Connaissez-vous Alexine Tinne, Gabrielle Vallot ou Ida Pfeiffer ? Si la réponse est non, ce n’est pas vraiment surprenant. Ces exploratrices ont longtemps été invisibilisées dans l’histoire. Caroline Riegel, écrivaine, réalisatrice, photographe et conférencière propose, à travers cet ouvrage richement illustré, de leur redonner toute leur place. Rendre compte d’un tel ouvrage est redoutable car cela oblige à choisir quelles femmes présenter et donc à en passer sous silence certaines.

Une autrice exploratrice

Caroline Riegel a traversé l’Asie au fil de l’eau seule durant deux années avec des chevaux et des ânes. Elle a fondé une association qui soutient une nonnerie au Zanskar. Elle relève que les explorateurs sont bien plus nombreux que leurs collègues féminins. Alors, pour réaliser ce livre, l’autrice a dû fouiller, explorer notre mémoire collective pour découvrir des personnages extraordinaires. Le livre est structuré en quatre parties. Dans chacune d’elles, on trouve des portraits d’exploratrices plus ou moins développés sur une ou deux double pages. Pour chacune d’elles est précisé un sous-titre pour la présenter, ses dates, son statut, ses occupations et ses exploits.

Par-delà les déserts

L’ouvrage commence par Alexine Tinne qui a exploré le Soudan au milieu du XIXe siècle. Elle est sauvagement assassinée en 1869. Elle est injustement exclue du cercle restreint des explorateurs du Nil. Jane Dieulafoy est surnommée « la George Sand du désert ». On lui doit la découverte de la remarquable frise des archers qui décorait le palais de Darius Ier. Elle a été une des premières femmes décorées de la Légion d’honneur. Isabelle Eberhardt a livré deux récits sur ses voyages dans le sud algérien dont «  Au pays des sables ». De leur côté, Louise Boyd et Ada Blackjack ont exploré l’Arctique. Le livre mentionne également des exploratrices toujours vivantes comme Robyn Davidson, écrivaine anthropologue, une « femme qui a compris que sa liberté individuelle est indissociable de l’histoire des autres ».

Par-delà les crêtes

Henriette d’Angeville s’est lancée à la conquête du Mont Blanc au XIXe siècle. Elle n’est pourtant pas la première femme sur le toit de l’Europe. L’ouvrage aborde aussi quelques cas connus comme celui de Calamity Jane et la conquête de l’Ouest. Orpheline à douze ans, elle est, tour à tour, prostituée, serveuse, lingère, danseuse, infirmière et conférencière. Une autre femme connue, dans un tout autre style, est Diane Fossey, qui déclara : « je veux être enterrée ici, dans le cimetière où reposent mes gorilles ». On peut citer encore parmi les noms célèbres celui de la volcanologue Katia Kraft. En revanche, on découvrira sans doute le nom de Gabrielle Vallot qui fut pourtant l’une des premières spéléologues françaises. Adrienne Bolland s’est illustrée dans les airs. Elle vit de meetings aériens et de voltige même si c’était parfois chichement. Elle effectua une tournée triomphale en Amérique du Sud. Du côté des contemporains, le livre parle de Nastassja Martin, née en 1986, qui étudie les peuples du Grand Nord et particulièrement les Gwich‘in. Elle est à la fois anthropologue et écrivaine comme le montre son récit récemment paru « A l’Est des rêves ».

Par-delà les océans

Mary Read a été embauchée comme militaire puis comme pirate au XVIIIe siècle. Dans le même registre, le lecteur découvrira peut-être la figure de Ching Shih, pirate la plus puissante de la mer de Chine à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. On dit qu’elle était à la tête de 70 000 hommes. Jeanne Barret, quant à elle, a été identifiée comme la première femme à avoir réalisé le tour du monde. Amelia Earhart a été la première femme à traverser l’Atlantique en avion. Elle a été aussi la première femme à recevoir une médaille d’or de la part du National Geografic. Anica Conti a eu une carrière d’océanographe. L’ouvrage s’arrête aussi sur les exploits de Sylvia Earle qui totalise plus de 7 000 heures de plongée et qui a récolté pas moins de 20 000 algues pour sa thèse. Il faut mentionner aussi Emmanuelle Périé-Bardout qui plonge sous la banquise.

Par-delà les frontières

Ida Pfeiffer a réalisé pas moins de deux fois le tour du monde. Pourtant, rien dans l’enfance rangée de cette bourgeoise autrichienne ni de sa vie de femme mariée à un avocat ne laissait présager une seconde partie de vie si aventurière. Parmi les figures un peu mieux connues depuis quelques années, on peut citer Nellie Bly, première journaliste d’investigation. Elle couvre la Première Guerre mondiale, milite pour le droit de vote des femmes, mais meurt à 57 ans d’une pneumonie. Le livre s’arrête aussi sur Alexandra David-Néel, première femme occidentale à pénétrer dans Lhassa interdite. Elle affiche une volonté farouche d’être libre. On lira aussi les exploits de Clärenore Stinnes qui a réalisé le premier tour du monde en automobile ou ceux de Jéromine Pasteur.

Cet ouvrage, très agréable à lire, permet de découvrir nombre de figures d’exploratrices. Il donne envie d’en savoir plus et, en ce sens, atteint pleinement son objectif.