Dans les Etats-Unis de la fin des années 1910, Cy nous propose de découvrir une histoire inédite, basée sur des faits réels. Celle de femmes, les Radium girls employées dans une usine de fabrication de montres pour les soldats américains.

La particularité de ces montres : elles brillent dans le noir grâce à l’utilisation d’une peinture renforcée en radium. Ce radium, dont on ignore encore, officiellement, les particularités cancérigènes, sera à la fois la source de leur émancipation, par le travail qu’elles obtiennent, mais aussi celle de leur cancer.

Une image de la société américaine

A travers ces femmes insouciantes, au départ en tout cas, nous suivons cette société américaine qui vit loin des terrains de guerre, fait la fête à l’aube des années folles, découvre le jazz, s’affranchit de la Prohibition dans les speakers, va à la plage et aux fêtes foraines… Cy nous offre une brochette de femmes indépendantes qui veut s’émanciper grâce à ce travail et profiter de leurs jeunes années.

Mais très rapidement, cette insouciance s’estompe face aux réalités de l’usage de cette peinture. Se peindre les lèvres, les ongles, les dents ou ses tenues de soirées pour illuminer les soirées… le surnom de « Ghost Girls »… cela semble rapidement superficiel face aux premières rumeurs et premiers signes physiques de développement de la maladie.

A cela se rajoutent des tensions au sein de ce groupe d’amies : divergences politiques alors qu’elle viennent d’obtenir le droit de vote, divergences sociétales sur le rôle de la femme et sur ce que « doit » être un comportement adéquate et attendu, réactions face à la maladie et à la mort de certaines d’entre elles.

Le sort des « Radium girls »

Après de nombreuses morts de femmes présentant les mêmes symptômes, la presse et la médecine commencent à s’intéresser de plus près à cette histoire et à ces femmes désormais surnommées « Radium girls ». Elles découvrent alors que les conséquences du radium étaient connues de leurs supérieurs, comment l’industrie a empêché la diffusion des informations et a écarté ceux qui savaient. Commence alors la lutte du pot de terre contre le pot de fer, la Justice et l’inspection du travail se montrant peu enclins à reconnaître cette maladie comme une maladie professionnelle et, avec, la responsabilité de l’entreprise.

Si le combat n’a quasi rien donné pour ces femmes directement, il a œuvré à deux innovations majeures dans le monde du travail américain: la création d’une agence de protection des travailleurs : l’OSHA; le droit pour les travailleurs de pouvoir poursuivre leurs sociétés en justice en cas de préjudice sanitaire.

Cette BD est une réelle réussite

Cette BD est une réelle réussite. Tant dans le choix de l’histoire, que dans la manière de présenter ces femmes et leur prise de conscience. Tout cela est servi par un trait de crayon et une mise en couleurs originale: des tons de rose, de pourpre, et de vert qui donnent une véritable ambiance à cette œuvre. Cette BD s’inscrit dans cette tendance à la mise en exergue d’histoires et de combats de femmes passés dans l’oubli. Elle permet de découvrir de nombreux pans d’une société américaine en pleine évolution après la Première Guerre mondiale.

Présentation sur le site de l’éditeur 

Des destins de femmes sacrifiées sur l’autel du progrès. New Jersey, 1918. Edna Bolz entre comme ouvrière à l’United State Radium Corporation, une usine qui fournit l’armée en montres. Aux côtés de Katherine, Mollie, Albina, Quinta et les autres, elle va apprendre le métier qui consiste à peindre des cadrans à l’aide de la peinture Undark (une substance luminescente très précieuse et très chère) à un rythme constant. Mais bien que la charge de travail soit soutenue, l’ambiance à l’usine est assez bonne. Les filles s’entendent bien et sortent même ensemble le soir. Elles se surnomment les « Ghost Girls » : par jeu, elles se peignent les ongles, les dents ou le visage afin d’éblouir (littéralement) les autres une fois la nuit tombée. Mais elles ignorent que, derrière ses propriétés étonnantes, le Radium, cette substance qu’elles manipulent toute la journée et avec laquelle elles jouent, est en réalité mortelle. Et alors que certaines d’entre elles commencent à souffrir d’anémie, de fractures voire de tumeur, des voix s’élèvent pour comprendre. D’autres, pour étouffer l’affaire… La dessinatrice Cy nous raconte le terrible destin des Radium Girls, ces jeunes femmes injustement sacrifiées sur l’autel du progrès technique. Un parcours de femmes dans la turbulente Amérique des années 1920 où, derrière l’insouciance lumineuse de la jeunesse, se joue une véritable tragédie des temps modernes.

Présentation de l’auteur sur le site de l’éditeur

Autrice de bande dessinée, Cy. est, à la base, graphiste de formation. Après plusieurs années en tant que directrice artistique, elle se lance en freelance pour développer ses projets. Elle publie aux éditions Lapin Le vrai sexe de la vraie vie (tome 1 et 2) où elle prend le parti de montrer des bribes de sexualité sur base de témoignages. Son leitmotiv ; montrer pour déculpabiliser. Sa BD suivante ne parle pas de sexualité, mais de luttes de femmes dans les années 20 aux États-Unis : Radium Girls parait chez Glénat en avril 2020. Réside en région parisienne.