Après Nous vivrons, Joann Sfar livre un deuxième volume de dessins sur l’antisémitisme. Son livre s’ouvre par une citation de Rabbi Nathan, un sage du judaïsme, « Qui est le héros véritable ? Celui qui de son ennemi fait un frère. » en écho au début du tome précédent où il déclarait que « Les assassins de tous les camps sont des alliés objectifs.« .

Il se plonge dans ses souvenirs d’enfance, du Talmud Torah et des fêtes familiales à ses premiers souvenirs du conflit israélo-palestinien. Il s’engage ensuite dans le Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ). Trop rêveur, on lui confie la mission de surveiller les activistes de la droite radicale comme les tiers-mondistes. Il relate ses échanges avec son père sur l’histoire des juifs. Joann Sfar retrouve parallèlement les émissions de radio que ce dernier avait enregistrées et les met sur le site Akadem : L’histoire du peuple juif racontée par André Sfar. Ces conversations avec son père sont l’occasion de reprendre des éléments sur l’histoire de l’antisémitisme, d’expliquer certains clichés comme les Juifs et l’argent. Il en montre la permanence à travers les siècles : des accusations de meurtres d’enfants pour utiliser le sang de jeunes chrétiens dans le pain azyme au XIIe siècle en Angleterre à la rumeur du prélèvement d’organes d’enfants palestiniens lors du conflit actuel. Il évoque l’antisémitisme chrétien comme celui des pays arabes. Il met en images l’encombrant héritage paternel. Son père se définissait comme un « avocat des juifs », Joann Sfar se retrouve à prendre la parole sur le judaïsme et l’antisémitisme dans le contexte du 7 octobre.

« La mauvaise nouvelle : aucune tentative, juive ou pas, de mettre les Juifs à l’abri de cette haine ne fonctionnera jamais. La bonne nouvelle : l’extermination ne sera jamais totale, je veux dire. Nous vivrons.«  (p. 133).

Comme dans Nous vivrons, il raconte ses échanges avec les personnes qu’il rencontre. Au fil des pages, nous croisons Frédéric Encel, une journaliste de Libération et une de Haaretz, un soldat israélien, Mia Schem, Jonathan Hayoun (Histoire de l’antisémitisme sur Arte), des anonymes… Les membres de sa famille, vivants ou morts, interviennent aussi. Une grande partie de sa famille est installée en Israël. Aux inquiétudes du présent répondent des échanges avec les disparus, à la manière de Delphine Horvilleur dans Comment ça va pas ?.

Joann Sfar évoque aussi les voyages en Orient des intellectuels. Chateaubriand, Romain Gary, Albert Londres, Joseph Roth, Arthur Koestler, Frank Kafka… apparaissent dans certaines pages, permettant d’aborder les représentations de Jérusalem sur le temps long. Joann Sfar fait une place particulière à Joseph Kessel, notamment à ces reportages. Ce dernier a été en effet l’auteur de Terre d’amour et de feu : Israël 1926-1961.

L’épilogue laisse la parole à des étudiants sur leur quotidien post-7 octobre, avant qu’un jeune Joann Sfar ne déclare « avant que Mamy fasse taire Gokdorak, j’étais bien ». Il fait allusion à son premier contact avec le conflit israélo-palestinien-palestinien lorsque sa grand-mère a coupé son dessin animé pour suivre les accords de Camp David.

Ecrire sur l’histoire du peuple juif et continuer à dialoguer apparaissent comme une nécessité tout au long de ce roman graphique sous forme d’enquête.