Dans son numéro estival, la revue Questions internationales consacre son dossier central au sport abordé au prisme de la diplomatie, de la régulation, de l’économie. Pour cela, ont été convoqués des spécialistes, historiens du sport (P.Diestchy, F.Archambault), des économistes du sport (JF Bourg, W Andreff) dont les articles sont associés à une interview de Michel Platini, président de l’UEFA.

Une présentation de Serge Sur expose les principales problématiques du dossier insistant sur le caractère de plus en plus international voire transnational du sport de haut niveau puisqu’ici, c’est de celui-ci dont il est question. On peut s’interroger sur des affirmations telles que « La carrière est ouverte à tous en fonction du talent » ou « L’identité multiraciale de l’Afrique du Sud se manifeste notamment désormais par le sport et la coupe du monde de football qui vient de se dérouler sur son sol en est un témoignage réconfortant ». Pour la première, il est connu que le talent seul ne permet pas de percer au plus haut niveau et qu’une absence de réseaux, de connexions peut handicaper un athlète au cours de sa carrière; concernant l’Afrique du Sud, il suffit de prendre pour exemple les équipes de rugby et de football pour remarquer que le premier reste un sport de blancs et le second de noirs, et ce sans parler de l’effet déformant de la coupe du monde qui ne nous aura montré qu’une image sûrement idéalisée de la nation arc-en-ciel.

P.Dietschy, auteur d’une « Histoire du football » et JL Chappelet envisagent le sport sous l’angle de la politique étrangère. Leurs textes tendent à faire double-emploi, rappelant les temps forts de l’utilisation par la politique du sport au XXème siècle, de la refondation des JO guidée par l’idéal pacifiste de Coubertin aux différents boycotts, réalisés (Los Angeles) ou envisagés (Pékin), en passant par l’affiliation des états nouvellement indépendants à la FIFA et au CIO, symboles d’une reconnaissance internationale. A retenir particulièrement, l’idée, suggérée par P.Dietschy,selon laquelle ces institutions tentent à mener une diplomatie particulière, ouvrant leurs compétitions à des pays dits émergents et celle de JL Chappelet pour qui le temps de la mondialisation des Jeux est aussi celui de l’intervention sur la scène olympique d’ONG au nom de la défense de l’environnement ou/et des droits de l’homme.

De régulation il est question avec C. Miège et dans l’entretien accordé par Michel Platini, ce sous deux aspects différents. C. Miège l’envisage à l’échelle internationale et insiste sur le rôle central du CIO, sommet de la pyramide sportive mondiale s’appuyant sur une charte, des institutions associées (tribunal arbitral du sport, AMA), grand ordonnateur des Jeux, de leur programme mais son autorité peut rencontrer des difficultés à s’appliquer au sein d’états voyant d’un mauvais oeil une législation externe s’imposer à l’intérieur de leurs frontières. Autrement plus contraignant, le droit communautaire s’est lui imposé au monde du sport, l’arrêt Bosman (1995) en étant l’ilustration la plus célèbre. Et même si la spécificité du domaine sportif a été reconnue, les règles limitant la circulation des sportifs ne sauraient trouver grâce aux yeux de l’UE à l’instar de la règle « 6 + 5 » (6 joueurs nationaux + 5 étrangers dans les équipes de foot professionnelle) prônée par Michel Platini. Ce dernier trace rapidement les contours de sa politique, celle d’un homme de terrain cherchant à « défendre le football de l’influence des adultes » pour que « le football reste un jeu merveilleux » : contrôle financier des clubs pour la partie économique, refus de l’arbitrage vidéo qui tuerait le football au profit d’un arbitrage à 5 afin de ne pas ralentir le jeu. On devine aisément les obstacles à une telle vision : grossières erreurs d’arbitrage lors de la dernière coupe du monde militant pour l’apport de la vidéo, exclusion ou sanction prises contre les clubs endettés (Barcelone, Madrid, Liverpool, Manchester…) au risque d’une perte d’intérêt des compétitions européennes voire de l’organsation de compétitions concurrentes.

JF Bourg et W Andreff abordent le volet économique de ce dossier. Le sport est entré de plein pied dans l’économie de marché mondialisée dans les années 80 sous les effets conjugués des nouvelles technologies et de l’argent des médias, des firmes transnationales: des clubs européens deviennent la propriété d’Américains ou d’Asiatiques, des entreprises/sponsors visent les marchés émergents par le sport. Les grands clubs européens de football sont la parfaite illustration de ces évolutions où main d’oeuvre, financement, stratégie se sont globalisés : Arsenal, club londonien au recrutement international et dont le stade porte le nom d’une entreprise, l’Emirates Stadium, réalise des tournées en Asie pour gagner de nouveaux supporters/clients. Les dérives de tout cela sont connues : marché mondial du dopage, développement des paris en ligne aux mains de groupes mafieux, blanchiement d’argent sale…

Un dernier article de Fabien Archambault met en évidence le rôle du sport dans la construction des identités nationales même si les récentes mutations liées à la mondialisation et la libre circulation des athlètes peuvent atténuer l’attachement à celles-ci. Le football bien sûr a rempli cette fonction mais d’autres disciplines, à l’ère des empires, ont permis aux populations dominées de se contruire face à la culture impériale : football gaëlique en Irlande, cricket dans le sous-continent indien (« L’empire des sports« ).

On trouvera aussi au sommaire de ce numéro un article sur les relations turco-arméniennes en voie d’amélioration à tel point que les équipes natioanles ont pu se rencontrer dans une atmosphère satisfaisante. Matthieu Petithomme insiste sur la pierre d’achoppement à une réelle normalisation des relations diplomatiques : la question du génocide arménien. Anoter aussi pour les enseignants, une étude de « quelques films épiques américains aux accents contemporains ».

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