C’est à l’Inde, puissance émergente qu’est consacrée cette année la question de géographie régionale du CAPES et ce n’est pas un hasard si la Documentation photographique publie un dossier sur cette thématique quelques mois avant les épreuves. Parfait outil de révision pour les préparationnaires, ce numéro permettra également aux enseignants du secondaire de faire le point sur cette question inscrite dans les nouveaux programmes du collège comme dans ceux du lycée.
La photographie de couverture mettant en scène le premier ministre indien dans une séance collective de Yoga journée internationale du yoga, le 21/06/2015, pourrait laisser croire qu’Anne-Cécile Hoyez Hoyez, A.-C., 2012. L’espace-monde du yoga : De la santé aux paysages thérapeutiques mondialisés, PU Rennes, ayant consacré sa thèse à cette pratique, est l’auteure de ce numéro, alors qu’il s’agit de Lucie Dejouhanet, MCF à l’Université des Antilles. Cette couverture renvoyant à la volonté indienne d’accroître son soft power intrigue par la composition de l’image puisque Narendra Modi est entouré quasi-exclusivement de femmes dans un pays où le sex-ratio voir à ce propos la double page : « La place des femmes » est pourtant très déséquilibré, au détriment de la gente féminine.
Neuf ans après la Documentation photographique de Frédéric Landy, intitulée « L’Inde ou le grand écart », il a semblé nécessaire de faire le point sur les inégalités indiennes. Si ces dernières se maintiennent, l’Inde est un « sous-continent en mouvement et même si son poids démographique et ses multiples héritages provoquent une forte inertie, elle est traversée par de nombreuses dynamiques de changement. » (p. 2) Depuis 1991 et les mesures libérales adoptées, le pays a fait du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) un élément moteur de sa croissance économique. Cette orientation vers les activités de services en lien avec les TIC, basée sur les 202 ZES en activité en 2015, est génératrice d’inégalités spatiales à l’échelle nationale. Le développement des ZES est par ailleurs responsable d’un étalement urbain majeur s’appuyant sur le développement du parc automobile. Tout l’enjeu, désormais, est que les ZES soient les pivots de corridors de développement visant à structurer spatialement le développement économique indien. Ces projets ne doivent pas faire oublier que la pauvreté est toujours un défi d’actualité voir les graphiques, certes anciens (1983-2005), sur la pauvreté rurale et pauvreté urbaine en Inde par catégorie sociale, p. 27, la stratégie de développement du gouvernement favorisant l’industrie au détriment du secteur agricole au système productiviste en crise.
La partie géopolitique de ce numéro est assez fournie et l’auteure rappelle les enjeux pour l’Inde de faire sa place parmi ses ennemis. Il lui faut entretenir des relations de bon voisinage afin de maintenir à distance la Chine avec qui les objets de discorde persistent Le conflit sino-indien de 1962 a marqué les mémoires indiennes. La Chine n’apprécie pas que l’Inde héberge le Dalaï-Lama et le gouvernement tibétain en exil. La stratégie du collier de Perles chinois inquiète au plus haut point l’Inde qui s’estime encerclée. L’Inde craint une guerre de l’eau depuis la mise en service fin 2014 par la Chine d’un gigantesque barrage hydroélectrique sur le Brahmapoutre mais aussi d’asseoir sa puissance à l’échelle mondiale. Les essais nucléaires de 1988, comme son arsenal militaire et ses avancées dans le domaine spatial – voir les doubles pages « Un arsenal militaire en expansion », « L’ambition spatiale de l’Inde » – ont fait admettre l’Inde au rang des puissances.
Au final, ce numéro regorge de documents utilisables en classe ou pour illustrer une copie de concours. Il est toutefois regrettable que le document « La structure urbaine de l’Inde » soit illisible. Même si ce document complexe est disponible en accès libre sur l’excellent site de Géoconfluences, (contrairement aux autres ressources du numéro accessibles uniquement sur abonnement aux compléments numériques), la lecture de la revue en est interrompue. Sans vouloir rejouer la querelle des anciens et des modernes, je veux pouvoir, en tant que lectrice, bouquiner affalée dans mon canapé sans avoir besoin de recourir à internet !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes