L’empire colonial français en Afrique
Pendant la période couverte par le tout début du programme de la question du concours de l’agrégation, l’empire colonial français atteint son apogée. Cela met un terme à un déclin qui avait commencé en 1763, à la fin de la guerre de sept ans qui avaient fait perdre la France la quasi-totalité de son premier empire colonial, celui construit en Amérique au 17e et au XVIIIe siècle. Si le traité de Paris de 1814 permet la récupération de quelques possessions coloniales aux Antilles et en Afrique avec les comptoirs commerciaux sénégalais et l’île Bourbon, il n’en reste pas moins que la France de la restauration se situe très en retrait des affaires mondiales. Il faut pourtant souligner le début de ce retour d’influence dans l’intervention en Espagne en 1823.
C’est pourtant lors de l’été 1830, à quelques semaines de la révolution de juillet, que le général Louis Bourmont, à la tête de 37 000 soldats, impose au Dey d’Alger la capitulation. Le nouveau régime se retrouve avec cet héritage encombrant qui finit par être assumé par l’ordonnance du 22 juillet 1834 qui créé officiellement « les possessions françaises dans le nord de l’Afrique ». Cela conduit la France avec le général Bugeaud à s’engager dans une véritable guerre de conquête contre l’émir Abdelkader.
Le projet d’une colonie de peuplement est initié à partir de 1848, sous la seconde république mais il faut attendre le second empire pour un véritable projet colonial pour la France en Afrique soit conçu. Pour Napoléon III, saint-simonien incontestablement, le projet colonial s’inscrit dans une logique économique dont l’aboutissement est la construction du canal de Suez avec son inauguration en 1869, mais également la pénétration financière en Tunisie.
Sous la conduite du général Faidherbe le point d’appui sénégalais permet d’initier le début de la colonisation de l’Afrique occidentale tandis que la conquête militaire de l’Algérie s’achève officiellement en 1857 par la soumission d’Abdelkader. Le projet de royaume arabe de Napoléon III s’inscrit dans une logique d’expansion de la puissance française par une forme de colonisation militaire qui fait droit, il faut le souligner, aux préoccupations des populations indigènes. Deux lois successives en 1863 et en 1865 restituent aux tribus musulmanes les terres confisquées et permettent un accès à la citoyenneté française. L’effondrement du régime à Sedan en 1870 rebat les cartes que la IIIe République née dans la douleur de la crise dynastique devra rejouer.
À la veille de la guerre de 14 18 l’empire colonial français représente 10 millions de kilomètres carrés et la récupération des mandats du Togo et du Cameroun après le traité de Versailles étend ce territoire à 12 millions de kilomètres carrés. Cela le prend en compte que l’empire colonial français en Afrique auquel il faudra rajouter l’Indochine et les possessions insulaires sans oublier les comptoirs des Indes. Ceux que tous le monde oublie une fois que l’on a cité POndichéry et Chandernagor
Les conquêtes militaires s’accompagnent de l’instauration d’un ordre colonial avec des formes d’hégémonies diverses qui permettent à la fois d’instaurer un nouveau système politique, administratif et juridique aux populations africaines, tout en les contrôlant avec des outils de coercition. Pour autant la collaboration d’une partie des colonisés facilite également la construction de cet ordre colonial.
Pour la France de la IIIe République la « course aux clochers » dont parle Jules Ferry en 1890 permet de sortir la France de son isolement diplomatique et lui redonne un statut international au cœur du concert des nations.
Ce chapitre introductif d’un ouvrage consacré à la préparation de la question de l’agrégation d’histoire prend évidemment en compte les évolutions historiographiques concernant l’histoire du continent africain sous l’angle de l’histoire connectée.
On y retrouve un rappel de la construction de cette façon d’envisager l’histoire mondiale permettant de penser la rencontre les connexions entre deux mondes différents. Si les premières études porteuses de cette démarche ont d’abord été consacrées à l’Asie, avec les travaux de Romain Bertrand sur l’exploration du monde, une autre histoire des grandes découvertes, publié en 2019, l’Afrique apparaît peu à peu, notamment avec la revue politique africaine créée en 1981.
Paradoxalement, pour une histoire que l’on souhaite connectée la réflexion de Yannick Clavé dans le premier chapitre montre que dans la formation des sociétés coloniales, de façon globale, les Français les Africains se côtoient sans se mélanger. Cela permet d’aborder cette notion d’histoire subalterne, celle qui est vue « par le bas », qui permet de mieux apprécier la marge de manœuvre des acteurs locaux vis-à-vis du pouvoir colonial et l’acceptation de ceux qui choisissent de collaborer ou de s’en accommoder.
On retrouve différents éléments d’analyse, comme celle des circulations et mobilités des Africains, qui sont présentes logiquement dans l’ouvrage précédent, lui aussi publié chez le même éditeur, les sociétés africaines et le monde, une histoire connectée (1900 – 1980).
On lira avec profit cette histoire d’un empire colonial en Afrique qui se construit et se défait dans la longue durée, de 1884 à 1962
De l’ouverture du congrès de Berlin en 1884 à 1914, c’est une république très coloniale qui construit l’empire français en Afrique. Cette expansion s’accompagne d’un véritable projet de construction impériale, on dira par des moyens impérialistes pour dire clairement les choses.
Toutefois cet ordre colonial suscite de très nombreux mouvements de résistance, plus ou moins visibles et plus ou moins connus. Si les rébellions armées sont très largement documentées, « l’histoire par le bas » permet d’aborder une somme de résistances individuelles multiformes et multifactorielles.
L’exposition à Vincennes sur l’empire colonial en 1931 a pu constituer un trompe-l’œil de cet empire colonial français qui, alors même que son apogée s’inscrivait sur la carte mondiale en 1914, commençait en réalité son déclin. Partout, comme le rappelle Yannick Clavé les Africains se politisent, résistent, écrivent, et à certains égards s’organisent. On pourrait parler de l’Algérie évidemment, avec le mouvement des oulémas qui s’inscrit dans une forme de « création d’une nation algérienne », sur le thème « l’islam est la religion, l’arabe est ma langue, l’Algérie ma patrie ». On pourra discuter à l’infini sur l’inexactitude de cette affirmation virile, évacuant la question kabyle, mais ce n’est pas forcément l’objet. En même temps, sous l’impulsion de l’internationale communiste, des mouvements anticolonialistes se développent et en métropole quelques intellectuels, comme les surréalistes, remettent en cause le consensus colonial.
La période qui suit la fin de la seconde guerre mondiale évidemment marqué par des guerres d’indépendance dans un contexte international largement favorable à la remise en cause des empires coloniaux. L’occasion manquée d’Indochine en 1946, avec les accords de Fontainebleau laisse en effet très mal augurer de la poursuite d’un mouvement qui aurait pu conduire à la création d’une véritable communauté française, malgré la tentative de 1958. En réalité, la France fait la guerre en Algérie, mais également au Cameroun et au Niger. Si le général De Gaulle accompagne le processus de décolonisation, il reste, avec les accords de coopération et de défense mis en œuvre après les indépendances particulièrement attentif à ce que l’on appellera plus tard la Françafrique.
Le deuxième chapitre présente la question dans les programmes du secondaire, et si l’on y retrouve les indispensables références à EDUSCOL, on appréciera la proposition de séquence détaillée en première technologique : « vivre à Alger au début du XXe siècle ».L’auteur, Sarah Clavé propose également des éléments de réflexion sur les méthodes pédagogiques, avec une grille d’autoévaluation pour la rédaction d’un texte organisé.
Évidemment la question de l’histoire de l’empire colonial français en Afrique peut apparaître comme ce que l’on a pu appeler par ailleurs : « une question socialement vive », avec évidemment une réflexion sur histoire et mémoire largement illustré par le rapport remis par Benjamin Stora le 20 janvier 2021, « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. »
Avec une équipe d’auteurs dans laquelle on retrouve Odile Moreau, ou Anthony Crézécut, déjà présents dans l’ouvrage précédent, on pourra ainsi parcourir les différents éléments de l’histoire de la construction et de la chute de cet empire colonial français, encore une fois sous l’angle des connexions et des mobilités.
C’est notamment ce qui fait l’intérêt des différents chapitres sur « habiter dans les villes coloniales en Afrique française », rédigé par Franck Jacquet, ou encore « des rois et des chefs africains au contact des Français du monde, des années 1880 aux années 1950, par Benoît Beucher.
Comme pour le précédent ouvrage qui traite, pour ce qui le concerne, l’ensemble de la question, on lira avec intérêt la cinquième partie : « s’entraîner – méthode, sujet, corrigés ».
Sans doute par anticipation sur un éventuel glissement de cette question sur l’Afrique pour le CAPES d’histoire-géographie, cette cinquième partie aborde les différentes questions qui traitent de la méthodologie, ainsi que de la nature des différentes épreuves. Plusieurs sujets de dissertation sont ainsi proposés, et on y trouve un grand classique possible, « la France en Algérie (1884 – 1962) tout comme cette épreuve qui ne serait pas un cadeau : « la France et son armée dans son empire colonial africain, (1884 – 1962).
On propose également l’épreuve écrite disciplinaire appliquée « les identités dans les territoires de l’empire français d’Afrique (fin du XIXe siècle – années 50) » par Franck Jacquet ainsi que cette belle épreuve orale de leçon, Madagascar, un cheminement particulier vers l’indépendance, (1939 – 1960), par Frédéric Garan.
Pour avoir plusieurs éléments de convergence avec le directeur de collection, Yannick Clavé, professeur en classe préparatoire, au lycée militaire d’Aix-en-Provence, et comme préparateur du concours, je me contenterai de rappeler, après les deux lectures successives des deux ouvrages publiés chez Ellipses que la démarche qui peut l’animer vise incontestablement à aider les candidats aux concours, malgré les circonstances que nous connaissons. La réforme du CAPES qui a très clairement appauvri de contenus disciplinaires, et que les Clionautes ont très largement contestée, le risque de voir arriver des enseignants recrutés au rabais, voire des concours appauvris et réservés, n’incitent pas à l’optimisme. Et pourtant, cette question sur l’Afrique présente un intérêt majeur, car elle permet de sortir très largement des sentiers battus, et bien entendu d’inscrire l’enseignement de l’histoire dans les évolutions historiographiques les plus récentes. Nous sommes à l’opposé de cette querelle stérile entre « les anciens et modernes », qui n’a plus guère de sens aujourd’hui, tant la diversité des approches, fondées scientifiquement, sans préoccupations d’écuries ou de carrières, est source de richesse.