Le commissaire de police parisien Samuel Le Mullois est de retour pour sa deuxième enquête. Après la période troublée de la Première Restauration où se plaçait la première, le voici évoluant dans la séquence non moins perturbée des Cent Jours. Cette fois-ci, il s’agit de déjouer un risque d’attentat contre la personne de Napoléon revenu de l’île d’Elbe. Le pouvoir reconquis par le souverain impérial est mal assuré. Le climat politique est incertain, lourd en menaces de guerre imminentes. La capitale est agitée et inquiète. L’Empereur a besoin de l’appui politique des ouvriers des faubourgs mais en redoute les débordements révolutionnaires. Les bouillonnements du moment sont propices à bien des périls.

Le régicide potentiel est un jeune aristocrate allemand fanatisé. Le Mullois est commissionné par le préfet de police Réal pour se lancer à sa recherche. Mais des protections – sont-elles royalistes, sont-elles républicaines ? – semblent rendre le fugitif insaisissable. Sa trace se perd entre complots et sociétés secrètes, entravée par la rivalité entre la Préfecture de Police et le Ministère de la Police générale. Tout contribue à brouiller les pistes et opacifier la poursuite, dans un bain sonore de chansons politiques subversives. La revue des Fédérés s’annonce comme un moment critique où l’attentat peut survenir. Mais à quoi Samuel Le Mullois est-il véritablement confronté : ténébreux complot ou manipulation dans un contexte de guerre des polices ?

Déambulant de l’agora festive du Palais-Royal au sordide village de La Villette, du faubourg Saint-Antoine au parc des Tuileries, notre enquêteur croise tous les milieux sociaux du Paris de l’époque. Dans ce nouvel opus comme dans le précédent, les personnages de fiction interagissent avec des protagonistes historiques réels. Certains sont connus (Sophie Hugo, Ange Pitou, Félix Le Peletier de Saint-Fargeau…), d’autres obscurs (Ernst de La Sahla, la « belle limonadière », le baron Lamezan…). Leurs pérégrinations se font dans le cadre d’un Paris de mai 1815 dont on parcourt le paysage disparu. Comme dans le premier opus, leur immersion dépaysante et instructive dans le passé de la cité donne un charme certain aux aventures du commissaire Le Mullois. Ce tableau soigné de Paris livre des détails surprenants sur les plaques des rues, et ressuscite les éprouvants particularismes de la Butte-Chaumont, sanctuaire de la « poudrette » et des enclos d’équarrissage.

Dans cette nouvelle enquête, l’auteur affine la figure de son héros. On comprend mieux ce protestant austère au mode de vie de pénitent. Au service de pouvoirs qu’il n’aime pas, mais sans le cynisme d’un Bernie Gunther, il porte un lourd bagage de scrupules et de remords. Moins contemplatif que lors de sa première investigation, il demeure néanmoins un homme de réflexion plus que d’action. On peut toutefois le trouver étonnamment sensible au sang et aux odeurs pour un vétéran des campagnes de la Révolution et de l’Empire.

Il évolue dans un environnement historique extrêmement crédible, attentif aux détails et au vocabulaire de l’époque. Là est un autre point fort de l’écriture de l’auteur, historien de formation. On peut d’ailleurs, comme pour le précédent volume, consulter une page d’illustrations d’époque réunie sur son site. Le seul regret qui puisse être formulé concerne les coquilles qui subsistent ici et là. Mais on attend déjà avec curiosité le troisième volet des aventures du limier de Laurent Nagy. À suivre la chronologie historique, il devrait s’inscrire dans un moment aussi tourmenté que les précédents : celui de la Terreur Blanche.

© Guillaume Lévêque