Cette dernière parution de la superbe collection « Mondes Anciens » chez Belin sous la direction de Joël Cornette aborde la période « classique » de l’histoire grecque – les Ve et IVe siècles avant notre ère – est celle de l’apogée d’Athènes, le fameux « miracle grec ».

Or l’intérêt de cette collection – outre sa remarquable iconographie – est de renouveler les approches historiographiques classiques sur les temps anciens.

Et on nous permettra de distinguer dans les titres parus le volume consacré à l’Afrique ancienne sous la direction de François-Xavier Fauvelle qui nous rappelle combien l’Afrique à une et surtout des histoires et a été récompensé par le Grand Prix du livre d’archéologie 2019 : De l’Acacus au Zimbabwe, 20 000 ans avant notre ère – XVIIIe siècle

Retour sur le « Miracle grec »

C’est sous la période que englobe le « siècle de Périclès », que l’on a coutume de parler du « miracle grec », considéré comme fondateur de notre civilisation européenne. Elle dure en gros 2 siècles, depuis 510, date à laquelle le dernier tyran des Pisistratides, Hippias est chassé du pouvoir, quelques années avant les réformes de Clisthène, jusqu’à Alexandre le Grand, qui régna de 336 à 323. 

  • L’art, avec l’architecture et la sculpture (Phidias)
  • L’histoire avec Hérodote et Thucydide
  • La philosophie avec Platon et Aristote
  • Le théâtre avec Eschyle, Sophocle et Aristophane
  • La démocratie, ce régime inventé par les Grecs, qui accorde toute leur place aux citoyens dans la gestion de la cité.

Le modèle démocratique grec fait toujours débat

Or, plus que jamais d’actualité, ce modèle politique fait débat, qu’il s’agisse du tirage au sort des élus, du droit de vote, du rôle des associations et des réseaux, du statut des étrangers, de la condition des femmes ou encore des manières de vivre ensemble. Il ne cesse d’alimenter nos questionnements, notamment sur la justice et l’égalité, et d’inspirer ceux qui entendent, en cette aube d’un nouveau millénaire, « réenchanter » l’idéal démocratique. 

« Athènes est-elle une démocratie ? »

Il est pédagogiquement intéressant de le questionner en classe de 2nde en interpellant nos élèves, soit à l’écrit ou à l’oral.
Vous serez surpris par la richesse des réponses proposées, à l’aune des questions que pose notre système démocratique aujourd’hui à des classes d’âge que l’on considère un peu vite comme non concernées par les questions politiques…

Athènes contre Sparte, le duel qui cache l’ensemble

Ces deux siècles fondateurs ne se résument plus aujourd’hui au duo et au duel entre deux villes rivales : une Athènes libérale et « bourgeoise », face à la Sparte guerrière de Léonidas. Les découvertes archéolo-giques, le témoignage des inscriptions et les monnaies nous font découvrir l’histoire d’autres territoires longtemps restés dans l’ombre, comme ceux de la Grèce du Nord, de Marseille, du delta du Danube, de la Syrie, de la Sicile ou de la Crimée. Les relations plurielles entre les Grecs et les autres peuples du bassin méditerranéen se révèlent d’une richesse longtemps restée insoupçonnée.

Des guerres oui, mais aussi des échanges intenses entre Grecs et « Barbares »

Influences croiséesL’histoire grecque de ces Ve et IVe siècles n’est pas seulement celle des guerres médiques qui opposèrent les cités du Péloponnèse aux « barbares » de l’Empire perse achéménide, ou des conflits entre Syracuse et Carthage. Elle est aussi celle des échanges et des transferts culturels. Ils furent intenses et particulièrement féconds, dans le domaine économique, institutionnel et religieux, comme dans celui des multiples formes d’une création artistique dont nous sommes les héritiers.

Ce flacon en faïence en forme de combattant grec casqué du VIe siècle montre bien l’influence orientale précoce (hiéroglyphe du pharaon, fleurs de lotus). Paris Musée du Louvre, MNB 1143. 

Quelles continuités / césures sur ces deux siècles ?

Les guerres médiques, comme entrée dans l’ère classique grecque ?

La revalorisation du cadre géographique grec

Dans le même ordre d’idée une réflexion introductive est menée sur la définition du cadre géographique : le monde grec à l’époque classique ne se limite pas à la partie égéenne de la Méditerranée. Il oblige à étudier les effets de l’installation des Grecs sur le pourtour méditerranéen depuis l’époque archaïque, la pérennisation et le développement indépendant de ces installations. Passé les éclaircissements temporels et spatiaux, les auteurs définissent ce que sont les Grecs du Ve, en partant des populations pour déterminer des espaces et des contextes sociaux, économiques, culturels, politiques propres aux Grecs.

Des systèmes politiques divers, ayant leur légitimité

C’est donc un monde en mouvement qui est ici présenté, que ce soit par des logiques internes ou face à des menaces extérieures, « barbares », notamment celle des Perses. C’est par ailleurs l’ensemble des systèmes politiques grecs qui sont ici analysés, à travers les exemples de Sparte, Athènes et Syracuse, soit une oligarchie, une démocratie et une tyrannie. Les cités-États sont au coeur de la réflexion, dans leur fonctionnement politique comme économique. 

En fait, cette diversité ne pouvait se réduire à un idéal démocratique, dont la face sombre – l’impérialisme athénien – nous invite à réfléchir sur nos valeurs occidentales actuelles, notamment vis à vis des autres civilisations qui ne les partagent pas…

Un thème recoupant pour partie la question d’histoire ancienne à l’agrégation externe d’histoire

Les sessions 2022-2023 proposent en histoire ancienne le thème suivant :

« LE MONDE GREC ET L’ORIENT DE 404 À 200 AVANT NOTRE ÈRE »

Même si le thème ne recoupe ni les limites chronologiques ni celles géographiques de l’ouvrage en excluant la Méditerranée occidentale, sa lecture répond néanmoins aux attendus proposés :

  • « Le règne d’Alexandre le Grand marque une extension majeure du monde grec en direction de l’Orient, entendu ici comme l’ensemble des territoires de l’empire perse achéménide. À la suite de la conquête, l’hellénisme se diffuse et se transforme à la faveur de la rencontre avec d’autres cultures et d’autres peuples. Néanmoins, les prémices de ce mouvement remontent aux décennies qui précèdent le règne d’Alexandre, caractérisées par l’attrait des Grecs pour l’Orient et les interactions de tous ordres entre ces deux mondes. C’est pourquoi le programme s’affranchit de la distinction, traditionnelle dans l’historiographie, entre période classique et période hellénistique. »

Cités grecques orientales

  • « Sur un plan politique, la période 404-200 av. n. è. se caractérise par le développement de puissances monarchiques. Pour autant, le développement des royaumes ne met pas fin à la vitalité des cités. Le programme invite à étudier dans tous ses aspects l’histoire des cités grecques qui ont fait partie de l’empire achéménide avant la conquête, ainsi que celle des nouvelles fondations en Orient à partir d’Alexandre. En ce qui concerne les cités de la péninsule grecque, de la mer Égée et du Pont-Euxin, on se concentrera sur leurs relations avec l’Orient. »

 

  • « Le programme conduit également à s’interroger sur la nature des relations entre les Grecs et les autres peuples. Celles-ci ne se résument pas à la confrontation mais sont faites d’interactions complexes, incluant des échanges et emprunts réciproques. La diffusion de l’hellénisme commence dès avant la conquête d’Alexandre (langue, arts, monnaie, etc.) dans les régions de peuplement non grec ou mixte situées en bordure de la Méditerranée (Asie Mineure occidentale et méridionale, Chypre, côte syro- phénicienne). Cette diffusion se prolonge dans les institutions civiques, certaines formes d’urbanisme et un modèle d’éducation qui se matérialise dans le gymnase. »

 

En bref, ce beau livre invite à redécouvrir dans cette « Grèce classique » une histoire plurielle, en grande partie renouvelée, enrichie d’une splendide iconographie, souvent inédite, et une cartographie originale.