L’ours et le renard, Histoire immédiate de la guerre en Ukraine est un pari risqué, mais réussi.

 

Écrire une histoire immédiate expose nécessairement à des difficultés majeures. Le manque de recul, l’emprise des passions, des sentiments tout simplement humains conduisent Michel Goya et Jean Lopez à expliquer dès l’introduction qu’il y aura nécessairement des erreurs, des ajustements dans les travaux futurs des historiens. Cependant ce caractère immédiat qui peut être une gageure dans le cadre d’une recherche historique, repose néanmoins sur l’exploitation des multiples sources qui inondent aujourd’hui les médias et les réseaux Internet. Le caractère historique est aussi à mettre en perspective avec la temporalité des travaux. Michel Goya et Jean Lopez ont commencé à travailler au mois de septembre, c’est-à-dire un peu plus de 6 mois après le début de l’offensive russe. Il y a donc bien un début de recul qui a pu s’amorcer.

 

Présentation de l’éditeur

Dialogue au sommet sur la guerre en Ukraine
Depuis février 2022, chacun d’entre nous est bombardé d’informations sur la guerre en Ukraine. Des informations hachées, parcellaires, souvent contradictoires, dans lesquelles on ne sait comment démêler le vrai du faux. Depuis son début, Michel Goya et Jean Lopez se concentrent sur ce conflit, le premier en tant que chroniqueur militaire pour une chaîne d’information continue, le second comme spécialiste de l’histoire militaire russe et soviétique. Tous deux ont décidé d’entamer un dialogue de plusieurs mois, en échangeant informations et analyses. L’ours et le renard est le résultat de ce long et passionnant échange au jour le jour. Précédés d’une indispensable introduction sur l’histoire longue de la relation russo-ukrainienne, cinq chapitres nous font pénétrer au cœur des combats, relevant les surprises (et elles n’ont pas manqué !), les forces les faiblesses, les bévues, les révélations et les nouveautés apportées par ce conflit qui a déjà fait plus de 350 000 victimes et mis le monde, et singulièrement l’Europe, sens dessus dessous. C’est littéralement les clés d’une Histoire qui se fait sous nos yeux que livrent Michel Goya et Jean Lopez, forts de leurs expériences complémentaires. Cet ouvrage est indispensable non seulement aux amateurs d’histoire militaire mais à tout citoyen désireux de comprendre l’énorme embrasement qui se produit à l’est et dont chacun craint que des flammèches viennent jusqu’à nous.

Les risques de ce travail sont donc doubles. D’un côté l’émotion, car les deux historiens, comme nous tous, sont emportés par les faits, par les images. La question de l’empathie pour l’agressé, le fait que de nombreux réfugiés ukrainiens ont rejoint des pays dans toute l’Europe, ne peuvent être totalement occultés. Les analyses baignent dans un bain émotionnel dont il faut avoir conscience. La quête de l’impartialité est plus que difficile et les auteurs en ont pleinement conscience. Le rappeler aux lecteurs est une forme d’honnêteté intellectuelle qui doit être soulignée.

Afin d’aller plus loin dans leurs réflexions les auteurs, exposant les sources utilisées, occidentales, russes et ukrainiennes, rappellent que dans toute guerre l’information est manipulée. Tous les camps exploitent la vérité et les mensonges. Si la propagande russe est clairement décelable, la propagande ukrainienne n’en est pas moins active et efficace. Moscou ment, Kiev en est tout autant capable et de nombreux exemples l’illustrent depuis le début de l’invasion russe.

La question des archives, nécessaires à l’histoire, pose aussi la question de leur nature. Il y a bien des textes et les sources écrites, notamment disponibles sur Internet. Mais aussi et surtout une quantité phénoménale d’archives audiovisuelles. Dans ce sens ce travail d’histoire immédiate exploite d’ores et déjà des sources qui seront les mêmes dans un demi-siècle. Nul doute que de nouvelles archives papier verront le jour et permettront de mieux discerner le vrai du faux dans certains faits. L’exploitation du discours du visuel pratiqué ici, dès lors qu’il est fait avec « le nécessaire doute cartésien », ce qui le cas, est tout à fait pertinente.

Les cartes proposées sont de qualité et très utiles. Le format ne gène pas leur exploitation.

 

L’ours et le renard : introduction sur le caractère historique du conflit

 

Une excellente synthèse introductive permet de remonter les racines de la guerre, en s’appuyant principalement sur les ouvrages de Andreas Kappeler, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux. Du Moyen Âge à nos jours, CNRS éditions, 2022, et l’ouvrage de Serhii Plokhy, Aux portes de l’Europe, Gallimard, 2022.

Premièrement les deux historiens rappellent que Russes et Ukrainiens sont différents, ne formant pas, contrairement à ce que pense et a souvent affirmé Vladimir Poutine, un seul et même peuple. Le point de départ des crispations actuelles est plutôt à chercher dans la construction de l’Union soviétique, entre un grand frère russe et un petit frère ukrainien, et non point dans un lointain Moyen Âge largement fantasmé. Les auteurs reviennent ainsi sur les conséquences immédiates de la Révolution d’octobre 917, l’effondrement du pouvoir tsariste, et la mise en place du pouvoir communiste. Bien entendu l’Holodomor de 1932 1934 a profondément marqué les Ukrainiens. Non planifié par le pouvoir stalinien, il n’en reste pas moins qu’il a été largement utilisé et finalement valorisé par Staline.

 

Le poids douloureux de la seconde guerre mondiale

 

La seconde guerre mondiale a vu dans l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne se développer en courant largement exploité aujourd’hui par Moscou. Le chef des partisans de la fraction la plus radicale du mouvement national (Organisation des Nationalistes Ukrainiens ou OUN) Stepan Bandera, les pogroms, les nettoyages ethniques des Polonais, la collaboration avec l’occupant, sont autant d’éléments qui sont instrumentalisés pour expliquer le caractère nazi d’une partie du pouvoir ukrainien. Néanmoins les deux historiens rappellent fort à propos que de nombreux Russes se sont aussi battus aux côtés des Allemands et que de nombreux Ukrainiens aussi été nommé « justes parmi les nations ». Proportionnellement l’Ukraine en 1945 a subi plus de morts et de destructions que la Russie soviétique.

 

Ukraine soviétique et dislocation de l’URSS

 

Après la guerre, jusqu’au premier Maïdan, l’Ukraine se développe au sein de l’URSS de façon positive. Le pouvoir communiste y a conservé assez longtemps un rôle important. Dans la confusion de la dislocation de l’URSS, l’idée d’une nouvelle indépendance se développe petite à petit. Le 1er décembre 1991 un référendum approuve à 90% la 3e déclaration d’indépendance de l’Ukraine, et c’est Léonid Kravtchouk qui est élu comme premier président. Il est intéressant de noter que même dans les régions russophones, Donetsk et Crimée, le « oui » l’a emporté (respectivement 83 % et 54 %).

Plusieurs questions se posent assez vite en ce début de nouveau monde ; 5000 têtes nucléaires ex-soviétiques entreposées en Ukraine, la question de la Crimée, sont autant de points saillants qui, par la négociation, finissent par être réglés. L’Ukraine est dénucléarisée et la Crimée demeure ukrainienne, même si la base de Sébastopol est louée pour 20 ans, le bail devant expirer en 2017. En 2010 il a été prolongé jusque 2042, contre du gaz russe.

 

Le processus de rupture

 

De nombreuses fissures apparaissent cependant entre les sociétés russes ukrainiennes. Petit à petit l’élargissement de l’Union européenne et de l’OTAN à l’Est commencent à poser des questions tant à Moscou qu’à Kiev. Si le premier Maïdan a permis à l’Ukraine d’accéder à l’indépendance, les deux autres vont mener aux tensions actuelles.

L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine coïncide avec un réveil nationaliste et autoritaire. À partir de 2004 le maître du Kremlin mène des campagnes politiques offensives en direction des anciennes républiques soviétiques. C’est dans ce cadre que la « Révolution orange » de 2004, le second Maïdan, débouche sur une humiliation pour Moscou, qui voit la victoire de Iouvhtchenko face au candidat du Kremlin Ianoukovytch. La situation se détériore petite à petit et ce d’autant plus que Moscou craint de voir une éventuelle intégration européenne de l’Ukraine permettre à l’OTAN de s’installer à ses portes. Entre le mois de novembre 2013 et le mois de février 2014 des troubles conduisent à un troisième Maïdan, aux atours de révolution.

 

Rupture et engrenage

 

Dès le 21 février débutent des combats aux atours de guerre civile dans le Donbass tandis que le 22 février Vladimir Poutine décide d’envahir la Crimée. C’est le point de départ de la guerre. Alors que la Crimée finalement tombe facilement, la situation dans le Donbass est beaucoup plus complexe. Il faut attendre le mois d’avril pour que les combats commencent véritablement. Des forces armées ukrainiennes encore totalement formatée par l’expérience soviétique, subissent de nombreux revers. De façon très claire les forces russes interviennent de plus en plus directement, notamment par le biais de forces spéciales.

 

La matrice de la guerre

 

Après diverses opérations, les forces ukrainiennes semblent prêtes à prendre le dessus à l’été face aux forces levées par les pro-russes dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk. C’est un point central de cette introduction. Divers combats sont analysés, illustrant la supériorité des Russes et les difficultés de plus en plus importantes de l’armée ukrainienne. Ainsi, le 11 juillet 2014, à Zelenopillya, un bataillon mécanisé ukrainien est anéanti en 3 minutes par un tir de lance-roquettes multiples russes. Les interventions de plus en plus claires de bataillons russes fragilisent les forces ukrainiennes. L’offensive lancée au mois de janvier 2015 met en avant le très difficile combat autour de l’aéroport de Donetsk. Les forces ukrainiennes se défendent avec âpreté, ce qui donne finalement une image des combats à venir.

À l’orée des années 2020 deux faits accélèrent le processus. Ce mouvement de fond s’accompagne de l’utilisation accélérée de la radio, de la télévision pour accompagner un divorce durable avec Moscou. Dans le même temps l’élection de Volodymyr Zelensky en 2019, de Joe Biden aux États-Unis, modifient la donne politique. Les tensions progressent petit à petit et Vladimir Poutine finit par couper tout effort de discussion véritable dans la mesure où il affirme que Russes et Ukrainiens ne forment qu’un seul peuple. Au mois d’octobre 2021 le divorce est consommé et il semble clair, ce qu’ont montré les services secrets américains à partir du mois de novembre 2021, mais qu’on n’a pas forcément voulu voir, y compris en France, que Moscou a décidé d’en finir et prépare en ce sens une invasion.

Cette introduction est donc l’occasion, en une trentaine de pages, de disposer de solides bases historiques pour comprendre la suite.

Le livre prend à partir de maintenant la forme d’un dialogue, comme celui absolument passionnant qui avait été mené entre Jean Lopez et Benoist Bihan dans le livre Conduire la guerre, entretiens sur l’art opératif.

Ce dialogue est divisé en 6 parties :

1  – Deux armées en mutation

2 – L’échec de la blitzkrieg

3 – Retour au Donbass

4 – La contre-offensive ukrainienne

5 – Guerre des missiles et cyber guerre

6 – Seconde offensive russe ou Donbass : l’enlisement et après ?

Comme dans son dialogue avec Benoist Bihan, Jean Lopez pose les questions. Michel Goya, avec beaucoup de pédagogie, apporte des éléments techniques et militaires tout à fait accessibles. Jean Lopez, avec le talent qu’on lui connaît, permet une mise en perspective plus large, en exploitant notamment ses travaux sur la seconde guerre mondiale et plus particulièrement sur le front de l’Est.

C’est bien écrit et pour qui aura suivi depuis le début ces événements tragiques, il pourrait ne pas y avoir de surprises. Mais les auteurs parviennent à apporter un véritable plus grâce à leur expertise. Le temps médiatique n’offre pas le luxe offert par ce livre ; le temps de réfléchir et de mettre en perspective.

 

Deux armées qui se sont transformées

 

Première leçon : cette guerre est absurde d’un point de vue stratégique car les objectifs perceptibles, à savoir l’effondrement total de l’Ukraine, ont été visé avec des moyens beaucoup trop faibles. La puissance militaire russe visible a été celle des grandes parades et des grands exercices ZAPAD, largement illustrés dans les médias. Une forme d’intoxication de la part de Moscou, mais aussi d’auto intoxication du côté occidental a clairement joué dans la surprise de découvrir la faiblesse structurelle des forces russes sur le terrain.

Après l’effondrement de l’URSS, l’Armée Rouge a entamé un long processus de transformation. En février 2022 ce dernier n’était pas achevé, de très loin même. Si de réels efforts de modernisation ont été faits, il semble bien, ce que montre parfaitement cet ouvrage, que l’effort est été largement suffisant dans l’encadrement, dans les hommes. Le meilleur des chars possibles, s’il est employé stupidement par des officiers ou sous-officiers déficients, ne sert pas à grand-chose. Déjà en 1941 lors de Barbarossa, les blindés soviétiques étaient supérieurs techniquement aux Panzers, mais ces derniers étaient servis par des hommes beaucoup mieux formés. Cette armée continue à se transformer du fait des pertes depuis un an, et elle apprend.

Une guerre qu’on n’a pas voulu voir ?

 

Les auteurs montrent que si cette guerre a surpris beaucoup de monde en février 2022, ceci s’explique pour partie par le faite que nous avons refusé les évidences. Nous sommes enfermés dans la bulle rassurante d’une paix, d’une sécurité, d’une rationalité qui ne pouvait admettre l’impensable décision de Vladimir Poutine. Si les services de renseignement américains ont averti tout le monde, du moins leurs alliés occidentaux, force de constater que les services français, jusqu’au bout, n’y ont pas cru. Bien entendu, du côté ukrainien, il n’est pas de surprise véritable. L’Ukraine s’est préparée. Volodymyr Zelensky n’a pas décrété la mobilisation générale afin, le rappelle Michel Goya, de ne pas provoquer panique. Mais les forces armées ukrainiennes sont préparées à l’agression.

Il apparaît donc que Vladimir Poutine a commis une double erreur. La première a été de croire que son armée était prête pour une campagne éclair devant mener à l’effondrement de l’Ukraine. La seconde est d’avoir très largement sous-estimé les Ukrainiens et leurs niveaux de préparation. Chose surprenante, l’armée russe manque en réalité d’hommes, véritablement formés, et prêts au combat. Son matériel est loin des standards occidentaux espérés, même si en termes de masse, des brigades aux régiments, les Russes disposent de plus de matériels que leurs adversaires ukrainiens, dans un ratio de un à deux concernant les pièces d’artilleries par exemple.

 

Le mirage étrange d’une blitzkrieg

 

De façon tout à fait claire les auteurs permettent de retisser la trame des événements de la fin février début mars qui auraient dû, selon le plan visiblement mis en place par l’état-major russe, amener une victoire rapide en quelques jours. Les probables tentatives de décapitation du régime ukrainien, à commencer par la traque de Volodymyr Zelensky à Kiev, l’échec dans la prise et la conservation de l’aéroport d’Hostomel, qui devait ouvrir la voie de la capitale sont très bien expliquées. Parmi les éclairages les plus intéressants, aujourd’hui largement vérifiés, le fait que les soldats russes pour l’essentiel, ont été étonnés de se retrouver en Ukraine et plus généralement de se faire tirer dessus. S’il y a quelques réussites au Sud, ce qu’il ne faut surtout pas négliger car partant de Crimée jusqu’à Marioupol les Ukrainiens ont connu des échecs importants, il n’en reste pas moins que l’effondrement de l’Ukraine ne s’est pas produit. Pire, les Occidentaux, qui ont aussi été sous-estimé dans leur capacité à soutenir les Ukrainiens, ont permis par l’aide matérielle massive d’offrir du temps à la défense et de préparer de contre-offensive.

 

Le retour de bâton

 

Les différents systèmes occidentaux, « HIMARS » américain, « Caesar » français ou encore « PzH 2000 » allemands pour ne parler que des plus médiatisés, ont été véritablement opérationnels à la fin du mois de juin 2022. Outre le matériel, il fallait en effet former des équipages. La contre-offensive ukrainienne de l’été a débouché sur un retour de la guerre de manœuvre très surprenant. Alors que dans le Donbass la situation s’est figée en combats extrêmement meurtriers des deux côtés, divers axes de progression dans les environs de Kharkiv ont permis de dégager ce qui avait été un objectif majeur des Russes au début de la guerre. Le renseignement ukrainien, secondé par les occidentaux, la capacité étonnante de l’armée ukrainienne à mobiliser jusqu’à 30 000 hommes et 1500 véhicules sans se faire visiblement repérer des Russes, a surpris beaucoup de monde.

Ces différentes manœuvres ont rectifié le front jusqu’à la situation que l’on connaît aujourd’hui. Assez vite finalement les Russes ont dû renoncer à la prise totale du pays et se sont engagés dans un rétrécissement de front dès le printemps 2022. La victoire de la contre-offensive ukrainienne a donc accompagné un recul russe clair. Au Kremlin il semble décelable qu’un mouvement de panique a plus s’installer. La mobilisation partielle du 21 septembre est l’un des éclairages allant dans ce sens. De la même façon, l’évacuation de Kherson, totalement cohérente d’un point de vue militaire et définitivement actée le 11 novembre, a marqué la fin une séquence très largement positive pour Kiev.

 

Missiles, cyberguerre : quelles leçons ?

 

Concernant les missiles, s’ils sont de superbes armes de précision, très utiles pour les médias, il n’en reste pas moins que les chiffres ne doivent pas tromper. La campagne russe a été globalement assez ridicule si on devait la comparer aux offensives américaines en Irak en 2003. Lors des raids du début de la guerre, les Russes ont lancé en 3 jours 163 missiles et effectué quelques centaines de sorties aériennes. En une seule journée, le 20 mars 2003, rappelle Michel Goya, les Américains ont lancé 500 missiles, effectué 1700 sorties sur l’Irak. À aucun moment la compagnie aérienne russe n’a été en mesure de renverser le cours des choses. Il apparaît de façon très claire qu’il en était de même dans le domaine du cyberespace. Moscou n’a pas été en mesure de transformer son image extrêmement positive dans ce domaine en réalité particulièrement efficace sur le terrain.

 

L’enlisement et après ?

 

L’hiver a été marqué par une guerre d’attrition terrible, symbolisée par la bataille de Bakhmout. Le niveau des pertes Russes est énorme. Celui des Ukrainiens ne doit pas être sous-estimé. Les différents matériels occidentaux, et notamment les chars qui ont commencé à être livrés, ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit de prélever sur des stocks déjà extrêmement réduits. La véritable différence pour Michel Goya comme pour Jean Lopez n’est pas tant matérielle qu’humaine. Les Ukrainiens, du point de vue qualitatif, peuvent s’appuyer sur des matériels occidentaux tels que les « Léopards » par exemple, mais surtout sur des hommes bien formés. La question du soutien sur place par des forces spéciales de l’OTAN est évidemment posée. La question de l’aviation également. Le champ de bataille aérien au-dessus de l’Ukraine est devenu extrêmement dangereux pour tout aéronef du fait de la saturation en moyens de défense anti-aériens, des deux côtés. Offrir des F16 aux Ukrainiens est une chose. Encore faut-il former des pilotes, ce qui prendra encore des mois, et ne aps penser qu’il puisse s’agir là d’une arme magique capable à elle seule de changer le cours de la guerre. Les auteurs concluent leur livre autour des questions restant encore en suspens, comme celle du groupe Wagner. Le chantage nucléaire russe avec la Biélorussie était encore palpable au moment où ils achevaient cette analyse, début avril 2023.

 

6 avril 2023 : tout reste à écrire pour Michel Goya et Jean Lopez

 

Nécessairement il était difficile aux auteurs de pouvoir prévoir l’avenir. Une seule chose est clairement décelable alors que le printemps s’installe. Vladimir Poutine ne désirait absolument pas lâcher, pas plus que Volodymyr Zelensky dans sa volonté de libérer son pays. Seule une offensive victorieuse d’un côté ou de l’autre semble pouvoir apporter un début de réponse vers un chemin de paix. Mais le risque est aussi grand de voir le conflit s’enliser durant l’été.

En tout état de cause les auteurs insistent sur un élément clair. Cette guerre a fait éclater sur la scène publique des choses qui étaient déjà perceptibles des connaisseurs et qui remontaient parfois dans les médias. Pas plus la France que l’Europe ne sont prêts à une guerre longue. Les forces armées occidentales sont réduites dans la masse. Sans les États-Unis, sans un effort majeur, difficile d’un point de vue économique et social mais visiblement indispensable, nous ne paraissons pas armés pour cette nouvelle ère qui s’est imposée à nous. Quant à la guerre en Ukraine, l’horizon d’une paix durable semble encore très lointain.