Comprendre la Corée du Sud par le droit et ses institutions

L’Atelier des Cahiers est une maison d’édition spécialisée dans les ouvrages présentant la Corée. Après la publication d’un rapport sur les recherches archéologiques à Kaesong en Corée du Nord en 2017, puis d’un guide culturel intitulé « Croquis de Corée » en 2018, le droit est à l’honneur dans cette publication parue au printemps 2021.

L’auteur de cet ouvrage est Christophe Duvert, avocat et professeur à l’université Soongsil, située à Séoul. Son objectif est présenter la justice sud-coréenne d’un point de vue philosophique, pratique et sociologique. A ce titre, il sera particulièrement utile et intéressant pour les élèves de terminale ayant choisis l’option « Droit et enjeux du monde contemporain » afin de décentrer le regard occidentalo-centré en matière de justice.

Ce livre a été écrit grâce à des recherches effectuées par l’auteur dans le cadre de son doctorat de droit. En s’appuyant sur des sources coréennes, chinoises et occidentales, Christophe Duvert parvient à expliquer les principes, le fonctionnement et les enjeux de la justice en trois chapitres. Le système coréen est proche du système judiciaire français (procédure d’appel, une cour suprême qui rappelle la Cour de Cassation en France) mais se démarque par des procédures différentes, sa grande rapidité et une formation unique pour les juges et avocats. Par exemple, à la page 215, l’auteur rappelle qu’une loi a mis fin en 2007 au monopole de l’Université nationale de Séoul : près de 70% des admis à l’examen judiciaire sortaient de cette seule université. Une situation qui n’est pas sans rappeler, dans une proportion moindre, la situation des préparations à l’agrégation d’histoire et de géographie depuis une dizaine d’années.

Outre l’inscription de la notion de justice sur le temps long marquée par l’influence chinoise, puis le fonctionnement général du système judiciaire, Christophe Duvert aborde également la question des peines. Les historiens s’intéresseront aux descriptions de la flagellation et aux images peintes de la fin du XIXe siècle représentant le déroulement d’un interrogatoire.

La pratique de la torture est âprement discutée par les rois et les intellectuels du royaume de Choson (Corée), car le risque de blessures infligées à des innocents était grand et allait surtout à l’encontre de l’harmonie de la nature. Il faisait naître un profond sentiment d’injustice chez les gens qui en étaient victimes. […]

Nous avons vu que la forme la moins sévère de châtiment physique qui pouvait être légalement infligée par le magistrat était la flagellation du fessier (taehyong) au moyen de la fine verge de bois. La peine la plus sévère se faisait au moyen d’un bâton plus épais (changhyong). Chaque peine prévoyait un nombre de coups plus ou moins important selon la gravité du crime et des combinaisons de peines pouvaient être prononcées. […] Selon Chong Yag-yong (1762-1836), un homme d’Etat et intellectuel de renom la peine physique la plus forte doit blesser et effrayer sérieusement le criminel, la peine moyenne est faite pour lui infliger une grande douleur, et le niveau le plus bas doit montrer le pouvoir de la loi.

Les voies de la justice en Corée du Sud, Christophe Duvert, L’Atelier des Cahiers, 2021, pages 258-259

L’auteur est particulièrement convaincant lorsqu’il distille de petites anecdotes et le fonctionnement sur le terrain de la justice. Par exemple, il n’est pas rare que les grands cabinets d’avocats recrutent à prix d’or d’anciens magistrats afin de profiter de leurs carnets d’adresses.

Lorsqu’un avocat ou un cabinet prend une nouvelle affaire allant passer devant un tribunal, il prend soin avant toute chose d’envoyer un mail à ses collègues pour savoir qui connaît le magistrat (dans ce mail est généralement inclus le profil complet du magistrat avec sa photo). La mise en relation par les canaux informels est des plus naturelles et répandues en Corée du Sud.

Les voies de la justice en Corée du Sud, Christophe Duvert, L’Atelier des Cahiers, 2021, pages 209-210

En conclusion, un livre dense et agréable à lire qui décentre le regard sur le notion de justice à travers l’exemple sud-coréen.

Pour ceux qui souhaitent prolonger la découverte de l’ouvrage, la librairie parisienne le Phénix propose une rencontre en présentiel et sur Zoom avec l’auteur, le mercredi 21 Juillet 2021 à 18h00. Pour y assister, il est nécessaire de s’inscrire ici : https://www.librairielephenix.fr/evenements/christophe-duvert-42641.html

Notons qu’un ouvrage particulièrement original sortira en septembre 2021 grâce à l’Atelier des Cahiers. « Faire du terrain en Corée du Nord – Écrire autrement les sciences sociales » de la géographe Valérie Gelézeau et de l’anthropologue Benjamin Joinau a pour objectif de répondre à la question suivante : « Mais quelle recherche scientifique peut-on mener dans le contexte fermé d’un pays totalitaire où l’enquête ethnographique est impossible ? Que rapportons-nous de nos voyages et que disons-nous de la Corée du Nord ? ». Il est vrai que depuis plusieurs années, grâce à un important travail de Patrick Maurus, spécialiste de la littérature coréenne et véritable passeur, mais aussi de Valérie Gelèzeau (qui travaille sur les villes), des étudiants français ont pu effectuer des sorties sur le terrain, notamment à Pyongyang (pour étudier les parcs de loisirs) ou autour de Kaesong (sur l’art dans les temples bouddhistes). Une sortie attendue !

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes