«Comment un fait géographique, l’île, est devenu le cœur d’un projet urbain ?» C’est sur cette question originale que s’ouvre ce dernier numéro du Mook consacré à l’histoire singulière de la rénovation urbaine nantaise.

Citée comme pionnière en matière de reconversion industrielle, la ville de Nantes a su tirer profit des multiples initiatives culturelles locales, du profond changement dans la perception du fleuve, de l’arrivée salutaire du TGV pour faire de son île ce que la tour Eiffel est à Paris, le point de toutes les convergences. Elle a surtout réussi à jouer avec la forme particulière de ce territoire qui a permis «d’échapper au charme très ingrat des ZAC, ZAD et autres zones dont les procédures gelées compromettent par avance trop de projets d’aménagement» pour citer l’auteur, Jean-Louis Violeau, sociologue en école d’architecture.

Symbolisée par l’implantation du palais de justice de Jean Nouvel, la prise de possession du territoire de l’île tient beaucoup à l’action des architectes Alexandre Chemetov, qui en assura la maîtrise d’œuvre durant la décennie 1990 et Patrick Bouchain, investi dans la conception du Lieu Unique et de la galerie des Machines. Elle a également été relayée par l’action associative, voire militante de nombreux trentenaires qui se souviennent avoir grandi dans les friches, peut-être avec le désir latent de ne pas laisser ce territoire à l’abandon.

Les dix années suivantes témoignent d’une certaine maturation du projet (plus d’un million de visiteurs sur les Machines de l’île en seulement trois ans) qui se complète par l’aménagement d’autres lieux emblématiques comme le hangar à bananes par exemple mais qui voit également les réflexions s’étendre à l’Est pour développer le réel facteur d’appropriation territorial que constitue le logement.

A l’aube des années 2010, c’est la question de l’estuaire qui se pose pour tenter de savoir si Nantes et Saint-Nazaire peuvent constituer les deux têtes d’une métropole régionale. Là encore, l’analyse montre encore un bel esprit pionnier avec l’idée de «conférence métropolitaine» davantage fondée sur des projets que sur des limites territoriales.

L’avenir montre que l’histoire est loin d’être finie puisqu’il reste encore beaucoup de foncier dont certains (CHU, lycée) se sont déjà emparés. Finalement, comme le dit l’architecte-urbaniste Christian Devillers, «le bon urbanisme consiste toujours à bien accommoder les restes».

Un style vraiment passionné pour ce numéro riche en interviews d’acteurs locaux et une maquette toujours impeccable pour ce magazine dont les illustrations sont ici d’une grande variété: photos, peintures, planches BD, affiches publicitaires…et surtout d’une grande qualité.

Hautement recommandable pour illustrer la reconversion industrielle mais aussi pour montrer à nos élèves, en piochant quelques exemples, qu’une île n’est pas toujours un amas de sable jonché de noix de coco.