Cette bande dessinée est tout simplement magnifique, tout d’abord esthétiquement. En effet, la couverture cartonnée a été particulièrement soignée. Un portrait de Modigliani est incrusté en vert et un bandeau en couleurs, peint à l’aquarelle, non seulement il apporte de la couleur à ce portrait, mais ajoute les deux personnages principaux sur les rabats et au dos, et propose un autre dessin coloré de Modigliani. Uniquement, ce bandeau très réussi est une merveille. Le coup de crayon de l’auteur est sublime, le choix des couleurs, l’utilisation de l’aquarelle et les nombreuses planches sans dialogue constituent de « véritables » peintures, de décors et surtout de portraits.
Ernesto Anderle, est un sculpteur, peintre et illustrateur italien Cet artiste complet met tout son talent au service de cette histoire d’un autre sculpteur et peintre italien Amedeo Modigliani. Ernesto Anderle est à la fois le dessinateur et le scénariste de cette bande dessinée.
Il réussit un tour de maître en suivant la fille de Modigliani qui va enquêter auprès de sa grand-mère pour glaner des informations sur son père Amedeo Modigliani et sa mère Jeanne Hébuterne. Elle trouvera surtout auprès de Maurice Utrillo la description d’une magnifique histoire d’amour passionnel et dramatique entre ces deux individus. L’auteur réussit avec cette trouvaille narrative, de manière subtile, à retracer le parcours artistique et professionnel de Modigliani. Il évoque également la première guerre mondiale, le contexte d’extrême pauvreté que caractérise le sculpteur puis le peintre. Modigliani est né en 1884 à Livourne et il décède en 1920 suite à une méningite. Fragile toute sa vie, il aura été en proie aux maladies et à l’alcoolisme.
Ernesto Anderle décrit les rencontres de Modigliani avec Maurice Utrillo, certes, mais aussi avec les artistes du Bateau-Lavoir, Pablo Picasso, Constantin Brancusi, et même Auguste Renoir. Le dessinateur réussit à retranscrire l’atmosphère des artistes à Paris durant ces années-là. Il garde un joli sens du rythme et de l’intrigue. Ces dessins ont un caractère onirique, parfois érotique et fréquemment poétique pour nous conter cette histoire d’amour entre Amedeo et Jeanne. Il réussit à faire s’entrecroiser « petites histoires », anecdotes et la « grande histoire ». Par exemple, lors de sa première exposition, un tableau intitulé « nu couché » attire l’attention de la police qui l’oblige à la recouvrir en menaçant le peintre et la galeriste d’outrage public à la pudeur. Ironie, cette peinture est aujourd’hui la dixième œuvre d’art la plus chère au monde !
Cette bande dessinée est remplie de subtilité, de grâce, de beauté, de poésie, c’est un magnifique hommage à Modigliani, elle me paraît indispensable.