Réalisé à l’initiative de l’Agence de Développement et d’Urbanisme de Lille Métropole que nous avions eu l’occasion de lire, cet ouvrage nous ouvre les portes d’une nouvelle maison, les éditions « Le Passage ».
Dès l’introduction, le livre précise qu’il se limite aux bâtiments, déjà nombreux, dont l’usage originel était industriel, ne traitant pas en cela des courées, gares et autres châteaux d’eau.
Générale, la première partie de l’ouvrage rappelle quelques spécificités de la métropole lilloise, son aspect polynucléaire et transfrontalier, sa difficile diversification économique après les deux Guerres Mondiales, et qu’en conséquence, beaucoup d’édifices se trouvaient à rénover, ce qui allait nécessité courage, fonds et inventivité.
La réaffectation des bâtiments est pourtant apparue comme la meilleure solution face aux tentations de la muséification et de la conservation. En effet, si chaque bâtiment ou presque avait le potentiel de devenir le musée de l’activité qu’il avait abrité, un nombre très limité d’entre eux possédait la capacité d’attraction touristique nécessaire pour faire vivre les démarches de conservation à engager. Et comme la réhabilitation du bâtiment présentait l’avantage de pouvoir entraîner la réhabilitation du quartier « dans la foulée », cette option a été privilégiée. N’étant pas considérée uniquement comme du foncier, la friche se veut aussi synonyme de culture et de potentiel de créativité. Comme le dit très bien la géographe Dominique Mons, « l’héritage encombrant est devenu un patrimoine valorisant ! »
Malgré tout, réhabiliter réserve quelques surprises, les mises à jour, les nettoyages occasionnent parfois des découvertes qui influent sur le projet et son devenir et il faut admettre que l’on ne peut pas tout sauver. Le coût, les contraintes environnementales liées à la dépollution, la nécessaire sécurisation des lieux pour éviter les intrusions sauvages constituent autant d’obstacles faisant que des abandons et des démolitions ont tout de même eu lieu. Ainsi, le projet de cité mondiale de la bière à Armentières ne verra jamais le jour faute de financements.
Dans un deuxième temps, l’ouvrage offre une cinquantaine d’exemples de « réalisations remarquables ». Structuré autour d’une double page, parfois davantage, chacun de ces portraits permet d’apprécier les évolutions entre l’usage d’origine et l’usage actuel mais aussi le laps de temps écoulé entre la période de construction et celle de la réhabilitation. Souvent de l’ordre du siècle, cet écart peut parfois être étonnamment court à l’image de la société informatique Bull (1985) transformé en siège social du groupe Décathlon Oxylane en 1997 (Villeneuve d’Ascq).
On relèvera, entre autres, les exemples d’une usine de chiffons devenue église (Ingelmunster), d’une piscine devenue musée (Roubaix), d’une brasserie devenue immeuble de logements (Lille Hellemmes) ou encore d’une ancienne chapelle d’hôpital devenue centre de documentation d’un lycée (Montebello à Lille). Ironiquement, on notera le cas des magasins d’usine de Roubaix devenus, à leur tour, des magasins d’usine et on s’interrogera grandement sur la folie des grandeurs qui s’est emparée de la société de couverture-charpente Toitsur dont les locaux sont installés dans une ancienne église.
Sur le fond, on sent le propos très clair et passionné malgré un passage un peu ardu sur les procédés constructifs et matériaux. Sur la forme, outre une mise en page très soignée, on ne pourra que rester admiratif des photographies de Max Lerouge qui officie depuis plus de trente ans sur le secteur de la métropole lilloise et qui a même eu l’audace de proposer quelques clichés sous la neige.
A conseiller donc aux historiens, aux géographes, aux novices, aux experts, aux extérieurs et même aux locaux qui croyaient (presque) tout connaître de ces lieux !