La collection le monde une histoire des éditions Ellipses s’adresse à ceux qui veulent s’initier aux grands thèmes et problématiques historiques. Pour traiter des relations internationales entre 1919 et 1939, elles ont choisi de faire appel à Christian Birebent. Celui-ci enseigne au lycée Couperin de Fontainebleau, mais c’est aussi un spécialiste des relations internationales auteur d’une thèse sur les militants de la paix et la SDN.
Le titre de l’ouvrage annonce d’emblée le choix de l’auteur, il ne s’agit pas de réduire cette période à un entre-deux-guerres, à une simple parenthèse débouchant sur un deuxième conflit mondial qui serait la conséquence inéluctable du premier.
Les relations internationales entre 1919 et 1939 sont certes marquées par les séquelles de la Première guerre mondiale, l’auteur consacre d’ailleurs la première partie de son ouvrage à cette longue sortie de guerre. Mais on ne peut les réduire à cela, de nombreux facteurs entrent en jeu : contexte économique, rôle des états, des opinions publiques et des hommes politiques… Et l’on peut voir que les années 20 ont été marquées par l’espoir d’une paix durable comme le monte C Birebent dans la deuxième partie de son ouvrage. La dernière partie étant consacrée à la marche à la guerre durant les années 30.
Si le découpage de l’ouvrage en grande parties est chronologique, à l’intérieur de chacune d’elles l’auteur adopte une approche thématique qui permet de mettre en évidence des points souvent délaissés.
Des traités inégalement respectés dans l’immédiat après guerre.
L’ouvrage s’intéresse aux principaux acteurs des conférences de paix des années 1919-1920. Il met bien en évidence les attentes de chacun, les contradictions entre les objectifs politiques des vainqueurs et les réalités économiques européennes.
Les divisions sur l’attitude à adopter face à l’Allemagne apparaissent rapidement entre d’intransigeants français et des anglo-saxons plus accommodants. Les intérêts financiers rejoignent les aspirations géopolitiques. Les uns veulent que l’Allemagne paie à tout prix d’importantes réparations, les autres se préoccupent d’obtenir de leurs alliés le paiement de leurs dettes et des possibilités d’expansion économique.
De nombreuses questions de nationalités et de frontières restent également en suspens. Les cas de l’Allemagne ou de l’Italie sont en général connus. Mais les Hongrois, les Polonais, les Soviétiques, les Turcs…ne sont pas satisfaits non plus. L’auteur passe ainsi en revue les attentes des différents états.
La politique extérieure du nouvel état soviétique est étudiée. Comment arriver à concilier révolution mondiale et réalités d’une guerre civile, puis d’une guerre avec la Pologne ? Cela débouche sur une première coexistence pacifique avec l’Occident qui met fin aux mouvements révolutionnaires mais n’empêche pas la formation de la III° internationale et le développement de relations avec les mouvements nationalistes des territoires colonisés.
Aux frontières de l’Europe, par la force, la Turquie réussit à remettre en cause le traité de Sèvres. Mustapha Kemal exploite habilement les divergences de vues entre les puissances et obtient, par le traité de Lausanne, une amélioration sensible de la situation de son pays.
L’impact de la guerre sur les peuples colonisés par les Européens est abordé. Qu’il s’agisse de la naissance des mouvements nationalistes, de l’évolution de leurs revendications ou des réponses insuffisantes apportées par des métropoles, l’auteur fait ici une synthèse utile à l’enseignant de première ou de terminale.
Les années vingt, la paix en perspective.
La prospérité économique des années vingt fait souvent oublier les difficultés de la sortie de guerre qui se sont manifestés par des troubles sociaux et une grande instabilité financière dans de nombreux pays. En 1922, la conférence de Gênes créa un nouveau système financier international basé sur l’étalon de change or. La valeur des monnaies ne dépend plus uniquement des réserves en or de chaque état, elle intègre aussi les réserves en devises convertibles en or (dollar puis livre sterling). Il fallut cependant encore deux ans pour que soit réglées les questions des réparations par le Plan Dawes.
Le triomphe des idéaux de la sécurité collective et de la SDN dans les années vingt est illustré par la profonde amélioration des relations entre la France et l’Allemagne qui voit celle-ci faire son entrée à la SDN et la signature des accords de Locarno.
Néanmoins, l’absence des Etats-Unis pèse. Première puissance mondiale, ceux-ci refusent de s’impliquer dans un système de sécurité collective susceptible de les entraîner dans un conflit. Mais ils ne sont pas pour autant totalement repliés sur eux-mêmes comme le montre leur rôle dans le règlement de la question des réparations et leurs investissements massifs en Allemagne. Là où les intérêts américains sont en jeu, la diplomatie américaine joue son rôle, et c’est particulièrement vrai pour l’Asie. La conférence de Washington permet de consacrer la supériorité navale des Etats-Unis sur le Japon, et d’obliger celui-ci à reculer en Chine. L’influence américaine ne décroît pas non plus en Amérique latine, les Etats-Unis favorisant la mise en place du régime de Somoza au Nicaragua. Il ne s’agit donc pas d’un véritable isolationnisme.
On peut en dire autant de l’URSS, dont la politique extérieure, durant les années 20, est largement dépendante des luttes pour la conquête du pouvoir. L’état soviétique obtient sa réintégration dans le jeu des nations comme en témoigne les nombreux traités de voisinage et d’amitiés signés. Mais l’influence communiste reste limitée, le Kominterm enregistre de nombreux échecs, en Chine comme en Allemagne.
La politique étrangère de Mussolini se heurte elle aussi à de nombreuses difficultés. L’Italie est peu satisfaite des traités et désireuse d’étendre son influence sur l‘Albanie et la Yougoslavie. Mais elle se heurte au rapprochement franco-yougoslave.
Cependant, dans les différents états européens, les opinions publiques oscillent entre nationalisme et pacifisme. C’est dans les démocraties occidentales que les courants pacifistes sont les plus importants. Mais même dans les états totalitaires où les discours nationalistes mobilisent les foules, la perspective d’une nouvelle guerre fait peur.
Les années 30 et la marche à la guerre.
La grande dépression de 1929 joua un rôle important dans le repli sur soi des états. Le protectionnisme, l’autarcie, la préférence coloniale entraînent un effondrement des échanges mondiaux. Mais surtout, il n’y a pas de mise en œuvre de politique concertée. Chaque état adopte égoïstement ses solutions, ce qui n’améliore pas le climat international. Sur le plan intérieur, la crise sociale provoque une radicalisation des pratiques politiques et la montée de forces et partis contestataires.
Dans de nombreux états méditerranéens ou d‘Europe centrale ou orientale les mouvements d’extrême-droite se renforcent, les régimes se radicalisent, le discours est franchement nationaliste.
Un phénomène semblable se produit au Japon. Les courants nationalistes de l’armée finissent même par provoquer l’invasion de la Chine. Mais le Japon n’arrive pas à la soumettre, et il est défait par Joukov lorsqu’il tente d’étendre son influence sur la Mongolie. A la faveur des défaites franco-britanniques de 1940, et sous la pression de la marine, les ambitions japonaises vont alors se tourner vers le Pacifique.
Il n’y a cependant qu’en Allemagne que cela débouche sur la mise en place d’un régime totalitaire. La politique extérieure nazie est basée sur une remise en cause du traité de Versailles partagée par de nombreux allemands et qui fait de la France, adversaire traditionnel des nationalistes, un ennemi à abattre. Hitler ajoute, au nom de sa conception raciste et anticommuniste du monde, les Juifs et l’Union soviétique.
Jusqu’en 1936 la politique étrangère allemande reste peu ambitieuse. L’Allemagne se retire de la SDN, et brise peu à peu les interdits du traité de Versailles. Hitler subit cependant un revers en 1934 lorsque Français, britanniques et Italiens réaffirment leur opposition à l’Anschluss. Il n’exclut pas non plus la négociation et signe en 1934 un traité avec la Pologne en 1934. Tandis que le réarmement naval allemand se fait avec le consentement des britanniques qui préfèrent tenter de le contrôler plutôt que de s’y opposer vainement.
Le rapprochement entre nazis et fascistes ne se produit qu’après que l’Italie ait attaqué l’Ethiopie. Un conflit qui ne va pas sans de nombreuses difficultés, diplomatiques, mais aussi militaires comme le rappelle C Birebent. Néanmoins, dès lors les deux régimes totalitaires vont soutenir d’un commun accord les forces nationalistes dans la guerre d’Espagne. Conflit symbole de la lutte antifasciste et de son échec. De plus, Mussolini ne va pas s’opposer à la réalisation de l’Anschluss.
La surenchère guerrière est un élément indispensable au discours des régimes fascistes et nazis désireux d’aller de l’avant. Pourtant, en Italie comme en Allemagne, la guerre fait peur à la population comme à une large partie des élites.
Cela n’empêche pas l’enchaînement des crises durant la deuxième moitié des années 30 ; leurs mécanismes sont présentés par l’auteur. Il montre les hésitations et les divisions des partis politiques des démocraties, mais rappelle que cela va de pair avec la mise en œuvre d’une politique de réarmement. Certes ces politiques n’ont pas encore atteints leurs objectifs en 1939, mais le réarmement allemand non plus. Hitler ne croyait pas en la possibilité d’une guerre mondiale dès 1939. Plus que la supériorité en arme, c’est la doctrine d’emploi qui explique les succès militaires allemands.
D’autant plus que Français et Anglais ont fait des efforts sur le plan diplomatique, mais ils se sont heurtés au refus de coopérer des belges soucieux de respecter une stricte neutralité et au manque de confiance de Staline dans l’attitude des démocraties à son égard.
En conclusion, cet ouvrage « Les relations internationales 1919-1939, la paix impossible ? » évite le simple déroulé chronologique des évènements pour une approche thématique qui permet des entrées directes dans les différents thèmes. Les relations internationales sont replacées dans leur contexte économique et national, ce qui facilite la compréhension des différents enjeux. L’auteur a le souci de nous donner des pistes pour approfondir, chacun des chapitres se termine par une bibliographie sélective. Un ouvrage utile à celui qui veut aborder cette période méconnue et à l’enseignant de première désireux de trouver une synthèse accessible.