Cet ouvrage coordonné par Jean-Paul Gourévitch est une première approche bien documentée1. Il accompagne l’exposition La caravane de la mémoire et explore les enjeux et la complexité de la participation des troupes coloniales au premier conflit mondial pour comme l’écrit Eric Deroo2 qui signe la préface : « éviter ce qui pourrait constituer les ferments d’une concurrence des mémoires »3.
L’introduction présente l’équipe qui a réalisé ce travail sous le nom de Solidarité Internationale, une association qui œuvre pour favoriser les échanges entre les cultures. La problématique générale était : Quels étaient ces hommes qui ont quitté leur pays pour combattre en Europe ?
Les courts chapitres qui reprennent les panneaux de l’exposition sont réunis en trois parties chronologiques : avant, pendant, après la Grande Guerre. Un texte synthétique associé à des illustrations bien choisies permet à des lecteurs néophytes une découverte des sujets abordés.
Les forces noires africaines avant la grande guerre
La première partie commence par une rapide présentation de l’histoire de l’Afrique avant la colonisation avec trois focus sur les empires du Ghana, du Mali et du Kongo. La situation au XIXe siècle est centrée sur les entités politiques et sur l’islamisation.
La Force noire avant 1914 est décrite entre protection des premières installations et conquête du Soudan sans oublier la sinistre mission Voulet-Chanoine.
L’image, en France, des Africains est mise en regard de l’image de la France et des Français en Afrique : »du diable au dieu » selon la formule de Tidiane Diakité4. Les auteurs mettent l’accent sur l’image de la France, mère patrie à la veille de la guerre.
Le rôle de Mangin est montré quant à l’utilisation des troupes coloniales en métropole.
Cette première partie se clôt sur un tableau de l’Afrique de 1870 à 1914.
Les forces noires africaines pendant la grande guerre
Après une présentation générale du conflit les auteurs décrivent la conquête des colonies allemandes.
Le lecteur découvre le recrutement des tirailleurs, les résistances locales et le rôle de Blaise Diagne ; puis l’arrivée en France et l’instruction des soldats, la vie dans les camps de Fréjus, St Raphaël, du Courneau (près de Bordeaux). C’est ensuite la présentation de l’engagement des troupes coloniales dès 1914, les Dardanelles, Verdun, le Chemin des dames et la défense de Reims en 1918.
Prenant du recul les auteurs abordent les questions religieuses et culturelles, le problème de l’unité linguistique : le français-tirailleur face à la diversité des langues vernaculaires5.
Un chapitre est consacré aux rapports avec les femmes , des camps féminins dans les cantonnements avant guerre aux lettres des tranchées pour les épouses au pays, si difficiles à écrire ou même à recevoir, des divorces aux mariages mixtes avec les marraines de guerre.
Les tirailleurs sont associés à la victoire lors du 14 juillet 1919 ou sur quelques monuments6 : Monument aux Héros de l’Armée d’Afrique de Reims7, celui de Bamako sont aussi mentionnées les monuments qui concernent la seconde guerre mondiale8. Un paragraphe est consacré à Dakar où la statue de Demba et Dupont érigée dans les Années 20, enlevée après l’indépendance a été réinstallée en 2004 date de création au Sénégal de la fête du Tirailleur.
Le bilan humain est chiffré, difficile à comparer à celui des victimes métropolitaines. Quant au bilan économique et sociétal il est rapidement évoqué. La question des impacts du retour les tirailleurs sur la société africaine elle este posée ?
Les forces noires africaines après la grande guerre
C’est le retour au pays, à la vie civile : insertion dans l’administration , ambitions politiques et droit à pension.
Les tirailleurs furent, entre les deux guerres, employés notamment lors de l’occupation de la Rhénanie provoquant l’expression de racisme dans la presse allemande.
En France l’image du noir connaît des évolutions : exposition coloniale de 1931, nouvelle présence en métropole et pas seulement sur la boite de banania mais aussi dans la littérature. A noter un intéressant paragraphe sur la littérature jeunesse.
En Afrique aussi les images changent, le Blanc n’est plus le maître puissant. Les auteurs proposent un tableau des atouts et faiblesses de l’Empire colonial.
En conclusion il est rappeler que l’exposition est toujours disponible9. On trouve en annexe : la liste des planches et une proposition d’exploitation pédagogique
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1Bibliographie de qualité pp.244-253
2Historien et réalisateur associé au CNRS
3p. 10
4Tiré de Louis XIV et l’Afrique Noire, Arlea, 2013 et cité p. 59
5Carte p. 139
6Une vingtaine selon le blog : tirailleursafricains.blogspot.fr
7Sur ce sujet voir le chapitre Les pérégrinations du Monument aux Héros de l’Armée Noire de Reims (Cheikh Sajho) in Philippe Buton, Marc Michel (dir.), Combattants de l’empire. Les troupes coloniales dans la Grande Guerre, Vendémiaire, 2018
8Tata de Chasselay, Mémoriel à l’Armée d’Afrique de St Raphaël, Mémorial de l’Armée noire de Fréjus.
9Au près de Solidarité Internationale par email (solidariteinter@yahoo.fr) ou par téléphone (06 20 30 35 06 – 01 46 80 11 78