Les rapports du GIEC compilent des dizaines de milliers de publications et sont l’œuvre de milliers d’experts travaillant au sein de trois groupes. Destinés aux dirigeants, ils constituent la référence sur la question du climat et méritaient d’être rendus accessibles au grand public. En un peu plus de 200 pages, le journaliste bien connu Sylvestre Huet s’est acquitté de cette tâche dans le cadre de cet ouvrage qui s’appuie sur le 6ème rapport.

L’avant-propos cadre l’histoire du changement climatique et des différents rapports du GIEC. Si le problème est connu dès les années 1970, c’est en 1987 que le vocable de « changement climatique » apparait. Le premier rapport parait en 1990 et se veut très prudent. Depuis, le succès du GIEC est réel car, hélas, le constat est partagé par toute la communauté scientifique et que, les intérêts des uns et des autres divergeant, la dimension scientifique a toute sa place. Mais ce succès se limite justement au constat car le GIEC n’a pas le pouvoir de faire des recommandations. Le degré de précision des connaissances sur le sujet s’est affiné au fur et à mesure et la prise de conscience a suivi de la même manière (sauf vers les années 2010 où un fort sentiment climatosceptique était de mise (35 % de la population française pensait que l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère n’était qu’une hypothèse du réchauffement parmi d’autres).

Groupe 1 : la physique du climat

L’augmentation de l’effet de serre est surtout liée au gaz, au charbon et au pétrole, c’est indéniable. On arrive au « forçage radiatif » (ce qu’on renvoie vers l’espace est différent de ce qu’on reçoit du soleil).

L’augmentation de la température n’est pas uniforme sur le globe (dans l’hémisphère Nord, notamment en Arctique, le réchauffement est plus marqué).

Les précipitations augmentent et les glaces fondent.

Le réchauffement des océans augmente également le volume d’eau en raison de l’expansion thermique.

Les océans s’acidifient.

La fréquence des évènements extrêmes (qui pourront se combiner) augmente.

Ce sont 5 scénarios qui sont proposés et seul le moins émissif semble approcher la limite des + 1,5° ou + 2° mais nous en sommes loin ! L’inertie est forte !

La conclusion est sans appel : seule une baisse massive et rapide des émissions de CO2 constitue la solution.

Les pistes liées à la géo-ingénierie sont à lire avec toute leur complexité :

  • Parfois, il y aurait des co-bénéfices (en termes de biodiversité et de santé publique si on travaille bien la question agricole par exemple),
  • Parfois, il y aurait des effets négatifs (la reforestation réduirait l’albédo et augmenterait les températures locales),
  • Il y a une grosse incertitude sur l’injection d’aérosols réfléchissant la lumière du soleil vers l’espace.

Dans tous les cas, et même le meilleur, il n’y aurait pas d’embellie avant 2040 (le COVID ayant été trop bref pour voir finement les choses sur des échelles locales).

Groupe 2 : impacts, adaptation et vulnérabilités

Ce groupe travaille sur les adaptations et les impacts sur des écosystèmes et des sociétés humaines qui sont vulnérables de façon différente selon les endroits du globe. Il y a nécessité, y compris, pour barrer la route au climato scepticisme, de ne pas isoler les risques les uns et des autres.

Les vagues de chaleur tueront prématurément et baisseront les productions agricoles, générant aussi de l’insécurité alimentaire.

Environ la moitié des espèces vivantes migreront vers les pôles ou vers des altitudes plus élevées.

Les maladies à vecteur augmenteront avec une préparation malgré tout meilleure des pays les plus riches sur cette question.

Ce sont environ 3 milliards de personnes qui seront réellement vulnérables alors qu’il est à rappeler que 10 % de la population mondiale émet 50 % des gaz à effet de serre. Le déséquilibre est fort. L’Afrique, l’Asie du Sud Est, l’Amérique Latine et les pourtours de l’Arctique sont particulièrement exposés. L’infographie page 108 est particulièrement éclairante à ce sujet.

L’effet d’entrainement en écologie verra la disparition d’une espèce en entrainer d’autres.

La hausse inévitable du niveau marin amènera des aménagements spécifiques avec retrait des populations. Plusieurs grandes agglomérations sont concernées et des atolls seront inhabitables.

Attention aux fausses idées : le reboisement sans logique qui ne tient pas compte des espèces locales et qui nuit aux animaux en place (en Afrique où des arbres réduiraient la surface en herbe qui peut être broutée).

Les pratiques d’atténuation efficaces sont inégalement réparties dans l’espace et ne proposent pas de vision sur un terme assez long. On peut lister :

  • Les systèmes d’alerte précoce et les digues pour les inondations,
  • La rétention naturelle de l’eau par les zones humides, les rivières et les zones non constructibles,
  • La gestion de l’eau par les pratiques agricoles, le stockage de l’eau, la conservation de l’humidité du sol et l’irrigation,
  • L’amélioration des cultivars, l’agroforesterie, la diversification des exploitations, l’agriculture urbaine,
  • La gestion écosystémique des pêches et l’aquaculture,
  • La lutte antiparasitaire, la pollinisation, la séquestration du carbone,
  • La diversification des espèces d’arbres pour lutter contre les ravageurs et les incendies,
  • L’évitement des coupes claires dans les forêts boréales,
  • La séparation du bois réservé à la production de celui lié à la conservation de la biodiversité,
  • L’augmentation de la taille des zones naturelles et la restauration des zones dégradées pour les espèces terrestres, d’eau douce, côtières et océaniques avec une facilitation des déplacements entres ces aires.

Si certaines adaptations ont atteint leurs limites, d’autres sont encore améliorables mais attention aux mauvaises adaptations. Ce qui est certain, c’est que l’efficacité de toutes les mesures se réduira encore plus avec le réchauffement lui-même (au-delà de + 2°, ce sera très compliqué).

Groupe 3 : atténuation du changement climatique

Les progrès sont ici contrebalancés par des défis encore énormes.

Les émissions montrent de réelles inégalités spatiales (les meilleurs efforts sont « démolis » par les hausses des pays en développement notamment l’Asie orientale) et temporelles (la réduction durant le COVID-19 a hélas été ruinée par un fort rebond postérieur).

Concernant les secteurs, on note :

  • Une hausse de l’électricité à bas carbone (à base de solaire et éolien) mais cela reste insuffisant,
  • Toujours une grosse part de centrales à charbon,
  • Une déforestation qui s’est réduite de façon générale mais qui a redémarré en Amazonie,
  • Des bâtiments basse ou zéro énergie qui se développent,
  • Une bonne médiatisation de la question mais, en parallèle, pas mal de désinformation.

La baisse des coûts des technologies bas carbone est à saluer mais il n’y a pas de transfert vers les pays pauvres (s’il y a des panneaux solaires au Sahel, personne n’est formé pour les réparer en cas de pannes).

Les technologies numériques peuvent se révéler « à faibles émissions » mais attention aux « effets rebond » : la technologie « miracle » concernée se verrait archi demandée, créant ainsi de nouvelles émissions.

La géopolitique du climat progresse et a permis une baisse des émissions même si les progrès sont encore minces et mal répartis.

La capture et le stockage du carbone ne sont pas encore matures partout et pour tous.

Il y a un enjeu à relocaliser les industries lourdes dans les régions où la technologie est bas carbone, cela baisserait les émissions et redistribuerait l’emploi.

Dans les villes, il faut revoir la gestion des bâtiments mais ne pas se limiter au seul périmètre administratif et étendre aux chaines d’approvisionnement.

Sur les transports, il faut rappeler que 70 % des émissions sont dues à la route, 10 % au transport maritime et 10 % au transport aérien.

La solution des voitures électriques se heurte à celle de la quête des minéraux nécessaires pour la fabrication des batteries. Il y a aussi les biocarburants. D’autres pistes sont possibles :

  • L’urbanisme compact,
  • L’encouragement des comportements réduisant les émissions,
  • L’investissement dans les transports publics et les mobilités actives,
  • Le télétravail et la gestion des chaines d’approvisionnement.

Sur l’usage des sols, on peut noter :

  • une baisse globale de la déforestation (malgré de fortes variantes locales) mais hélas, des incendies de forêt notamment au Nord,
  • une hausse démographique qui fera croître la production agricole (notamment avec une hausse du méthane), il y a donc des cobénéfices à changer durablement l’agriculture (moins de vaches, c’est moins de terres nécessaires, moins de méthane, moins d’emballage, moins de chaine du froid…).

Sur la capture du C02, on peut envisager une reforestation qui peut avoir comme cobénéfices des emplois locaux, une fourniture de bois, une hausse de la biodiversité, une amélioration en carbone du sol mais qui peut aussi affecter le cycle de l’eau et déployer une compétition pour les terres. Des pistes équilibrées semblent passer par la séquestration du carbone dans les sols cultivés et les prairies, la restauration des tourbières, l’agroforesterie, le biochar utilisé comme engrais. Au contraire, d’autres pistes semblent plus hasardeuses : la capture directe dans l’air couteuse en énergie ou l’injection de fer pour doper le phytoplancton qui pourrait impacter négativement les écosystèmes marins.

Jouer sur la demande de consommation est une piste aussi bien sûr et c’est la première fois que le GIEC consacre un chapitre entier sur le sujet, c’est une avancée majeure ! On doit pouvoir changer de régime alimentaire et éviter le gaspillage, contrôler thermiquement les bâtiments et être plus sobre sur les transports.

La capacité d’action ne peut prendre que si les règles sont équitables et la gouvernance impartiale. Ici, les 10 % plus riches polluent le plus (10 %, c’est 800 millions de personnes sur 8 milliards ! Ce n’est pas rien !).

Conclusion

La conclusion générale reprend les propositions par groupe.

Pour le groupe 1 : les choses sont solides et incontestables.

Pour le groupe 2 : les sciences y sont nombreuses, les synthèses plus difficiles à établir. Les temporalités et échelles de ces sciences ne sont pas forcément en lien avec l’immensité du problème. Mais le progrès est déjà le nombre de chercheurs qui s’intéressent à cette question !

Pour le groupe 3 : c’est encore plus problématique car il s’agit surtout de contributions d’économistes adossés à des valeurs différentes (classiquement partagées entre l’intervention étatique et à la liberté du marché…cette seconde vision étant dominante).