Un constat accablant : 1 600 000 déplacés devant la violence des gangs. Jean Marie ThéodatIl est l’auteur de divers ouvrages, dont, en 2021, Fatras Port-au-Prince, aux Editions Parole, 2021s’interroge : Comment en est-on arrivé là ? Que reste-il des débuts héroïques de 1804 ? L’auteur dresse un tableau sans concession.
Haïti est aujourd’hui confrontée à un triple défi.
Un défi environnemental et écologique
Si le climat et la situation géographique favorisent les cyclones, rendus plus violents par le changement climatique, les dégâts sont aggravés par la dégradation de la couverture végétale (<10%). La double exposition aux risques cycloniques et sismiques est aggravée par la faiblesse des mesures de prévention.
Un défi économique et social
Haïti est un pays plus pauvre que ses voisins, en particulier la République Dominicaine. L’espérance de vie y est faible : 64 ans.
Le pays dépend de l’étranger pour ses approvisionnements y compris alimentaires. L’auteur replace la situation dans l’histoire du secteur agricole, dominé par la micro-propriété héritée du démembrement des plantations après la révolution (moyenne 0,5 ha). Malgré des efforts récents dans le secteur des cultures de rente, la main-d’œuvre manque, attirée par les emplois mieux rémunérés en République Dominicaine.
Le secteur secondaire représente 25 % de la richesse nationale. Les services (éducation, santé) sont largement dominés par le privé, faute d’investissement de l’État.
Le tourisme, qui représentait une importante source de revenu dans les années 1990, est en crise.
Un défi politique et social
L’auteur revient sur l’histoire. Aux lendemains de l’indépendance, Haïti était libre sur le papier, mais non reconnu par les puissances étrangères, un « État marron ». Après des débuts prometteurs, il a fallu imposer des décisions aux anciens esclaves qui refusaient l’autorité, une méfiance voire une hostilité durable de la paysannerie envers l’État. Les gouvernants ont payé au prix fort la reconnaissance internationaleC’est notamment la question de la dette payée à la France qui a été rappelée à l’occasion du bicentenaire : La dette coloniale haïtienne, 200 ans après : enfin l’heure des comptes ? – Sur ce sujet voir Haïti-France Les chaînes de la dette – Le rapport Mackau (1825), Marcel Dorigny, Jean Marie Théodat, Gusti-Klara Gaillard, Jean Claude Bruffaerts, Editions Hémisphères, 2021, ce qui a entraîné une ingérence étrangère, économique et politique jusqu’à l’occupation du territoire par les États-Unis (1915-1934).
Cette situation a favorisé des régimes très autoritaires comme avec les Duvalier. L’auteur rappelle les grandes étapes de la vie politique au XXe siècle jusqu’à l’effondrement de 2004 et la présence de forces onusiennes jusqu’en 2017. Le séisme de 2010 et l’intervention massive de l’aide internationaleL’action humanitaire de l’Union Européenne dans les pays du Sud, Moïse Jean, L’Harmattan, 2017 – L’échec humanitaire, le cas haïtien, Frédéric Thomas, Charleroi, éditions Couleurs Livres, 2013 ont aggravé la crise politique et sociale.
L’assassinat du président Jouvenel Moïse, le 7 juillet 2021, plonge le pays dans la crise actuelle.
Une population jeune, mobile et nombreuse
Dans ce dernier chapitre, l’auteur décrit une population pauvre et inégalement répartie, un exode rural encore fort. Si la migration est un phénomène ancien, elle s’est accentuée avec la crise actuelle, vers les contrées voisines : République Dominicaine, Antilles françaises ou plus lointaines, Amérique du Sud, États-Unis, Canada. La diaspora fait vivre le pays, les transferts représentent 20 % du PIB.
L’auteur évoque brièvement une jeunesse active, solidaire, des exemples auraient permis de rompre avec la criminalité seule présente dans la presse.
L’auteur redit ici son attachement à sa terre natale tout en dressant, en géographe, un tableau précis d’Haïti. Un petit ouvrage utile au lecteur français, qui, en général, connaît peu ou mal ce pays, pour comprendre la situation, derrière l’image tronquée donnée par la presse.


