Le peuple amérindien des Renards s’est trouvé confronté à un conflit à la fois politique et guerrier dans la région des Grands Lacs au début du XVIIIe siècle : 1712-1738. Hostiles à l’alliance franco-amérindienne, leur territoire est de plus dans un lieu stratégique : la liaison du lac Michigan au Mississippi, et donc le Canada et la Louisiane. Raphaël Loffreda traite à la fois l’histoire de ce conflit et ce qu’il nous apprend de la conduite de la politique coloniale française.

L’ouvrage publié est tiré d’un mémoire de master, préparé entre 2013 et 2015 à l’Université Paris-Sorbonne préparation dans le séminaire sur l’empire moderne français, sous la direction de François-Joseph Ruggiu et Marie Houllemare au Centre Roland Mousnier, Sorbonne Université. et complété depuis par des échanges avec les spécialistes de la période.

Pour bien comprendre ce conflit qui oppose un groupe amérindien numériquement restreint à une puissance impériale et des alliés amérindiens on peut se reporter aux cartes parlantes (p. 18 à 21) qui situent bien le lieu stratégique de ces combats.

Dans son introduction l’auteur montre, en partant de la dernière expédition militaire française, à la fois la volonté d’éradiquer une opposition et les difficultés de ces combats aux frontières qui durent depuis plus de vingt ans. Il présente les grandes lignes de sa recherche et son choix historiographique de se situer à l’articulation des différentes échelles et des différents domaines (géopolitique, administration, représentations, imaginaire…). Il rappelle les dernières études disponibles sur les relations entre les Amérindiens et les puissances coloniales de l’Amérique du Nord.

Au cœur de l’Amérique : l’Empire français et les Renards (1665-1738)

Détroit en mai 1712, des centaines de Renards tombent face aux Amérindiens et aux Français, c’est le début des guerres des Renards. Si ces guerres parmi les plus violentes jusqu’à la guerre de Sept Ans, elles succèdent à une longue défiance, sur plus de quatre décennies malgré la Grande Paix de Montréal de 1701.

Dans cette première partie l’auteur présente les relations entre les deux groupes sur près d’un siècle, une approche chronologique qui pose le cadre des études thématiques des deuxièmes et troisième parties. C’est aussi une première réflexion (chapitre 3) sur la nature de la violence de ce conflit, de s’interroger sur la pertinence de la question du « génocide », largement admis par l’historiographie contemporaine

L’empire et les villages au Pays d’en Haut jusqu’en 1712

Les profondeurs de l’empire continental français d’Amérique

La description de l’alliance franco-amérindienne au XVIIe siècle est évoquée depuis les premiers contacts et la Cette « tabagie de Tadoussac » fondatrice de la politique française d’alliance dont les logiques, mécanismes et rituels sont bien étudiés par une abondante historiographiel’auteur renvoie ici à Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2008 [2003]. Une alliance qui , si elle participe des relations traditionnelles entre les différents peuples amérindiens, permet d’assurer la protection des premiers colons français. Le principal adversaire des Français et de ses alliés est la la Ligue iroquoise des

Cinq Nations, avec laquelle les Français sont en guerre jusqu’à la paix générale de Montréal en 1701. Mais la réalité est que plus on s’éloigne du bas-Saint-Laurent et qu’on pénètre dans les terres et moins la puissance française est grande.

Le Pays d’en Haut est de fait une marge impériale où la confédération huronne est l’intermédiaire commercial incontournable pour se fournir en peaux de castor. Les « coureurs de bois » agrandissent cette marge que décrit l’auteur, montrant les effets de la politique de l’intendant Jean Talon qui pousse à l’exploration de cette lointaine périphérie qui, est peu à peu délaissée à la fin du XVIIe siècle du fait des guerres iroquoises et des choix politiques de Versailles qui dans le même temps accepte de fondée la colonie de Louisiane (1698) découverte par Cavelier de La Salle ; depuis le Pays d’en Haut via le Mississippi. La liaison entre le Pays d’en Haut canadien et l’Illinois louisianais, se situe sur un lieu géopolitique où se déroulent les guerres des Renards, dans un conflit qui intéresse aussi la concurrence avec la Nouvelle-Angleterre.

Cette aquarelle représente Coulipa, un guerrier renard
Cette aquarelle représente Coulipa, un guerrier renard (p. 57)

Les Renards en Amérique, une nation parmi d’autres

L’auteur définit ce peuple connu sous divers noms : Mesquakies, « Peuple de la Terre rouge » ou Outagamis, « Peuple de l’autre rive » (en chippewa). Appartenant à la grande famille algonquienne, les Renards auraient été de 12 000 à 15 000 individus en 1665, leur installation, poussés par d’autres groupes amérindiens, à l’Ouest des Grands Lacs est sans doute récente, à la fin du XVIIe siècle ils s’installent au sud de la baie des Puants sur la « Rivière des Renards » (cartes p. 58 et 59). Sur ces déplacements de populations l’auteur renvoie à Richard White, un « monde de villages » ethniquement et géopolitiquement aussi complexe que fluctuant, un monde de violence endémique. Les Renards s’opposent ainsi aux Outaouais, aux Ojibwés, aux Sénécas et aux Sioux pour se protéger ils tentent de se rapprocher des Sénécas et des Sioux ce qui les fait considérer par les Français comme sortis de l’alliance.

L’appréhension des Renards par les Français

Si les premiers contacts sont ceux de Nicolas Perrot durant l’été 1665, une première alliance franco-renarde repose sur la recherche pour les Renards d’un appui contre leurs ennemis (1665-1712). Mais avant même la Grande paix de 1701 les Français surveille les rapprochements des Renards avec les Iroquois. De fait les Renards sont en rébellion presque constante, les « enfants désobéissants » d’Onontio. En fait les intérêts français qui veulent développer des liens commerciaux avec les Sioux sont une menace pour les Renards, c’est cette opposition géostratégique qu’analyse l’auteur en étudiant les cartesSusanne Berthier-Foglar (dir.), La France en Amérique. Mémoire d’une conquête, Chambéry, Université de Savoie, 2009. (p. 71 à 76) qui si elles reproduisent l’état des connaissances de l’époque sont aussi des représentations politiques : « ainsi le fait de nommer les peuples amérindiens, reconnus comme des « nations », et de les fixer dans l’espace de la souveraineté française, revient déjà à les faire théoriquement relever de la protection – et donc du pouvoir – royale. » (p. 67)

Les guerres des Renards (1712-1738)

Contrairement à l’historiographie générale, l’auteur propose un découpage chronologique : de 1712 à 1716, tentative française de rétablissement diplomatique de la Pax Gallica ; de 1727- à 1735, une période de guerre violente même si entre et parfois pendant les cycles de violence existenty des phases d’apaisement, une paix armée.

Où les villages l’emportent sur l’empire
L’auteur reprend la chronologie depuis la création de Détroit en 1701. Il montre que la diplomatie de La Mothe Cadillac est un pari dangereux car attirer dans la région un groupe de Renards n’est pas sans risque pour les relations avec les autres groupes amérindiens. 710-1712 est une période tendue entre les différentes ethnies, tensions que l’auteur décrit en détail. Les Français sont bien impuissant à régler les différents.

Premier cycle de violence : du massacre de Détroit à la régionalisation du conflit (1712-1716)
Les Renards ayant entrepris le siège du fort de Detroit, les Français et leurs alliés Hurons-Pétuns et Outaouais qui imposent de poursuivre les Renards qui furent massacrés. L’estimation des pertes s’élève à près de 700 morts et 200 prisonniers réduits en esclavage. Les Renards demeurés à la baie des Puants deviennent de fait une menace, vengeance à la fois contre les Français et leurs alliés amérindien. Un cycle de violence s’engage, fait du massacre initial et de deux campagnes de 1715 et 1716.

Une paix armée : des braises sous la cendre (1716-1727)
La paix est établie durant l’été 1716 et en juillet 1718 des Renards participent à la rencontre annuelle entre le gouverneur et les nations. Cependant tous les Renards ne sont pas favorables à la paix française, des raids ponctuels les opposent à la Confédération illinoise, aux Poutéouatamis (1720). Ces conflits entre groupes amérindiens mettent en péril l’Alliance mais aussi le commerce des peaux. Le gouverneur Vaudreuil hésite entre sanctions et accommodement.

Second cycle de violence : une « race » à « détruire entièrement » (1727-1735)

Août 1727 une expédition militaire punitive de grande ampleur se prépare contre le village renard de la baie des Puants. C’est un échec. Mais le situation des Renards est délicate et les événements conduisent à une coalition anti-renards. En 1730 les Renards ne comptent plus que quelques centaines de guerriers mais l’équilibre géopolitique évolue Les Algonquiens  soutiennent de moins en moins les Français, devant des rumeurs de volonté française d’exterminer d’autre peuples. L’auteur montre que les autorités françaises mènent une politique déconnectée du réel.

La réintégration des Renards imposée par les nations de l’alliance (1736-1738)

L’attitude hostile des Français, sans réel succès, inquiète les Alliés, « confrontés à Onontio le Vengeur, les Algonquiens demandent le retour d’Onontio le Médiateur » (cité p. 105). Durant l’été 1735, les derniers prisonniers renards sont relâchés pour leur retour dans l’alliance. Les Français, confrontés au conflit en Louisiane avec les Natchez et le regain de la menace britannique, acceptent en 1738 : les Renards acceptent de s’en remettre à la médiation et protection française. On peut dire qu’après la Pax Gallica dans le Pays d’en Haut s’effrite.

Enjeux et intensité de la violence : appréhender la radicalité

La Nouvelle-France applique dans ses relations avec les Renards une violence grandissante depuis l’affaire de Détroit (1712) jusqu’à la dernière expédition (1734-1735). Elle poursuit deux objectifs : d’une part impressionner les Amérindiens soupçonnés de désobéissance et maintenir une alliance ; d’autre part faire cesser les guerres indiennes, éloigner la menace que représente les Renards et par eux l’expansion impériale anglaise.

« Affin de n’en pas laisser un seul de la race… ». Les enjeux politico-militaires de la violence

L’auteur analyse le vocabulaire des rapports français : « Mauvais enfants », « nation rebelle ». Les Renards, allés récents, représentent une menace en montrant la faiblesse des autorités incapables de les contrôler et ainsi affaiblir l’alliance franco-amérindienne. Combattre les Renards est, à la fois, nécessaire sur le plan défensif et diplomatique.

Les textes coloniaux atteste d’une volonté de détruire ce peuple sans condamnation de Versailles. Il s’agit de terroriser les Renards pour masquer une relative impuissance militaire. Il semble que les Français aient laissé leurs alliés pratiquer le scalp. Cet usage de la violence est dans l’historiographie, présentée de façon détaillée, qualifié de génocide.

« … les femmes et les enfants qui resteront ». Une politique exterminatrice non génocidaire

L’autel propose de réfléchir sur le concept complexe de génocide : meurtre de masse à qualifier et à quantifier, essentialisation du groupe cible, un but et la guerre n’est qu’un un moyen de le réaliser.

Il analyse les faits et en conclut : « Je ne pense pas que les guerres des Renards s’inscrivent dans une politique génocidaire, bien que plusieurs aspects du conflit puissent s’en approcher, tels l’ampleur des pertes au regard de la population de référence, les catégories de victimes (femmes, enfants) et le langage utilisé. » (p. 117). Il montre que l’analyse est d’autant plus difficile qu’il y a au XVIIIe siècle une perméabilité culturelle par exemple la torture habituelle des prisonniers par les Amérindiens si elle est condamnée par la morale européenne est aussi pratiquée par les troupes coloniales. Le discours des autorités exprime la volonté d’anéantir, idée isolée en1722 sous la plume de Vaudreuil et plus courante dans les années 1730, déshumanise les Renards ce qui plaiderait en faveur du qualificatif de génocidaire. Au XVIIIe siècle la volonté de franciser les Amérindiens cède la place à une nouvelle conception raciale, une vision stricte de l’altérité. Néanmoins l’auteur refuse de conclure au génocide en s’appuyant sur le sens qu’à l’époque on donne du mot « exterminer ». Il note d’autre part que les Renards installés dans d’autres villages ne sont pas pourchassés, la pratique des prisonniers est habituelle et l’idée d’une paix possible est permanente, sur ce point les ordres venus de Versailles semble plus brutaux que la politique de la colonie.

Savoir et faire savoir : les rouages impériaux de l’information

L’auteur s’interroge sur la capacité de Versailles à collecter, faire circuler, traiter les informations en provenance de la colonie pour décider les politiques à conduire, ce qui vu les distances et les temps de déplacement n’est pas une mince affaire. Comment les informations des plus lointains villages des Pays d’en Haut parviennent-elles à Versailles. Qui croire ? Qui sont les « experts » pour interpréter les informations ?

Production, traitement et usage des informations

L’auteur décrit le cheminement de l’information depuis les points les plus reculés de la colonie jusqu’à Québec ou Montréal. Qui sont les rédacteurs des messages, officiers, missionnaires, marchands ? Durant la guerre qu’elle est la proximité des observateurs avec les zones concernées ? Quelle connaissance a-t-on des Amérindiens ? Ce sont parfois des coureurs de bois comme Nicolas Perrot, à qui on demande des rapportsNicolas Perrot, Mémoire sur les mœurs, coustumes et relligion des sauvages de l’Amérique septentrionale, 1716 – publié par les éditions Lux à Montréal en 2007 sur les peuples parmi lesquels ils ont vécu parfois longtemps.

Connaître pour décider : production et circulation de l’information

L’information circule depuis le centre Québec, Montréal vers les marges et en sens inverse. Les Amérindiens demandant aussi des documents écrits. Jusqu’à Versailles seule information officielle circule. Dans la guerre des Renards la jeune colonie de Louisiane envoie aussi des informations, comme ce courrier très critique du père Boulanger à propos de l’expédition de Noyelles de 1735, ce qui permet un croisement des informations. L’auteur donne de nombreux exemples de traitement contradictoire de l’information que ce soit dans la colonie qu’à l’échelle nationale.

Classer pour connaître : la recherche d’un traitement efficace de l’information

Le souci d’informations fiables et bien classées s’exprime dans la réforme de la correspondance officielle que Philippe d’Orléans engage dès le début de la Régence. Cette réforme vise à redéfinir les pratiques de gouvernance après la mort de Louis XIV.

L’auteur s’applique à comprendre comment l’information reçue sur les Renards a été organisée avant et après 1730. Après cette date chaque année un mémoire regroupe les données sur les Renards.

Mémoire anonyme sur diverses nations indiennes (1742)
Mémoire anonyme sur diverses nations indiennes (1742). Ce mémoire sur les « diverses nations indiennes » appartient à la vingtaine de synthèses produites par le bureau des colonies de Versailles où il est question des Renards.(p. 155)

L’étude des archives montrent que l’administration coloniale conservait et réutilisait ces mémoires. Une synthèse sur les « Sauvages » du Canada, datée de 1730, montre l’expertise des commis des ministres à Versailles aidant le ministre dans son travail.

Les usages politiques de l’information

La politique de l’information se résume en trois mots : secret, désinformation et propagande.
La désinformation avait pour but le maintien de la paix au sein des nations du Pays d’en Haut, la limitation des relations commerciales avec les Iroquois qu’on souhaitait abuser et la dissimulation pour protéger les agents du pouvoir colonial et la préparation des expéditions militaires. Une attitude de duplicité fut mise en œuvre à diverses reprises : malgré la trêve ou la paix accordée aux Renards, dans le même temps autoriser contre eux les raids hurons.

L’auteur analyse comment la propagande vise à montrer ma place prépondérante de la France dans l’alliance franco-amérindienne en dépit de ses faiblesses et de ses échecs militaires.

Il existe un second usage politique de l’information, interne à l’empire : pour la métropole réduire l’autonomie des acteurs coloniaux du fait de leur quasi-monopole dans la production de l’information.

La maîtrise de l’information au fondement de l’expertise et de la légitimité coloniales

L’auteur propose un portrait des agents de renseignement à partir de la carrière de quatre d’entre eux : Louvigny, Dubuisson, Noyelles et Marin, des hommes compétents, capable d’hiverner chez les Amérindiens et appréciés de ceux-ci.
Il analyse les stratégies employées pour éviter d’être discréditer en cas d’échec en proposant par exemple une nouvelle interprétation des événements ou en attribuant la responsabilité de l’échec à un autre. Ils sont parfois accuser de pratiquer la traite pour leur propre intérêt au détriment du « bien de la colonie », accusation ancienne, mais les soldes trop faibles et irrégulières rendent la traite souvent incontournable.

Conclue cette seconde partie par le rappel d’une réalité : « Au regard de son espace-temps, l’empire français pourrait apparaître comme une collection de territoires déconnectés les uns des autres, évoluant dans des temporalités éclatées et indépendantes, disparates […] La maîtrise de l’information a dans ce cadre été l’un des moyens par lesquels cet empire s’est toutefois structuré en un ensemble cohérent et solidaire. » (p.206).

Quand l’empire agit : acteurs et pratiques de la politique coloniale

L’auteur rappelle le cadre de la gouvernance impériale en Nouvelle-France, soit l’ensemble des possessions nord-américaines. Si Québec abrite le gouverneur général et l’intendant, le territoire est divisé divisé en cinq gouvernements particuliers : Québec, Trois-Rivières, Montréal, Acadie et Louisiane. Les pouvoirs se partageaient entre le gouverneur, représentant du roi, pour les affaires générales, diplomatiques et militaires et l’intendant pour la justice, la police et les finances de fait plus influent sur la société coloniale. Un Conseil souverain est le troisième organe qui participe à la gouvernance coloniale. La colonie dépend, à Versailles, du secrétariat d’État de la Marine.

L’élaboration d’une politique atlantique –

  • Le Canada au cœur du processus décisionnel impérial

Dans le conflit avec les Renards se pose à tout moment les délais de décision. Quand les ordres arrivent de Versailles, la situation a évolué. Ce sont ces difficultés qui sont analysées ici. L’auteur montre les choix politiques du gouverneur Vaudreuil comme notamment par le rétablissement d’une garnison à Michillimakinac quand Versailles souhaiterai que l’attention se concentre sur les établissements de la vallée du Saint-Laurent. Les décisions prises par les autorités coloniales sont justifiées auprès du pouvoir central par l’urgence à intervenir comme le montre cet extrait de lettre de 1733 : « le gouverneur « ose se flatter que sa Majesté voudra bien approuver la conduite qu’il a tenüe » (p. 222). L’auteur montre que la colonie est solidaire face aux tentatives de contrôle de Versailles et que le gouverneur doit laisser de l’autonomie aux acteurs de terrain comme le laisse voir les traces d’instructions données aux officiers missionnés.

L’étude de la prise de décision dans les guerres des Renards montre que la sanction d’une action par le ministère de la Marine ne que que se faire a posterioriPar exemple dans le cas de l’expédition de 1728, pour la décision de Beauharnois d’envoyer Lignery marcher contre les Renards. p. 232. L’agenda géopolitique, pour reprendre les mots de l’auteur, est entre les mains du gouverneur.

  • Versailles dans le processus décisionnel impérial

L’étude des correspondances montre que si l’initiative est souvent canadienne, le ministre et ses bureaux ne se contente pas de sanctionner mais Versailles collabore à la définition de la politique dans cette guerre contre les Renards.

Cette collaboration concerne surtout la première période 1712-1718 notamment lors de voyage en France des décideurs coloniaux. L’auteur présente de façon très détaillée les analyses différentes sur le conflit naissant. La guerre est envisageable en cas de faute des Renards mais le roi attend des décisions pragmatiques d’autant qu’il doit tenir compte du contexte européen (récent traité d’Utrecht et finances royales à la peine). Pour la colonie les guerres des Renards sont au cœur de la question de la politique d’ouverture vers l’Ouest et l’attitude envers l’expansionnisme anglais.

Dans un second temps 1723-1726 l’irruption de la Louisiane dans le débat permet à Versailles de reprendre la main à partir du double canal d’informations sur la situation. La concurrence entre les deux colonies porte sur le pays des Illinois en relation directe avec la terre des Renards. La Nouvelle-France ne peut être en paix avec les Renards s’ils attaquent la Louisiane.

Les voies de l’obéissance

Ce dernier chapitre vise à montrer quels étaient les moyens de contrôle de la métropole sur les décisions de la colonie.

De fait la carrière des agents du roi est affaire de recommandations et de faveur et donc soumise au bon vouloir du roi entre menaces et encouragements, l’auteur illustre son propos par l’étude de la carrière du gouverneur Vaudreuil. Il en va de même entre le gouverneur et ses subalternes. Le principal moyen de pression est la désignation sur les postes et missions – certains postes de l’Ouest, Michillimakinac ou de la baie des Puants, semblent grâce au commerce des pelleteries être très lucratifs. Le gouverneur peut aussi soutenir un subalterne par des demandes de promotion auprès du ministre, la carrière militaire outre-mer permet un avancement plus rapide par la reconnaissance au mérite. « En 1730 les autorités métropolitaines estiment « convenable de faire esperer le Cordon rouge » (p.269). La perte du Canada entraînant de nombreux retours en France, certains officiers recherchent à faire valoir leur engagement dans cette guerre pour obtenir une pension.

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Conclusion

L’auteur réaffirme le rôle joué par les Renards comme aiguillon géopolitique dans l’emboîtement des spatialités et des temporalités. « L’argumentation des élites politiques coloniales sur la nécessité de réduire les Renards s’insère dans deux spatialités géopolitiques emboîtées : l’espace interne de la Nouvelle-France à préserver, d’une part, et son environnement extérieur (et hostile), d’autre part, dont il faut se prémunir quand bien même la paix règne officiellement sur le continent. » (p. 278). Etudier ce conflit c’est l’occasion d’analyser le mode décisionnel dans l’empire sur le terrain ou dans un bureau versaillais.

En compléments : un tableau des acteurs de la gouvernance impériale (1712-1738), le portrait des acteurs clés de cette histoire et une chronologie.