La géographie des documentaires jeunesse prenant presque exclusivement corps sous la forme d’atlas, une offre très abondante en la matière s’est installée et c’est parfois un sentiment de ne pas toujours pouvoir bien différencier les atouts et faiblesses de chacun qui peut s’installer chez le rédacteur de recensions.

Pas de doute ici, cet « Atlas du Monde » rédigé par Pascale Hédelin sort indubitablement du lot et, à l’image de sa chatoyante couverture, brille par ses nombreuses qualités.

Destiné aux enfants à partir de trois ans pour qui le visuel primera, c’est une scolarité complète que cet atlas pourra alimenter tant il a à offrir.

Les nombreux dessins sont légendés avec des noms définis par leur article mais également des verbes et actions signalés dans un cartouche différencié. De quoi démarrer sur de bonnes bases en manipulant correctement le vocabulaire.

Le plan retenu (1 – « Paysages et animaux du monde », 3 – « Les hommes à travers le monde ») s’accompagne d’une réelle nouveauté, la présence d’une partie 2 – « Le monde découpé » qui ne se contente pas de présenter les espaces par continents mais s’interroge sur le pourquoi et le comment de ces découpages en montrant notamment que le nombre de pays n’est pas une donne immuable et que les guerres viennent s’en mêler.

Les entrées choisies sont à la fois parlantes et originales surtout sur le volet humain : p 73, l’incontournable trajet jusque l’école est abordé ; p 33, le fait que les animaux sauvages s’aventurent en ville ; p 13, l’empreinte de l’homme sur son environnement avec le fait que la déforestation mène aux manifestations ; p 62-63, un sympathique portrait de Tokyo avec game centers et jeunes à la mode « cosplay », p 64-65, une prise de distance bienvenue sur les tablettes et jeux vidéo avec une présentation de jeux plus traditionnels ; une volonté de casser quelques idées reçues avec, par exemple l’idée que les cowboys ne sont pas des héros de films (p 81) ou que les îles ne sont pas des territoires toujours en vacances (p 85) ; p 75, la définition du marchandage pour évoquer les marchés ; p 78-79, la perception du « beau » de par le Monde.

L’outillage général est bien pensé : la colonne de la page de droite est toujours construite sur la base d’une question pour inviter au raisonnement et à la réflexion ; le système de renvois vers d’autres entrées est non seulement utile mais également très fin puisque, ne permettant pas de renvoyer à tout, les choix effectués montrent qu’un thème peut être complété par un/des autre(s) thème(s) et/ou une/des localisation(s) du thème en question. De quoi faire un véritable travail de géographe.

L’outillage plus spécifique à la discipline se révèle également de grande qualité en questionnant la nature des cartes (p 40-41) ; le si peu rencontré emboîtement des échelles (p 42-43) impeccablement traité avec un système d’ombrés mettant en valeur le territoire concerné ; le fait que les territoires peuvent se représenter en points (comme des villes), en surfaces (comme des pays) mais aussi en lignes (à l’image des pages 80-81 qui dépeint la mythique route 66 des Etats-Unis). Et pour revenir sur un point plus général, l’alternance des pages présentant des phénomènes localisables précisément et d’autres pris sans terrain d’illustration particulier constitue un réel « plus » pour consolider les changements d’échelles.

Les cadrages spatiaux et centrages des planisphères ont également fait l’objet d’une interrogation : les planisphères sont centrés sur l’Asie et l’Amérique du Nord se voit séparée de sa voisine du Sud mais restent toutes deux sur la même double page sans qu’il y ait besoin de faire pivoter le livre.

Les jolis dessins du collectif d’illustrateurs (Robert Barborini, Benjamin Bécue, Pierre Caillou, Hélène Convert et Aurélie Vitali) servent admirablement le propos avec justesse et non sans humour : p 21, les sommets pointus des montagnes jeunes enneigées (« chevelues ») se voient polis et dégarnis par l’action du vent, du froid et de la pluie les faisant passer au stade de montagnes anciennes (« chauves »). Jamais la démonstration n’avait été faite de manière aussi limpide !

Face à cet élogieux bilan, se dresseraient peut-être deux petits points négatifs qu’il convient tout de même de souligner : la représentation, p 43, d’une carte montrant une capitale avec un point plus gros que les autres villes (si la définition ici avancée de la capitale est tout à fait juste avec cette idée qu’elles est une « ville très importante », attention à ne pas « dessiner » cette idée qu’elle serait démographiquement plus importante que les autres, ce qui est loin d’être toujours le cas) ; également, p 58, une question de quizz visant à identifier l’Afrique par sa forme parmi un choix de trois options, Brésil et Australie en guise de concurrents : en isolant le territoire de ses voisins (ce qui est le cas ici pour le Brésil mais pas pour l’Afrique), en ne présentant aucun repère (villes, fleuves…) mais surtout en ne respectant pas les échelles (ici les trois cadres ont la même taille et l’Afrique et est ramenée à la taille du Brésil), la comparaison ne peut se faire. Cette question de l’identification d’un territoire grâce à son seul contour caricature la discipline et avait déjà fait couler de l’encre dans la conclusion de l’une de nos recensions mais aussi dans un article de la revue Mappemonde lorsqu’était paru le sujet du brevet de 2011.

Comme évoqué en début de recension, cet atlas est une réussite pleine et entière : un peu comme si nombre de conseils avaient été suivis, nombre de recensions lues, nombre de thèmes de recherche actuels analysés. Et c’est là que l’expression parfois trop pratique du « à partir de » tel âge prend tout son sens : ce livre est un véritable investissement pour l’avenir une fois et devrait largement dépasser l’âge des 3 ans. Et quand on voit qu’il ne coûte que 11,90 euros, on se dit qu’il pourrait sans doute rentrer, bien avant l’heure, dans la catégorie des coups de cœur de Noël !