Voilà un roman graphique, un reportage, un témoignage de l’action de Médecins sans frontière en Méditerranée, un récit utile au moment où l’Europe se ferme, dans un monde où des migrants, toujours plus nombreux, sont poussés par la guerre, la violence, la misère et les conséquences du dérèglement climatique. Il n’est pas inutile de rappeler que ceux qui tentent de rejoindre l’Europe sont peu nombreux.
Ce roman graphique complète le carnet de sauvetage que Lucas Vallerie avait réalisé, en 2023, avec le photojournaliste Michael BunelRescapé-e-s, La Boîte à bulles, 2023. C’est, comme l’auteur l’indique, la « digestion » de cette expérience. Outre le récit des sauvetages en mer, il s’agit de rapporter des histoires de migrants .
Face à l’équipe professionnelle sur le bateau et aux deux journalistes Mickaël et Lucas, des récits de vie de migrants.
Le récit intercale l’action des sauveteurs : entraînements, sauvetages très difficiles, pour tous à bord et des récits de vie. Les premiers récits sont ceux de Camerounais, Mouhamada, Omar, Jeannette, Claude…
Ces récits évoquent différents motifs de départ : misère, le conflit entre Anglophones et Francophones au Cameroun, un impossible mariage inter-religieux, mais surtout, ils montrent que l’idée d’aller vers l’Europe est très rarement la cause du départ. Dans la plupart des cas, le projet est d’aller, dans un pays voisin, pour y travailler. Ils sont représentatifs des migrations en Afrique« Les 2 tiers des migrants s’installent dans un pays de même niveau de développement, en restant dans la même région du monde.[…] En 2020, le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés) dénombre 26 millions de réfugiés à travers le monde, dont 80% environ dans des pays en développement. » (Migrants, migrantes : de quoi parle-t-on vraiment ? – Voir aussi le Rapport de l’OIM : État de la migration dans le monde 2024) – Tendances migratoires à surveiller en Afrique en 2024 – Les défis de la migration en Afrique de l’Ouest et du Centre .
Les difficultés rencontrées et surtout la situation en Libye, amènent les migrants à tenter la traversée de la Méditerranée. C’est là qu’ils rencontrent, quand ils ne sont pas interceptés par les garde-côtes libyens, un bateau de sauvetage, comme le Geo Barents de Médecins sans frontière. Le récit toujours pudique évoque les maltraitances, les atteintes aux Droits de l’Homme, subies en Libye, mais aussi l’entraide entre migrants, soutenus, parfois par la population.
L’auteur qui avait déjà rendu compte de son expérience dans Rescapé.e.s, restitue avec précision, humour aussi parfois, et beaucoup d’empathie, cette rencontre entre nous, les Européens, et ces femmes, ces hommes, ces enfants qui cherchent une vie plus digne. Certains, comme Claude, sont lucides sur la responsabilité de leur gouvernement. Les sauveteurs dénoncent la politique migratoire de l’UE.
Au cours de cette rotation, d’autres migrants, syriens, égyptiens, érythréens sont montés à bord et ont été dessinés par l’auteur, une étonnante galerie de portraits qui expriment le respect de Lucas Vallerie et l’espoir de tous, malgré le souvenir de ceux, beaucoup trop nombreux qui ont péri en mer, (2 500 hommes, femmes et enfants sont morts ou disparus en Méditerranée en 2023, selon l’ONU. Près de 30 000 depuis 2014).
Une BD qui s’avère importante dans la France de 2024.
