Parler d’art contemporain, avec des images qui ne sont pas d’art, c’est le défi de ce livre, qui croise l’expertise d’une graphiste spécialiste de la représentation visuelle des données et celle d’une historienne de l’art contemporain.
Méthodologie
Les autrices définissent un cadre méthodologique : l’art contemporain est à analyser sous ses coutures et coutumes sociales, il faut connaitre sa chronologie, la charge politique qu’il contient et considérer que l’art contemporain parle de notre temps. Elles signalent les informations qui ont servi à faire ce livre et elles ont parfois choisi de créer des représentations avec des citations à certaines œuvres d’art.
Espace-temps
Le cube blanc s’est imposé comme l’espace d’exposition idéal pour l’art contemporain. Le livre présente les différents mouvements et insiste sur la diversification des pratiques. Les élites enrichies par la croissance ont créé des collections, des musées : c’est une manière de positionner leur pays sur l’échiquier mondial. Les biennales sont un lieu de concurrence mondiale. La géopolitique de l’art contemporain a été longtemps plus favorable aux Etats-Unis et à l’Europe. Elle s’est ouverte depuis les années 90 à l’Asie puis aux pays arabes. Dans le domaine de l’art contemporain, les créateurs africains connus sont tous passés par New York ou Londres. Ils sont trop souvent poussés pour exister à citer les pratiques plastiques considérées comme « africaines ». L’art contemporain est un levier stratégique pour entretenir la bonne image d’un Etat. Les pays du Golfe ont investi depuis 2005 dans la création de musées, l’ouverture de galeries et la promotion de quartiers artistiques.
Artistes
Duchamp est presque devenu un académisme. Les autrices expliquent les structures de l’art contemporain : les structures du marché ne sont pas nécessairement celles de l’institution ni celles du grand public. La réputation des artistes préférés des institutions est peut-être la plus durable à la différence du marché. On note l’absence de femmes dans le haut du classement. Sur les quarante artistes nés depuis 1921, les plus cités sur Wikipedia, les femmes représentent moins de 20 % du total. Guerilla girls a une formule frappante : moins de 5 % des artistes représentés dans les sections d’art moderne sont des femmes, mais 85 % des nus sont des femmes. On découvrira peut-être Yayoi Kusama, une artiste, qui se caractérise par un art compulsif saturé de pois, de phallus et de couleurs vives. Le livre parle également des artistes maudits comme Basquiat. Il est mort à 27 ans d’une overdose. On peut enfin noter que le marché de l’art a du mal à faire une place aux collectifs et le marché encore plus.
Matériaux
L’art contemporain n’a pas renoncé aux ingrédients typiques des beaux-arts, de la peinture à l’huile ou au plâtre. L’inventivité des matériaux peut poser des problèmes de conservation des œuvres. Un document présente les couleurs privilégiées par les artistes et les périodes. Depuis les années 60, certains artistes interrogent le statut du corps. Des artistes comme Sophie Calle ont fait de leur vie une œuvre. Apparu vers 1994, le Net art a suscité l’engouement. Les autrices soulignent l’impact des évènements artistiques mondiaux qui est déplorable pour l’environnement. On peut se poser la question du rapport entre pétrole et musées. En effet, le pétrole est la condition matérielle, financière et énergétique de l’art contemporain.
Les œuvres
Les autrices s’arrêtent sur la taille des œuvres, souvent plus hautes, plus larges et plus longues que les œuvres précédentes. Elles posent la question de comment classer les œuvres de l’art contemporain. Une des caractéristiques de cet art est d’avoir fait voler en éclat les distinctions. Le livre explique les différentes classifications des musées pour organiser l’art contemporain. Le pop art fut en son temps une machine d’exportation et il est aujourd’hui associé à la victoire symbolique de New York sur Paris dans les années 60. On suit les exemples de Banksy et de Richter et on s’intéresse également à la sculpture dans la ville. La ville de Chicago se veut un musée à ciel ouvert.
Acheter, vendre
On trouve un document qui récapitule les ventes les plus chères. On trouve aussi une géographie des galeries qui sont quasi exclusivement situées dans les grandes métropoles. Les foires d’art contemporain sont loin de toutes avoir le même rayonnement. On remarque aussi que le prix de leur entrée est très variable. On a également des documents sur les collectionneurs et leurs motivations. La commande publique joue un rôle important dans le monde de l’art. Il y a une véritable surenchère autour des NFT : la plupart des collectionneurs sont des hommes trentenaires.
Aller se faire voir
Un document s’arrête sur les lieux où il faut exposer pour se faire connaitre. Plusieurs exemples sont montrés et il faut noter l’importance du détour par l’étranger pour être reconnu des institutions françaises. On en saura plus sur les curateurs et commissaires d’exposition, une profession apparue dans les années 1970. Pour exister dans le monde de l’art contemporain, il faut se faire entendre. Les artistes ne renonceront jamais à l’une des plus anciennes traditions de ce que l’on a appelé l’avant-gardisme, le manifeste.
En une centaine de pages, l’ouvrage permet une approche très complète de l’art contemporain. Les thématiques permettent à la fois de traiter les fondamentaux mais aussi d’ouvrir vers d’autres perspectives.
La recension de Camille Glauda ICI