibid., p. 155.
[27] Ibid., p. 156-157.
[28] Ibid., p. 163.
[29] Ibid., p. 164.
[30] Ibid., p. 165.
[31] Ibid., p. 166.
[32] La France a fait le choix de maintenir une présence physique même dans de petits pays comme la Moldavie par exemple, ibid., p. 166.
[33] Ibid., p. 167.
[34] Ibid., p. 168.
[35] Ibid., p. 172-173.
[36] Ibid., p. 184-185.
[37] Ibid., p. 185.
[38] Ibid., p. 186.
[39] Ibid., p. 187.
[40] Ibid., p. 188.
[41] Ibid., p. 191.