Hydrologues reconnus, notamment primés par l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques (AISH), Vazken Andréassian et Jean Margat proposent avec cet ouvrage une lecture vulgarisée de la composante géopolitique de l’eau.

La très bonne introduction met en appétit en entamant sur les liens étymologiques entre rives, rivières, rivaux, rivalités…et en présentant les multiples propriétés de l’eau, notamment son caractère exclusif sur de nombreux points (« le seul élément naturel qui… »). On sent que le ton sera clair et le propos richement illustré.

La première partie est sans doute celle qui rend le mieux hommage au titre en s’intéressant aux frontières « physiques et humaines » de l’eau. On y trouve une justification intéressante sur l’idée que la maîtrise des emplacements des sources des fleuves et des rivières par nos élèves est à relativiser puisque ces sources peuvent être multiples et que la plus en amont n’est pas nécessairement la plus abondante ne fournissant en cela qu’une part minime du débit total du bassin.

Toujours pour servir nos cours de géographie, la carte des « (34) bassins versants plurinationaux dans le monde » de la page 23 montre avec simplicité comment « la nature établit les limites des bassins versants et les hommes établissent les frontières politiques ».

Enfin, le thème des frontières fluviales (et même lacustres) montre que la question des tracés ne coule pas de source (condominium, limite à la rive, limite à la ligne médiane, limite au thalweg) et qu’il s’agit bien de choix humains.

Dans une seconde partie aux passages un peu techniques sur la ressource en eau, on apprend notamment que 35 % des écoulements naturels mondiaux sont communs à plusieurs pays d’où le recours à des indices de « dépendance » et d’« émission » mis en valeur par deux bonnes cartes page 41 (dommage finalement que les fleuves n’y figurent pas).

Une attention particulière est portée aux termes à utiliser lorsqu’on évoque l’offre et la demande de la ressource (« utilisation » n’est pas « consommation », l’utilisation peut être « in situ » ou « ex situ ») tout comme la façon de faire les comptes pour éviter les doublons (eaux de surface/eaux souterraine, ressources/réserves, eau verte/eau bleue…) qui peuvent amener excès d’optimisme ou d’alarmisme.

La troisième partie est étude de cas. Elle passe en revue divers grands conflits mondiaux (Tigre/Euphrate, Nil, Indus, Jourdain, Rio Grande/Colorado) ainsi que quelques exemples français à échelle locale. Les causes peuvent être diverses et variées. Citons par exemple le développement de l’irrigation dans un pays qui entraine un usage de l’eau et donc une diminution de l’écoulement pour son voisin en aval.

La quatrième partie fait office de conclusion et convoque le droit international. Une convention de 1997 existe mais n’est pas ratifiée par suffisamment de pays pour être réellement efficace. Quelques tentatives émergent malgré tout. Les auteurs insistent sur le fait que les conflits liés à l’eau ne se résument pas à leur seule dimension hydrologique et qu’une réelle volonté de faire la paix reste le préalable indispensable qui fait trop souvent défaut.

Une belle réussite dans ce créneau des « beaux livres » tant le ton est juste et les documents diversifiés. Ravira donc les férus de géopolitique, les historiens aussi mais logiquement les géographes qui, rappelons le, trouveront, outre pour le développement durable, exemples et documents d’étude pour sortir d’approches sur les fleuves parfois encore bien surannées.