Dans le contexte d’une rentrée où certains éprouvent, à juste titre, le besoin de réouvrir le débat sur la survie de la géographie, Christine Vergnolle Mainar, maître de conférences à l’IUFM Midi-Pyrénées (université de Toulouse II – Le Mirail), apporte une forme de réponse au travers de la question de l’interdisciplinarité.

En prenant appui sur le vaste domaine du développement durable, l’auteure montre que la géographie est ouverte au dialogue avec d’autres disciplines et qu’elle peut sortir gagnante de la mise en place d’une construction partagée des concepts et des problématiques redorant au passage le blason de son utilité scolaire et sociale.

Par la voie de différentes formes d’« éducation à… », encore peu étudiées en didactique, l’interdisciplinarité prend corps une fois que les disciplines sont bien ancrées et que le rôle de chacune est bien redistribué. La chose n’est pas aisée puisque les disciplines scolaires défendent jalousement leur « territoire » après que celui-ci ait été stabilisé mais apparaît parfois un mal nécessaire puisque l’empilement de nouvelles connaissances dans des domaines délimités peut gêner l’appréhension du réel dans sa globalité. C’est d’ailleurs précisément dans ces contextes de menaces et de tensions que de nouvelles interrogations naissent d’une manière enrichissante. Plurielle et libérée de la coupure traditionnelle entre ses dimensions physique et humaine, la géographie, via ses professeurs, apparaît ouverte à ces pratiques de croisement.

C’est surtout avec les sciences de la vie et de la terre qu’elle a le plus l’occasion de dialoguer. Ces dernières ont d’ailleurs été les grandes bénéficiaires de la disparition de la géographie physique dans l’enseignement secondaire, récupérant au passage l’étude des milieux et la tectonique des plaques. La géographie a, de ce fait, pu se créer de nouveaux axes d’étude plus librement, mais peut-être aussi plus difficilement, en tous cas avec davantage de défis.

Aussi stimulantes soient-elles, ces perspectives et ces mutations ne doivent pas occulter deux risques majeurs : celui de l’institutionnalisation d’une nouvelle « discipline interdisciplinaire » qui se figerait elle aussi mais également celui d’une lecture trop anthropisée des programmes voulant résoudre à tort les questions d’interface nature-société à l’aide de lois d’organisation spatiale basées sur la polarisation alors que l’entrée géosystémique y apparaît plus légitime. Dans le même ordre d’idée, la quasi absence de la question des reliefs apparaît également paradoxale à l’heure où les représentations de la topographie en 3D se multiplient.

Convaincu et convaincant, ce message est accompagné d’un solide ancrage historique sur la place respective des disciplines scolaires, notamment au travers de l’étude des coefficients au baccalauréat tout au long du XXème siècle et de deux études de cas : l’une mobilisant une thématique transversale, celle des ressources et l’autre exposant les passerelles possibles entre disciplines, celle du paysage.

Une vraie question de fond donc montrant que le modèle de la transposition didactique possède ses limites et que les regards interdisciplinaires mais également non académiques peuvent aider à mieux structurer des savoirs et des savoir-faire. Cela semble particulièrement vérifié pour des questions socialement vives. Un détour bienvenu pour mieux appréhender la géographie, ses contours et sa nécessité.